Cour d’appel administrative de Paris, le 13 février 2025, n°23PA00368

Par un arrêt du 13 février 2025, la cour administrative d’appel de Paris s’est prononcée sur la légalité d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable de travaux portant sur la surélévation d’une maison d’habitation. En l’espèce, des voisins, propriétaires de biens immobiliers à proximité immédiate du projet, avaient saisi le tribunal administratif de Paris afin d’obtenir l’annulation de la décision implicite de non-opposition aux travaux. Par un premier jugement, le tribunal a constaté que l’autorisation était entachée de vices relatifs à l’incomplétude du dossier et à la méconnaissance de plusieurs articles du plan local d’urbanisme. Faisant application des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, il a sursis à statuer et imparti un délai au bénéficiaire de l’autorisation pour régulariser ces illégalités. Après le dépôt d’un dossier modificatif et l’édiction d’une nouvelle décision de non-opposition, le tribunal a, par un second jugement, finalement annulé les deux autorisations, estimant la régularisation insuffisante. Saisie par le pétitionnaire, la cour administrative d’appel a été amenée à se prononcer sur l’appréciation portée par les premiers juges tant sur le dossier initial que sur le projet régularisé. Il lui appartenait de déterminer si les modifications apportées au projet, notamment sur son aspect extérieur, suffisaient à le rendre conforme aux exigences d’insertion dans le site environnant prévues par le règlement d’urbanisme. La cour administrative d’appel, tout en confirmant l’illégalité de l’autorisation initiale, a infirmé l’analyse des premiers juges concernant le projet modifié, considérant que celui-ci respectait désormais les règles d’urbanisme. Elle a, par conséquent, annulé le jugement final et rejeté la demande d’annulation formée par les voisins, validant ainsi l’autorisation de travaux régularisée.

L’analyse de la légalité de l’autorisation initiale révèle une distinction claire entre le contrôle formel du dossier et l’examen substantiel du projet (I), qui a conduit à la mise en œuvre d’une mesure de régularisation dont la cour a consacré l’efficacité (II).

I. Le contrôle différencié de la légalité de l’autorisation initiale

La cour administrative d’appel a d’abord opéré une appréciation souple des exigences formelles relatives au contenu du dossier de déclaration préalable (A), avant de confirmer avec rigueur l’existence d’une violation matérielle des règles d’urbanisme par le projet initial (B).

A. La souplesse du contrôle de la complétude du dossier

Le code de l’urbanisme, en ses articles R. 431-10 et R. 431-36, détaille les pièces qui doivent impérativement composer un dossier de déclaration de travaux, incluant notamment des documents graphiques et photographiques permettant d’apprécier l’insertion du projet dans son environnement. Cependant, la jurisprudence administrative a depuis longtemps établi qu’une simple omission ou insuffisance dans le dossier n’entraîne l’illégalité de l’autorisation que si elle a été « de nature à fausser l’appréciation portée par l’autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable ». En l’espèce, la cour a fait une application mesurée de ce principe.

Elle a relevé que le dossier de déclaration ne comportait que des photographies aériennes au lieu des documents requis montrant le terrain dans ses environnements proche et lointain. Néanmoins, elle a considéré que la présence d’une « vue d’insertion (DP 6), dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu’elle serait inexacte » était suffisante. Cette pièce permettait à l’administration d’évaluer correctement l’impact du projet sur son voisinage immédiat. La cour conclut que le dossier comportait des documents « suffisamment précis pour que la maire de Paris ait pu porter une appréciation sur la conformité du projet à la réglementation applicable en toute connaissance de cause ». Cette solution pragmatique confirme que le juge de l’excès de pouvoir privilégie une approche substantielle de la légalité, où la finalité de la règle de procédure, à savoir la bonne information de l’administration, l’emporte sur un formalisme excessif.

