Tribunal judiciaire de Paris, le 19 juin 2025, n°25/01039

Par jugement du tribunal judiciaire de Paris, pôle civil de proximité, rendu le 19 juin 2025 (RG 25/01039), il a été tranché un litige relatif au recouvrement de charges de copropriété et aux demandes accessoires. La défenderesse, copropriétaire de deux lots, n’avait pas réglé divers appels de fonds. Le demandeur l’a assignée le 18 février 2025 en paiement de provisions et de travaux, ainsi que de frais, dommages et intérêts, et astreinte. La défenderesse, régulièrement assignée à étude, n’a pas comparu. La décision, réputée contradictoire, a été rendue après audience du 11 avril 2025 et mise à disposition le 19 juin 2025.

Le demandeur sollicitait le paiement de 8164,52 euros au titre des charges au 13 février 2025, 1047 euros sur le fondement de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, 750 euros de dommages et intérêts, 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et une astreinte de 100 euros par jour. La question posée tenait, d’une part, aux conditions d’exigibilité et de preuve des charges et travaux hors budget, et, d’autre part, à l’imputabilité de frais “nécessaires” au sens de l’article 10-1, à l’utilité d’une astreinte et à l’opportunité de dommages-intérêts pour résistance fautive. Le tribunal a jugé que “la créance du syndicat de copropriétaires est donc fixée à la somme de 6554,40 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation”, en précisant la “soustraction faite des frais de procédure et frais nécessaires, et des appels de charges du 1er trimestre 2025”. Il a retenu qu’“il n’y a pas lieu de condamner la défenderesse à une astreinte”, a débouté le demandeur des frais de l’article 10-1 faute de preuve suffisante, et a alloué 500 euros de dommages-intérêts pour la résistance fautive, outre 1200 euros sur le fondement de l’article 700.

I. Le bien-fondé partiel de la créance de charges et son périmètre

A. L’exigibilité des provisions et la charge de la preuve
Le tribunal rappelle que les appels provisionnels, “dans les limites et sous les conditions prévues”, “constituent une créance certaine, liquide et exigible”. Il souligne qu’“à ce titre, le syndicat doit produire la délibération de l’assemblée générale adoptant le budget prévisionnel et démontrer la date d’exigibilité des provisions impayées”. La motivation s’appuie sur la production des procès-verbaux des assemblées, des appels et d’un état récapitulatif, établissant la régularité du budget, la réalité des appels et la concordance des sommes réclamées. La solution confirme une lecture stricte des textes, en conditionnant l’exigibilité au vote préalable et à la preuve des échéances. Elle s’inscrit dans la pratique selon laquelle la créance de provisions demeure recouvrable jusqu’à l’approbation des comptes, sans préjudice d’éventuelles régularisations ultérieures.

La décision éclaire utilement la méthode probatoire. Le juge vérifie l’articulation entre budget, appels trimestriels et pièces justificatives, tout en refusant de suppléer une démonstration lacunaire. L’équilibre entre principe d’exigibilité et rigueur probatoire est respecté, car il protège l’intérêt collectif sans dessaisir le défendeur de ses moyens, spécialement en cas de contestation des délibérations.

B. La délimitation temporelle et l’exclusion des postes non justifiés
Après examen, le juge borne la dette à l’année 2024, indiquant une “soustraction faite des frais de procédure et frais nécessaires, et des appels de charges du 1er trimestre 2025”. Cette limitation procède d’un contrôle précis du périmètre des sommes exigibles au jour de l’assignation et de la stricte justification des postes. La solution confirme qu’un appel ultérieur non intégré au débat, ou insuffisamment documenté, ne peut être agrégé par facilité comptable. Elle protège l’exactitude de la créance et évite l’effet de masse des réclamations globalisées.

Cette approche, mesurée, sécurise tant l’exécution que la contestation. Elle rappelle aux syndicats l’utilité d’un décompte circonscrit à des périodes closes et parfaitement justifiées. Elle incite, par cohérence, à distinguer clairement les provisions exigibles des régularisations et des frais de recouvrement, afin d’éviter les rejets partiels et les aléas sur les intérêts.

II. Les demandes accessoires: contrôle de nécessité et sanction mesurée

A. Les frais de l’article 10-1: preuve des diligences et rejet
Le tribunal vérifie la réalité et la nécessité des frais imputés. Il relève que “seules des factures sont communiquées” et qu’“aucune preuve d’envoi de mises en demeure n’est apportée”. Il ajoute qu’“il n’est par ailleurs pas justifié de diligences particulières de suivi de dossier, qui ne ressortiraient pas des tâches habituelles d’un syndic”. La motivation confirme une ligne constante: seuls les frais spécifiques, utiles et établis, échappant à la gestion courante, peuvent être imputés au copropriétaire défaillant. À l’inverse, les honoraires d’avocat relèvent de l’article 700 et ne se cumulent pas avec l’article 10-1.

Cette exigence probatoire protège le débiteur contre une capitalisation artificielle de frais, et incite le créancier à documenter précisément les diligences ciblées. Elle favorise un recouvrement proportionné, tout en évitant la confusion entre frais nécessaires, dépens et indemnité procédurale. La clarté des catégories, ici réaffirmée, participe à la prévisibilité des condamnations.

B. Dommages-intérêts pour résistance fautive et absence d’astreinte
Le juge rappelle la possibilité de dommages distincts des intérêts moratoires en cas de mauvaise foi, et admet l’action pour résistance abusive. Il constate que “ces manquements répétés perturbent la trésorerie et le bon fonctionnement de la copropriété”, et alloue 500 euros, d’un quantum mesuré. La motivation se fonde sur la réitération des impayés et sur des précédentes condamnations, ce qui caractérise un trouble distinct et justifie une sanction limitée mais réelle.

S’agissant des mesures de contrainte, la décision énonce qu’“il n’y a pas lieu de condamner la défenderesse à une astreinte”, le demandeur disposant des “voies de droit ordinaires et habituelles” attachées au titre exécutoire. La solution est conforme à la fonction de l’astreinte, peu adaptée aux obligations de somme d’argent déjà assorties de moyens d’exécution efficaces. Elle évite une superposition inutile de contraintes et privilégie l’efficacité des poursuites.

La cohérence de l’ensemble se retrouve enfin dans l’allocation d’une somme au titre de l’article 700, calibrée au regard des diligences procédurales et de l’issue du litige. Le juge opère ainsi un tri rigoureux: rejet des frais non prouvés, admission de l’indemnité procédurale, et reconnaissance d’un préjudice autonome, sans exacerber la contrainte. L’équilibre réalisé, attentif aux preuves et aux finalités de chaque poste, renforce la sécurité du contentieux des charges.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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