Tribunal judiciaire de Marseille, le 13 juin 2025, n°25/00760

Le Tribunal judiciaire de Marseille, par ordonnance de référé du 13 juin 2025, se prononce sur la mise en œuvre d’une clause résolutoire insérée dans un bail commercial. Un local a été donné à bail à compter du 1er mai 2021, moyennant un loyer mensuel de 400 euros hors taxes, outre 50 euros de provision sur charges. Des impayés ont été constatés, puis un commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré le 4 décembre 2024 pour une somme de 2 519,54 euros, comprenant l’arriéré et le coût de l’acte.

Après cette mise en demeure, le bailleur a assigné en référé le 31 mars 2025 afin de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire, prononcer la résiliation, ordonner l’expulsion, fixer une indemnité d’occupation, allouer une provision au titre de la dette locative, et obtenir une indemnité de procédure. Le défendeur, régulièrement assigné à étude, n’a pas comparu. La question posée portait sur les conditions d’effet de la clause résolutoire (article L 145-41 du code de commerce), l’office du juge des référés (article 835 du code de procédure civile), et l’étendue des mesures provisoires recevables, notamment l’expulsion, la provision et l’indemnité d’occupation.

La juridiction retient que « l’article L 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux ». Constatant l’inexécution persistante, elle juge que « le bail s’est trouvé résilié de plein droit le 05 janvier 2025 », ordonne l’expulsion en cas de non-restitution volontaire, refuse l’astreinte, fixe l’indemnité d’occupation au montant du dernier loyer de 368,84 euros, et alloue une provision de 2 368,84 euros en excluant certains frais contestables.

I – Le sens de la décision

A – Les conditions d’acquisition de la clause résolutoire

Le juge rappelle le texte pivot: « l’article L 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. » Il vérifie la présence d’un commandement régulier visant la clause, délivré le 4 décembre 2024, et l’absence de régularisation dans le délai d’un mois. La sanction est automatique, sans appréciation discrétionnaire, dès lors que les pièces établissent l’impayé à l’échéance convenue.

Sur cette base textuelle, la juridiction énonce sans détour: « Ainsi, le bail s’est trouvé résilié de plein droit le 05 janvier 2025. » Cette affirmation articule strictement l’exigence légale et la chronologie, en liant la date d’effet à l’expiration du délai légal. L’arrêt retient donc une résiliation acquise, distincte de toute résolution judiciaire, et borne, en conséquence, la nature des sommes dues avant et après la date pivot.

B – L’office du juge des référés et la cessation du trouble illicite

L’ordonnance replace l’intervention du juge des référés dans son cadre: « aux termes de l’article 835, alinéa 1er du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état (…) soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. » Après la résiliation, l’occupation sans droit ni titre bascule du terrain contractuel à celui du trouble.

La décision le formule clairement: « le maintien dans un immeuble, sans droit ni titre du fait de la résiliation du bail, constitue un trouble manifestement illicite. » Il en découle l’ordonnance d’expulsion, prononcée à défaut de départ volontaire, et le renvoi au régime des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d’exécution pour le sort des meubles. L’astreinte est refusée, l’ordonnance estimant la coercition non nécessaire à ce stade, compte tenu de l’exécution de droit et des voies d’exécution disponibles.

II – Valeur et portée de la solution

A – La délimitation de la dette incontestable et la provision en référé

Le juge articule le pouvoir de provision de l’article 835 avec l’exigence d’une obligation non sérieusement contestable. La motivation écarte des accessoires de procédure qui ne satisfont pas à ce critère, en affirmant: « la somme de 354,58 € correspondant à des frais de relance, des frais d’huissier et administratif ne sera pas retenue au titre de la dette incontestable. » Cette exclusion marque une prudence classique en référé, cantonnant la provision aux seules créances d’évidence.

Le quantum est alors ajusté: « en conséquence la demande de provision sera accordée à hauteur de 2368,84 €. » La décision précise encore le périmètre temporel des sommes exigibles: « le bail étant résilié à compter du 05 janvier 2025, les sommes dues (…) au-delà de cette date correspondent à des indemnités d’occupation et non plus à des loyers. » La distinction clarifie les fondements juridiques, ouvre à une actualisation par créances d’occupation, et assied les intérêts au taux légal à compter de l’assignation, conformément à la demande.

B – L’indemnité d’occupation adossée au dernier loyer et l’efficacité de la remise en état

L’ordonnance fixe un repère opérationnel et proportionné: « le bailleur est fondé à obtenir, à titre provisionnel une indemnité d’occupation mensuelle, à compter du 05 janvier 2025, égale au montant du loyer qu’il aurait perçu si le bail ne s’était pas trouvé résilié, soit le montant du dernier loyer mensuel de 368,84 euros, outre les charges et les taxes, et jusqu’à la libération effective des lieux. » Le choix du dernier loyer assure une mesure réaliste, évitant une minoration indue ou une majoration punitive, et favorise la lisibilité comptable en période transitoire.

Le refus d’astreinte s’inscrit dans la même logique de proportionnalité, l’expulsion constituant le levier principal de cessation du trouble, exécutoire par provision. L’économie de moyens retenue renforce l’effectivité de la remise en état et limite les risques de contentieux incident sur des accessoires discutables. La solution, enfin, invite les praticiens à soigner la preuve des impayés, la régularité du commandement, et la ventilation loyers/occupation, dont dépend la recevabilité et la solidité des demandes provisionnelles.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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