Tribunal judiciaire de Bordeaux, le 16 juin 2025, n°25/00375

Le tribunal judiciaire de Bordeaux, 16 juin 2025, statuant en procédure accélérée au fond, tranche un contentieux de charges de copropriété et d’exigibilité anticipée. Un syndicat des copropriétaires poursuit deux copropriétaires débiteurs pour un arriéré de charges et des provisions, après mise en demeure restée infructueuse.

Le demandeur réclame 9 004,75 euros d’arriérés, 3 859,06 euros de provisions 2025, intérêts, dommages-intérêts, et frais, tandis que les défendeurs sollicitent des délais. Ces derniers contestent l’exigibilité des provisions non échues et demandent l’exclusion des frais de recouvrement, en offrant un échelonnement sur vingt‑quatre mensualités.

Saisi sur le fondement de l’article 19‑2 de la loi du 10 juillet 1965, le président apprécie la défaillance, l’approbation des comptes, et l’étendue des sommes exigibles. La question posée tient à l’exigibilité immédiate des provisions non échues après mise en demeure, et à la compatibilité d’un échéancier judiciaire avec cette condamnation.

Le tribunal condamne les débiteurs aux arriérés et aux provisions 2025, tout en accordant des délais sur vingt‑quatre mois et en refusant les dommages‑intérêts réclamés. Il alloue une indemnité procédurale mesurée et met les dépens à la charge des débiteurs, selon l’issue du litige.

I. Le régime d’exigibilité anticipée en copropriété

A. Conditions et mécanisme légaux

Le jugement rappelle le texte décisif en des termes dépourvus d’ambiguïté. Il énonce que « l’article 19-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 […] prévoit qu’à défaut du versement à sa date d’exigibilité d’une provision due au titre de l’article 14-1 ou du I de l’article 14-2, et après mise en demeure restée infructueuse passé un délai de trente jours, les autres provisions non encore échues en application des mêmes articles 14-1 ou 14-2 ainsi que les sommes restant dues appelées au titre des exercices précédents après approbation des comptes deviennent immédiatement exigibles ».

L’office du juge est précisé dans la même motivation normative. Le tribunal souligne que « le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, après avoir constaté, selon le cas, l’approbation par l’assemblée générale des copropriétaires du budget prévisionnel, des travaux ou des comptes annuels, ainsi que la défaillance du copropriétaire, condamne ce dernier au paiement des provisions ou sommes exigibles ». Le raisonnement articule ainsi condition de défaillance, approbations préalables, et bascule d’exigibilité.

B. Application au litige et contrôle du quantum

Le juge opère un contrôle serré des postes réclamés, retenant l’arriéré utile et écartant les frais autonomes de recouvrement. Il affirme que « au vu des dernières observations des parties, la créance réclamée est exigible à hauteur de 9.004,75 €uros correspondant à l’arriéré de charges de copropriété, frais de recouvrement déduits du décompte ». La clarification du périmètre de la dette confirme l’exigence de conformité textuelle et comptable.

La solution s’étend naturellement aux provisions à venir, dès lors que la condition de défaillance est caractérisée. Le jugement précise que « les provisions non encore échues sont dues en vertu du texte ci-dessus, dès lors qu’il existe un défaut de paiement des charges appelées, ce qui est le cas en l’espèce ». L’exigibilité anticipée trouve ici une application directe, fondée sur la combinaison de la mise en demeure et de l’approbation des comptes.

II. Valeur normative et portée pratique de la décision

A. Un équilibre entre efficacité du recouvrement et protection du débiteur

La décision ménage un équilibre entre sécurité financière de la copropriété et solvabilisation progressive du débiteur de bonne foi. Le juge recourt à la modulation permise par le Code civil, en retenant que « au vu des revenus et charges des défendeurs, il y a lieu de faire application de l’article 1343-5 du Code civil et d’échelonner le paiement des sommes dues comme précisé au dispositif ». L’échelonnement s’articule sans heurt avec la condamnation au principal, ce qui concilie efficacité et pragmatisme.

La mesure de suspension des poursuites pendant la période d’exécution du plan judiciaire renforce cet équilibre. L’absence de dommages-intérêts, combinée à une indemnité procédurale mesurée, traduit une appréciation proportionnée des torts et des charges. La solution préserve la trésorerie collective tout en maîtrisant la contrainte sur les débiteurs.

B. Incidences contentieuses et lignes directrices pour la pratique

La motivation affine la méthode probatoire attendue du demandeur, qui doit établir approbations régulières et persistance de la défaillance après mise en demeure. Elle précise, en outre, que l’exigibilité anticipée ne couvre pas des frais de recouvrement détachés du principal, lesquels doivent être strictement justifiés et ventilés. Le calibrage du quantum et des intérêts renforce la prévisibilité des décisions en accéléré.

La portée contentieuse se lit aussi dans la fermeté quant aux demandes accessoires infondées. Le tribunal statue clairement en indiquant « rejette toute autre demande ». Les professionnels de la gestion pourront s’appuyer sur cette grille d’analyse, tandis que les débiteurs, s’ils justifient leurs charges, pourront solliciter utilement l’aménagement prévu par l’article 1343‑5, sans empêcher l’exigibilité posée par l’article 19‑2.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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