Deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le 26 juin 2025, n°23-14.358

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a statué, le 26 juin 2025, sur un pourvoi formé contre un arrêt nancéien du 7 février 2023. Le litige, relevant de la matière sociale, opposait le demandeur au pourvoi à son adversaire devant les juridictions compétentes puis d’appel. Débouté en appel, le demandeur a saisi la Cour de cassation, en invoquant plusieurs moyens dirigés contre l’arrêt attaqué. « Les moyens de cassation, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ». Sur ce fondement, la décision poursuit en ces termes, « il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi ». Le dispositif « REJETTE le pourvoi » s’accompagne d’une condamnation aux dépens et d’une somme allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La question centrale concerne les conditions et la portée du rejet non spécialement motivé fondé sur l’article 1014 du code de procédure civile.

I. Le rejet non spécialement motivé : régime et portée

A. Les conditions d’application de l’article 1014 du code de procédure civile

L’article 1014, alinéa 1er, autorise la Cour à rejeter un pourvoi sans motivation spéciale lorsque les moyens ne sont manifestement pas de nature à provoquer la cassation. La formule reproduite, reprise textuellement par la décision, atteste un examen préalable de recevabilité et de bien-fondé qui se concentre sur la capacité normative des moyens invoqués. Ce filtre, d’inspiration gestionnaire, permet de réserver une motivation développée aux pourvois soulevant des questions de principe, des divergences, ou des erreurs juridiquement déterminantes.

B. Les effets juridiques d’un rejet non spécialement motivé

Le rejet non spécialement motivé épuise l’instance de cassation et confère l’autorité de la chose jugée au dispositif, sans valider les motifs retenus par les juges du fond. Il indique seulement que les moyens, appréciés à l’aune du droit positif applicable, ne justifiaient pas une censure, de sorte que la décision d’appel demeure exécutoire et définitive. La motivation allégée n’emporte donc ni création prétorienne explicite, ni revirement, mais participe d’une technique de décision standardisée, ici assumée par une référence directe à l’article 1014. Reste à apprécier la compatibilité de cette économie rédactionnelle avec l’exigence de motivation et à mesurer ses conséquences pratiques pour les justiciables et leurs conseils.

II. Appréciation critique et conséquences pratiques

A. Motivation, transparence et contrôle conventionnel

L’économie de motifs retenue par la Cour ne contrevient pas à l’article 6, § 1, de la Convention, qui admet des décisions sommairement motivées rendues par juridictions suprêmes. La mention de l’article 1014, combinée à un dispositif clair, satisfait aux exigences de lisibilité sans priver les intéressés de la possibilité de comprendre le sens du rejet. Une vigilance demeure toutefois nécessaire, afin d’éviter que l’usage répétitif de formules stéréotypées n’affaiblisse la fonction pédagogique de la jurisprudence et la prévisibilité des solutions.

B. Enjeux procéduraux et pratiques du pourvoi civil

Cette décision confirme l’utilité d’une rédaction des moyens centrée sur des violations déterminantes de la règle de droit, plutôt que sur l’appréciation des faits par les juges du fond. Le risque d’un « REJETTE le pourvoi » assorti des dépens et d’une condamnation au titre de l’article 700 impose de mesurer la pertinence d’un recours en cassation. Il en résulte une incitation forte à sélectionner des griefs décisifs, à articuler des moyens précis, et à identifier des enjeux de principe susceptibles de justifier une motivation développée.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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