Par un arrêt en date du 25 mars 2025, la cour administrative d’appel de Lyon s’est prononcée sur la légalité d’un permis de construire accordé par le maire d’une commune de montagne pour la rénovation et l’extension d’un chalet. Ce projet d’envergure, comprenant une surélévation et la création d’un parc de stationnement souterrain, avait été autorisé par un arrêté municipal. Une société voisine, s’estimant lésée, a formé un recours gracieux, lequel a été rejeté par une décision implicite. La société requérante a alors saisi le tribunal administratif de Grenoble, qui a rejeté sa demande d’annulation du permis de construire et de la décision de rejet du recours gracieux.
Insatisfaite de ce jugement, la société a interjeté appel devant la cour administrative d’appel de Lyon. Elle soutenait principalement que le projet méconnaissait plusieurs dispositions du plan local d’urbanisme (PLU) relatives à l’implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques, à la hauteur des bâtiments, à l’accès au terrain et à la distance par rapport aux limites séparatives. Le problème de droit soumis à la cour consistait donc à déterminer si les règles du plan local d’urbanisme, notamment celles définissant les notions de voie et d’emprise publique et celles encadrant les dérogations pour les constructions existantes, avaient été correctement appliquées par l’autorité compétente.
La cour administrative d’appel de Lyon a rejeté la requête, confirmant ainsi le jugement de première instance. Elle a estimé que le permis de construire respectait les prescriptions du règlement du plan local d’urbanisme. Pour ce faire, elle a procédé à une interprétation stricte des définitions posées par le règlement local et a validé l’application des exceptions prévues pour les travaux sur des bâtiments existants, écartant un à un l’ensemble des moyens soulevés par la société requérante.
L’analyse de cette décision conduit à examiner la méthode rigoureuse par laquelle le juge administratif s’assure de la correcte application des définitions contenues dans un plan local d’urbanisme (I), avant d’étudier la manière dont il interprète les dérogations spécifiquement prévues pour les constructions existantes (II).
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I. L’APPLICATION RIGOREUSE DES DÉFINITIONS DU PLAN LOCAL D’URBANISME
La cour fonde une part essentielle de son raisonnement sur une lecture littérale des notions définies par le règlement du PLU. Elle écarte ainsi l’argumentation de la requérante en s’attachant à une définition restrictive de la voie et de l’emprise publique (A), puis confirme la validité du projet au regard des autres prescriptions générales relatives aux accès et aux terrassements (B).
A. La qualification restrictive de la voie et de l’emprise publique
Le principal moyen soulevé par la société requérante reposait sur la méconnaissance de l’article UC 6 du règlement du PLU, qui impose un recul de quatre mètres par rapport aux voies et emprises publiques. Le projet était implanté en deçà de cette distance d’une bande de terrain appartenant à la commune, que la requérante souhaitait voir qualifier de voie ou d’emprise publique. La cour administrative d’appel écarte cette qualification en se fondant sur une analyse factuelle de l’usage de cet espace. Elle relève que cette parcelle ne dessert que le seul terrain d’assiette du projet.
Pour la cour, cette fonction de desserte exclusive fait obstacle à sa qualification de « voie », laquelle est définie par le PLU comme étant « ouverte à la circulation générale ». Le juge précise que « dès lors que cette bande de terrain permet de desservir uniquement le terrain d’assiette du projet, elle ne peut, nonobstant l’absence de dispositif interdisant la circulation générale, être considérée comme une voie au sens des dispositions générales du règlement du PLU ». De même, la notion d’ »emprise publique » est écartée au motif que cet espace, en plus d’avoir été déclassé du domaine public, ne remplit pas les critères d’un espace public tel qu’un jardin ou une place. Cette approche pragmatique, centrée sur la fonction réelle de l’espace plutôt que sur son statut de propriété, neutralise l’argumentation de la requérante.
