Tribunal judiciaire de Grasse, le 19 juin 2025, n°25/00128

Par une ordonnance de référé rendue le 19 juin 2025, le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse a été saisi de la question des conditions d’un désistement d’instance parfait et de ses conséquences sur les dépens. La décision fixe le cadre procédural lorsque le défendeur n’a présenté ni défense au fond ni fin de non-recevoir au moment du désistement.

Les faits tiennent à une assignation en référé du 21 janvier 2025, initialement dirigée vers la constatation de l’acquisition d’une clause résolutoire et des mesures accessoires. En cours d’instance, la demanderesse a indiqué que la défenderesse s’était exécutée, puis s’est « désiste[ée] purement et simplement de son instance ».

La procédure atteste d’appels des débats aux audiences des 12 février puis 7 mai 2025, la demande de désistement ayant été notifiée le 30 avril 2025. La défenderesse n’a pas constitué avocat et n’a donc présenté aucune défense au fond ni fin de non-recevoir.

La question de droit portait sur l’exigence d’une acceptation du défendeur pour parfaire le désistement d’instance, et sur l’effet de ce désistement concernant l’extinction de l’instance et la charge des dépens. Le juge rappelle que « le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance » et que « l’acceptation n’est pas nécessaire si le défendeur n’a présenté aucune défense au fond ni fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste ». Il en déduit que « ce désistement est parfait, et éteint l’instance de référé », ajoutant que « le désistement emporte, sauf accord des parties, soumission de payer les frais de l’instance éteinte ».

I. Les conditions et effets du désistement d’instance

A. L’acceptation du défendeur et son exception

Le juge des référés mobilise les textes procéduraux pour ordonner la solution avec clarté. Il cite d’abord le principe selon lequel « le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance ». Il précise ensuite le tempérament déterminant: « l’acceptation n’est pas nécessaire si le défendeur n’a présenté aucune défense au fond ni fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste ». L’exception est ici pleinement remplie.

Cette application littérale du texte répond à une exigence de célérité propre aux référés. L’économie de la règle protège toutefois le contradictoire, puisque l’acceptation redevient nécessaire dès qu’une défense au fond ou une fin de non-recevoir a été présentée. La solution évite l’inertie procédurale en fermant l’instance devenue sans objet.

B. Extinction de l’instance et office du juge

Constatant la réunion des conditions, le juge affirme sans détour que « ce désistement est parfait, et éteint l’instance de référé ». Le dispositif se borne à tirer les conséquences strictement procédurales de cette perfection, sans préjuger du fond, ce que confirme la formule de renvoi: « Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront ». L’action n’est pas éteinte, seule l’instance l’est.

L’ordonnance, réputée contradictoire, témoigne de la régularité de la saisine et des convocations. L’office du juge des référés se limite à dresser acte, puis à régler l’accessoire des dépens conformément au texte spécial, sans rouvrir un débat sur le bien-fondé initial.

II. Valeur et portée de la solution retenue

A. Un mécanisme clair au service de l’efficacité

La décision s’inscrit dans une lecture stricte des articles pertinents, qui évite toute ambiguïté sur le caractère conditionnel mais potentiellement unilatéral du désistement d’instance. Elle renforce la prévisibilité procédurale en rappelant que l’inaction du défendeur ouvre une voie de clôture rapide, rationnelle et économe en moyens.

Cette clarté préserve l’équilibre du procès. Dès qu’une défense au fond ou une fin de non-recevoir est formulée, le consentement du défendeur redevient la règle, et le mécanisme cesse d’être unilatéral. Le respect du contradictoire s’articule ainsi avec la finalité de désencombrement des juridictions.

B. Le régime des dépens et ses équilibres

Le juge applique la règle selon laquelle « le désistement emporte, sauf accord des parties, soumission de payer les frais de l’instance éteinte ». La conséquence est logique: la partie qui se désiste supporte les dépens, faute d’accord contraire, la défenderesse n’ayant ni comparu ni consenti à un partage.

Cette solution s’accorde avec la fonction incitative du texte spécial et évite de déplacer indûment la charge financière sur un défendeur demeuré inactif. Elle laisse intacte, en pratique, la possibilité d’une convention procédurale de répartition, explicitement visée par la réserve « sauf accord des parties », que l’ordonnance rappelle en mentionnant la même réserve dans le dispositif.

La décision commente utilement la portée ramassée du désistement d’instance: l’extinction de la seule instance, le renvoi au principal, et la charge des dépens attachée à l’initiative de clôture. Elle fournit un guide opérationnel lorsque l’exécution spontanée en cours d’instance rend le litige sans objet.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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