Par un arrêt en date du 30 janvier 2025, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a statué sur la légalité d’un permis de construire accordé par une autorité locale pour la construction d’une maison individuelle sur un terrain comprenant déjà une habitation. Cette décision conduit à examiner l’interprétation des règles d’urbanisme relatives aux constructions secondaires dans une zone protégée.
En l’espèce, le président du conseil territorial d’une collectivité d’outre-mer avait délivré un permis de construire pour une nouvelle maison sur une parcelle où se trouvait déjà une villa. Saisi par le représentant de l’État, le tribunal administratif de Saint-Martin avait annulé ce permis au motif qu’il méconnaissait le plan d’occupation des sols local. La collectivité a alors interjeté appel de ce jugement, soutenant que la construction projetée respectait les conditions prévues par le règlement d’urbanisme pour un deuxième logement. Elle faisait notamment valoir que la surface du projet ne dépassait pas le tiers de la surface de plancher autorisée sur le lot et qu’il ne s’agissait que d’une dépendance du logement principal. La question de droit qui se posait à la cour était donc de savoir si une construction nouvelle, bien que respectant le ratio de surface de plancher autorisé, pouvait être qualifiée de « simple dépendance du logement principal (de type « logement de gardien ») » au sens du plan d’occupation des sols, malgré ses caractéristiques architecturales et fonctionnelles s’apparentant à une résidence autonome.
La Cour administrative d’appel a rejeté la requête de la collectivité, confirmant ainsi l’annulation prononcée en première instance. Elle a considéré que le projet ne pouvait être regardé comme une simple dépendance en raison de ses dimensions, de son implantation et de ses aménagements. La juridiction d’appel fonde sa décision sur une interprétation restrictive de la notion de dépendance (I), ce qui a pour effet de conforter la finalité de la règle d’urbanisme en cause (II).
I. L’interprétation restrictive de la notion de dépendance
La cour administrative d’appel se livre à une appréciation rigoureuse des dispositions du plan d’occupation des sols en ne se limitant pas à une approche purement quantitative (A), mais en privilégiant une analyse qualitative et fonctionnelle des caractéristiques du projet (B).
A. Le dépassement d’une approche purement quantitative
Le plan d’occupation des sols de Saint-Martin autorise, dans la zone considérée, la construction d’un deuxième logement sous conditions. La première, d’ordre quantitatif, est que « sa surface ne devra pas dépasser 1/3 de la surface de plancher autorisé sur ce lot ». En l’espèce, il n’était pas contesté que la surface de plancher du projet, s’élevant à 134,68 mètres carrés, était bien inférieure au tiers de la surface constructible totale sur la parcelle, laquelle s’élevait à 1069 mètres carrés. La collectivité appelante fondait une part essentielle de son argumentation sur le respect de ce seul critère arithmétique.
Toutefois, la cour ne s’est pas arrêtée à cette unique condition. Elle a estimé que le respect du ratio de surface n’était qu’un prérequis qui ne suffisait pas, à lui seul, à rendre la construction conforme au règlement. En procédant ainsi, le juge administratif rappelle que les règles d’urbanisme forment un ensemble cohérent et que leurs dispositions doivent être lues les unes au regard des autres. Il ne saurait être question d’isoler une condition pour en ignorer une autre, surtout lorsque celle-ci précise la nature et la destination de l’édifice autorisé.
B. La consécration d’une analyse qualitative et fonctionnelle
La seconde condition posée par l’article NB1 C du règlement était en effet d’ordre qualitatif, précisant que « ce deuxième logement ne pourra consister qu’en une simple dépendance du logement principal (de type « logement de gardien »), et ne pourra entraîner aucune division en propriété ou en jouissance ». C’est sur ce point que la cour a concentré son contrôle. Elle a examiné un faisceau d’indices pour déterminer si le projet pouvait être qualifié de simple dépendance.
La juridiction a ainsi relevé que la construction projetée consistait en une « maison individuelle de 2 chambres de plain-pied avec salles de bain », agrémentée d’une piscine et d’une terrasse, et bénéficiant d’un accès et de places de stationnement dédiées. De plus, elle était implantée à l’opposé de la villa existante, à l’entrée de la parcelle. La cour a également noté que le pétitionnaire lui-même décrivait son projet comme une « villa individuelle », et non comme la « maison de gardien » de 40,5 mètres carrés qu’elle remplaçait. Au vu de ces éléments, elle a conclu que la construction « ne peut, compte tenu de ses dimensions, de son implantation et de ses aménagements, être regardée comme une dépendance du logement principal ». Cette approche pragmatique, fondée sur les caractéristiques concrètes du projet, permet de faire prévaloir l’esprit de la règle sur une application littérale et dévoyée.
II. La confirmation de la finalité de la règle d’urbanisme
En adoptant une interprétation stricte de la notion de dépendance, la décision de la cour vient protéger le caractère spécifique de la zone concernée (A) et envoie un signal clair quant à l’application future de cette disposition pour les projets à venir (B).
A. La protection du caractère rural et de la faible densité de la zone
L’article NB1 du plan d’occupation des sols s’applique à une zone définie comme « à caractère rural dominant, comportant des constructions dispersées, dépourvue d’équipements communs », les terrains y étant de grande superficie. L’objectif de cette réglementation est manifestement de préserver le paysage et d’éviter une densification excessive de l’habitat qui dénaturerait le secteur. La restriction imposée pour la construction d’un second logement, qui doit rester une « simple dépendance », participe directement à cet objectif.
En refusant de valider un projet qui, sous couvert de la création d’une dépendance, revenait en réalité à édifier une seconde villa autonome sur la même parcelle, la cour donne son plein effet à l’intention du pouvoir réglementaire local. Elle empêche ainsi un détournement de la règle qui aurait pour conséquence d’augmenter la densité de construction et de porter atteinte au caractère de la zone. Le jugement de la cour a donc une valeur de sauvegarde, en assurant la cohérence entre la norme et sa finalité de protection environnementale et paysagère.
B. La portée de la décision pour les autorisations d’urbanisme futures
Au-delà du cas d’espèce, cet arrêt a une portée pédagogique non négligeable pour les constructeurs et les autorités compétentes en matière d’urbanisme dans la collectivité. Il clarifie ce qui ne peut être considéré comme une simple dépendance et établit une méthode d’analyse fondée sur des critères objectifs et concrets. La décision vient ainsi encadrer plus fermement la délivrance des permis de construire dans les zones de faible densité.
Elle indique clairement que l’exception permettant la construction d’un second logement doit être interprétée de manière restrictive et ne peut servir de prétexte à une division de fait des unités foncières. Les futurs pétitionnaires et l’administration instructrice sont désormais avertis que la qualification de dépendance sera appréciée au regard de la modestie de la construction et de son lien fonctionnel avec l’habitation principale. Cette jurisprudence est donc de nature à prévenir les tentatives de contournement de la règle et à garantir une application plus uniforme et prévisible du plan d’occupation des sols.