Un arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Lyon, statuant sur renvoi après cassation, illustre la rigueur des conditions d’éligibilité à un dispositif de réduction d’impôt sur le revenu. En l’espèce, des contribuables ont acquis un appartement au sein d’une résidence de tourisme située en zone de revitalisation rurale, et ont sollicité le bénéfice d’une réduction d’impôt prévue à cet effet. L’administration fiscale a toutefois remis en cause cet avantage au motif que le logement n’était pas neuf au moment de son acquisition. Saisi du litige, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande des contribuables. La cour administrative d’appel de Lyon, dans un premier arrêt, a infirmé ce jugement et accordé la décharge d’imposition. Saisi par le ministre, le Conseil d’État a annulé cette décision et a renvoyé l’affaire devant la même cour. La procédure a donc repris son cours, les contribuables maintenant leurs prétentions en soutenant que le logement devait être considéré comme neuf et, subsidiairement, qu’ils pouvaient se prévaloir d’une tolérance administrative. Ils faisaient valoir que la preuve de l’exploitation antérieure du bien n’était pas rapportée et que les instructions administratives leur permettaient de bénéficier du dispositif. L’administration fiscale concluait au rejet de la requête, considérant que les conditions légales et doctrinales n’étaient pas satisfaites. Le problème de droit soumis à la cour était double. Il s’agissait de déterminer si un logement ayant fait l’objet d’un bail commercial avant son acquisition pouvait être qualifié de neuf au sens de l’article 199 decies E du code général des impôts. En cas de réponse négative, il convenait de vérifier si les contribuables pouvaient bénéficier de la tolérance administrative admettant l’application de la réduction d’impôt à des logements loués avant leur acquisition, sans pour autant devoir prouver le respect des conditions temporelles strictes posées par cette même doctrine. Par sa décision, la cour administrative d’appel de Lyon rejette la requête des contribuables. Elle juge que le logement ne peut être regardé comme neuf dès lors qu’il a été exploité avant son acquisition. Elle estime en outre que les contribuables ne démontrent pas que l’acquisition est intervenue dans le délai de vingt-quatre mois suivant la mise en exploitation effective de la résidence, condition posée par l’instruction administrative dont ils se prévalaient. Cette solution applique strictement la notion de logement neuf, conditionnant l’avantage fiscal (I), et réaffirme la charge probatoire pesant sur le contribuable qui invoque une doctrine administrative dérogatoire (II).
I. L’APPLICATION RIGOUREUSE DE LA CONDITION DE LOGEMENT NEUF
La cour rappelle d’abord l’interprétation restrictive de la notion de logement neuf, qui constitue la condition essentielle du dispositif (A), avant de rejeter l’application d’une tolérance administrative faute de preuve suffisante apportée par les requérants (B).
A. L’interprétation stricte de la notion de logement neuf
Le bénéfice de la réduction d’impôt pour investissement locatif dans le secteur touristique est subordonné, aux termes de l’article 199 decies E du code général des impôts, à l’acquisition d’un logement neuf. La cour administrative d’appel de Lyon, se conformant à une jurisprudence constante, précise la définition de cette notion en matière fiscale. Elle énonce qu’un logement « doit être regardé comme neuf, au sens et pour l’application de ces dispositions, un logement n’ayant fait l’objet au préalable d’aucune utilisation, occupation, location ou exploitation ». Cette définition fonctionnelle s’attache non pas à l’année de construction de l’immeuble, mais à l’absence de toute jouissance effective du bien avant son acquisition par le contribuable qui sollicite l’avantage fiscal.
En l’espèce, les faits étaient clairs. Les contribuables avaient acquis leur appartement le 31 décembre 2010. Or, il résultait de l’instruction que ce même bien avait fait l’objet d’un bail commercial conclu avec l’exploitant de la résidence, dont l’entrée en jouissance était fixée au 1er juillet 2009. La cour en déduit logiquement que l’appartement « qui a ainsi fait l’objet d’une exploitation (…) avant son acquisition (…) ne peut dès lors être regardé comme un logement neuf ». La solution est rigoureuse mais juridiquement fondée, car l’existence d’un acte juridique organisant l’exploitation du bien suffit à lui faire perdre sa qualité de logement neuf, peu important que les contribuables n’en aient pas été les bénéficiaires directs. La chronologie des actes anéantit donc la première condition d’éligibilité au dispositif.