B. La violation avérée des règles d’insertion architecturale

Si la cour a fait preuve de souplesse sur la forme, elle s’est montrée stricte sur le fond, en confirmant l’analyse des premiers juges quant à la non-conformité du projet initial aux articles UG.7.1 et UG.11.1 du plan local d’urbanisme. Ces dispositions visent à préserver le caractère des lieux avoisinants et l’harmonie du paysage urbain, conférant à l’administration une marge d’appréciation que le juge contrôle. La cour rappelle d’ailleurs l’étendue de son office, qui consiste à « apprécier si l’autorité administrative a pu légalement autoriser la construction projetée ».

Pour ce faire, le juge a procédé à une analyse concrète des lieux, relevant que si l’environnement n’était pas homogène, l’impasse dans laquelle le projet s’insère « présente à la fois une harmonie d’ensemble et un certain caractère ». Confrontant les caractéristiques du projet à cet environnement, la cour a jugé que « l’effet cumulé d’une volumétrie atypique, du fait d’une toiture asymétrique à forte pente, et d’une couleur très foncée, tranchant avec les autres constructions de l’impasse », était de nature à porter atteinte à ce caractère. La décision de non-opposition était donc bien illégale sur ce point. Cette analyse démontre que la liberté de création architecturale, bien que reconnue par le plan local d’urbanisme, trouve sa limite dans la nécessité de respecter le contexte urbain existant, même lorsque celui-ci n’est pas protégé au titre d’un régime patrimonial spécifique.

II. La validation du projet régularisé par le juge d’appel

Le vice de fond ayant été jugé régularisable, la cour a ensuite examiné le projet modificatif pour en conclure à la conformité (A), tout en écartant les autres moyens soulevés par les requérants qui concernaient des contraintes juridiques accessoires (B).

A. L’appréciation positive de l’intégration du projet modifié

Le mécanisme de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme permet d’éviter l’annulation d’une autorisation pour un vice qui peut être purgé par une autorisation modificative. Dans le cas présent, le pétitionnaire a modifié son projet en tenant compte des motifs d’illégalité retenus par le tribunal. La cour administrative d’appel a estimé que ces changements étaient suffisants pour rendre le projet conforme au règlement.

Elle relève que le nouveau projet a retenu « une couleur des façades d’un gris très clair » et que ce « choix d’une coloration plus discrète » permettait également « d’atténuer l’effet de masse créé par la forme que donne au bâtiment la pente de sa toiture asymétrique ». Par cette analyse fine, la cour conclut que le projet ainsi modifié s’insèrera finalement dans le tissu urbain environnant. Cette décision illustre parfaitement l’utilité et l’efficacité de la procédure de régularisation, qui favorise la réalisation des projets de construction tout en assurant le respect des règles d’urbanisme. Elle met également en lumière le caractère parfois ténu des éléments qui fondent l’appréciation du juge sur l’insertion d’un projet, une couleur de façade pouvant à elle seule déterminer la légalité d’une construction.

B. La portée circonscrite des contraintes patrimoniales et techniques

Saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, la cour a examiné les autres moyens que les voisins avaient soulevés en première instance. Elle les a tous écartés, apportant des précisions utiles sur l’application de diverses réglementations. D’abord, elle a clarifié la portée de l’avis de l’architecte des Bâtiments de France. Ayant constaté que l’immeuble n’était pas « situé dans le champ de visibilité d’un monument historique », elle en a déduit que l’autorisation de travaux n’était pas « subordonnée à l’accord de l’architecte des Bâtiments de France », rendant ainsi son avis défavorable inopérant.

Ensuite, la cour a rejeté les moyens tirés de la méconnaissance d’autres articles du plan local d’urbanisme par une lecture littérale des textes. Elle a ainsi jugé que l’obligation de végétaliser les toitures-terrasses ne s’appliquait pas en deçà d’une superficie de 100 m², que l’obligation de créer des locaux à déchets ne visait pas une simple surélévation, et que les exigences en matière d’isolation et de matériaux biosourcés étaient satisfaites par la pose d’un bardage en bois. Cette série de rejets démontre une volonté du juge de ne pas étendre les contraintes d’urbanisme au-delà de ce que les textes prévoient expressément, assurant ainsi une prévisibilité et une sécurité juridique aux porteurs de projet.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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