B. La confirmation de la conformité du projet aux autres prescriptions générales
La cour examine ensuite la légalité du permis de construire au regard d’autres articles du règlement du PLU, avec la même rigueur méthodologique. Concernant l’article UC 3 relatif aux accès, le juge se contente de constater que le terrain dispose bien d’un accès à la rue, rendant le débat sur la nature juridique de la bande de terrain intermédiaire inopérant pour l’application de cette disposition. L’existence matérielle de l’accès suffit à assurer la conformité du projet sur ce point.
S’agissant des affouillements prévus pour la création du parking souterrain, contestés sur le fondement de l’article UC 2, la cour adopte une position de retenue. Elle juge que les terrassements sont « nécessaires pour la réalisation du projet en litige, sans qu’il appartienne à la juridiction d’en apprécier l’opportunité ». Ce faisant, le juge administratif refuse d’exercer un contrôle sur les choix techniques du pétitionnaire dès lors que les travaux sont directement liés à la construction autorisée, ce qui correspond à une jurisprudence constante en la matière. L’appréciation du caractère nécessaire de l’ouvrage reste de la prérogative du maître d’ouvrage.
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II. L’INTERPRÉTATION DES EXCEPTIONS APPLICABLES AUX CONSTRUCTIONS EXISTANTES
Le projet ne consistant pas en une construction neuve mais en la modification d’un bâtiment existant, la cour a dû se prononcer sur l’application des dérogations prévues par le PLU pour de tels cas. Elle valide ainsi l’implantation du projet au regard des limites séparatives (A) et procède à une vérification détaillée du respect des règles de hauteur (B).
A. La validation de l’implantation au regard des limites séparatives
La société requérante soutenait que le projet méconnaissait l’article UC 7 du PLU, qui impose une distance minimale de quatre mètres par rapport aux limites séparatives. Il était constant que la façade ouest du chalet existant ne respectait pas cette règle. Or, le projet prévoyait des modifications sur cette même façade. La cour analyse précisément la nature des travaux pour déterminer si le projet peut bénéficier des exceptions prévues au point 7.2 de l’article.
Le juge constate que les travaux sur cette façade, bien qu’importants, n’aggravent pas l’irrégularité existante. Il est relevé que si la façade « va faire l’objet d’une modification en ce qui concerne l’emplacement et la taille des ouvertures », le projet n’emportera pas une modification de son implantation. En d’autres termes, le mur extérieur reste à la même place. La cour en déduit que « le projet en litige n’emportera pas, s’agissant de cette façade, une modification de son implantation actuelle », ce qui le fait entrer dans le champ de l’exception prévue par le règlement pour les travaux sur des bâtiments légalement édifiés. Cette solution illustre le principe selon lequel les règles d’urbanisme visent à prévenir de nouvelles atteintes aux intérêts protégés, sans imposer une mise en conformité totale des constructions existantes à l’occasion de simples travaux de rénovation.
B. La vérification détaillée de la méthode de calcul de la hauteur
Enfin, la cour se livre à une analyse technique approfondie pour répondre au moyen tiré de la violation de l’article UC 10 sur la hauteur maximale des constructions. Pour ce faire, elle distingue la hauteur de la partie du projet située dans l’emprise du bâtiment existant de celle des extensions nouvelles. Elle rappelle que la hauteur se mesure depuis le « terrain naturel », identifié sur les plans par l’indication « TN », jusqu’à l' »égout du toit ».
Le juge examine les plans de coupe et de façades produits par le pétitionnaire pour vérifier concrètement le respect de la hauteur maximale autorisée de 10,50 mètres. Il valide la méthode du constructeur, notant que la hauteur de la partie surélevée ne dépasse pas celle du bâtiment initial et que les extensions respectent la limite réglementaire. La cour souligne que les plans, réalisés par un architecte et non sérieusement remis en cause, indiquent clairement les différents niveaux du terrain naturel et la hauteur maximale autorisée. Cette approche factuelle et technique démontre l’importance capitale de la qualité et de la précision des pièces du dossier de demande de permis de construire et montre que le contrôle du juge peut se porter sur des aspects très concrets de la construction.