B. Le rejet de l’application d’une tolérance administrative faute de preuve
Conscients de la fragilité de leur position sur la nouveauté du logement, les contribuables invoquaient le bénéfice d’une instruction administrative permettant, par exception, d’accorder la réduction d’impôt pour des logements loués avant leur acquisition. Cette doctrine, codifiée au BOI-IR-RICI-50-10-10, posait cependant une condition temporelle stricte : l’acquisition devait intervenir dans un délai maximal de vingt-quatre mois à compter de la mise en exploitation de la résidence de tourisme. C’est sur ce point que l’argumentation des requérants a échoué.
La cour relève que la charge de la preuve du respect des conditions de cette tolérance pèse sur le contribuable. Les requérants soutenaient que la résidence n’avait été exploitée qu’à compter de mars 2009, ce qui placerait leur acquisition de décembre 2010 dans le délai de vingt-quatre mois. Toutefois, pour étayer leurs dires, ils ne produisaient aucun élément probant et se bornaient à des affirmations. Face à cela, l’administration fiscale avait établi que l’achèvement de la résidence remontait à décembre 2007 et que des baux commerciaux pour d’autres appartements avaient été conclus dès cette date. La cour considère que les contribuables « n’établissent pas que (…) la résidence de tourisme n’a été exploitée qu’à compter du 5 mars 2009 ». En l’absence de preuve contraire, la date la plus ancienne de mise en exploitation est retenue, excluant les requérants du champ d’application de la tolérance. Le juge administratif confirme ainsi que l’invocation d’une doctrine administrative ne dispense pas le contribuable de démontrer qu’il en remplit toutes les conditions.
II. LA PORTÉE LIMITÉE D’UNE SOLUTION CONFIRMATIVE
Cette décision, si elle est défavorable aux contribuables, ne constitue pas un revirement de jurisprudence mais s’inscrit dans une orthodoxie juridique bien établie en matière fiscale (A). Sa portée est donc avant tout celle d’une décision d’espèce, qui agit comme un avertissement pour les investisseurs tentés par les dispositifs de défiscalisation (B).
A. La confirmation d’une orthodoxie juridique en matière fiscale
La valeur de l’arrêt réside principalement dans sa confirmation de deux principes cardinaux du droit fiscal. Le premier est celui de l’interprétation stricte des textes accordant un avantage fiscal. Les dispositifs dérogatoires au droit commun, comme les réductions d’impôt, ne sauraient faire l’objet d’une application extensive. La cour, en retenant une définition rigoureuse du logement neuf et en refusant d’assouplir les conditions de la doctrine administrative, applique ce principe avec une logique implacable. Elle ne crée pas de droit, mais se contente de veiller à ce que la lettre et l’esprit du texte soient respectés.
Le second principe est celui de la charge de la preuve, qui incombe au demandeur, particulièrement lorsqu’il se prévaut d’une exception. Les contribuables ne pouvaient se contenter d’affirmer que les conditions de la tolérance étaient remplies ; il leur appartenait de le démontrer par des pièces justificatives précises et concordantes. L’incapacité à le faire entraîne mécaniquement le rejet de leur prétention. La décision est donc une illustration pédagogique de la maxime *actori incumbit probatio* en contentieux fiscal. En se montrant inflexible sur ce point, la cour préserve la sécurité juridique et l’égalité des citoyens devant l’impôt, en évitant que des tolérances administratives ne se transforment en droits subjectifs non conditionnés.
B. Une décision d’espèce, avertissement pour les investisseurs
L’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon ne dessine pas une nouvelle ligne jurisprudentielle. Il s’agit d’une décision d’espèce, dont la solution est entièrement dictée par les faits et l’incapacité des requérants à satisfaire leur charge probatoire. Sa portée est donc moins à chercher dans une évolution du droit positif que dans les leçons pratiques qu’elle administre. Elle constitue un rappel sévère pour les investisseurs et leurs conseils quant aux précautions à prendre avant de s’engager dans un projet de défiscalisation.
L’affaire démontre qu’il est impératif de vérifier méticuleusement chaque condition légale et de s’assurer de disposer des éléments de preuve nécessaires avant de solliciter un avantage fiscal. La seule confiance dans les affirmations d’un promoteur ou d’un exploitant est insuffisante. En outre, lorsqu’un contribuable entend se prévaloir d’une doctrine administrative, il doit être en mesure de prouver qu’il se situe précisément dans le cadre défini par cette dernière, sans espérer de souplesse de la part du juge en cas de contrôle. Cet arrêt renforce donc l’idée que les dispositifs d’incitation fiscale, s’ils sont attractifs, sont également des parcours juridiques exigeants où la rigueur documentaire est la meilleure des garanties.