Cour d’appel de Versailles, le 25 juillet 2025, n°23/07932
Cour d’appel de Versailles, 25 juillet 2025, chambre commerciale 3-2. Une société à responsabilité limitée, constituée pour l’acquisition et la location d’un logement, avait conclu un bail commercial d’exploitation touristique. Son gérant, également associé, a négocié puis signé une résiliation amiable au 30 avril 2023. L’associée appelante a saisi la juridiction consulaire pour voir notamment révoquer le gérant pour faute de gestion, annuler la résiliation, désigner un administrateur ad hoc et obtenir diverses mesures accessoires. Le tribunal de commerce de Versailles, le 20 octobre 2023, a rejeté ces demandes. L’appel, diligenté contre le gérant, la société et l’exploitant, tendait à l’infirmation du jugement, sur le terrain du juste motif de révocation, de la nullité du protocole, de la gestion fiscale et des obligations sociales. La question posée à la cour tenait, d’une part, aux critères de la cause légitime de révocation d’un gérant de SARL, et, d’autre part, à l’étendue de ses pouvoirs pour résilier amiablement un bail commercial entrant dans l’objet social. La cour confirme intégralement le jugement, rejette l’ensemble des prétentions principales, refuse les demandes accessoires de privation de dividendes et de garantie fiscale, et alloue des indemnités de procédure au gérant et au preneur.
L’arrêt précise, d’une part, les conditions d’appréciation du juste motif de révocation au regard de l’intérêt social, et, d’autre part, la portée des pouvoirs du gérant en matière de résiliation amiable d’un bail commercial, au prisme de la sécurité des opérations.
I. Le contrôle du juste motif de révocation et de la gestion sociale
A. L’exigence d’un manquement caractérisé et l’intérêt social
La cour se réfère au cadre légal en rappelant que l’article L. 223-25, alinéa 2, dispose que « le gérant est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé ». Elle resitue l’examen au regard de l’intérêt social, du contexte de la société et de la consistance probatoire des griefs. Elle souligne un élément central de chronologie et de cohérence des comportements: « La cour observe ainsi que l’appelante n’a pas émis de reproche quant à la manière dont son époux gérait cette SARL familiale jusqu’à la séparation du couple, et qu’elle impute désormais à faute chacun des actes de gestion du gérant. » Ce constat irrigue l’ensemble de l’analyse, en relativisant la portée de griefs révélés a posteriori.
S’agissant de la tenue des assemblées et de la régularité des comptes, la juridiction retient une approche mesurée. Elle admet l’omission des assemblées annuelles sur une courte période d’exploitation, sans en déduire ipso facto une faute de gestion, eu égard au caractère familial de la structure et à l’absence de démonstration d’un préjudice social. Elle rappelle utilement la disponibilité d’un remède légal à la carence alléguée: « Certes, il est du devoir du gérant de convoquer l’assemblée générale annuelle, mais la loi prévoit une possibilité pour tout associé de faire convoquer cette réunion obligatoire. » La solution confirme qu’un défaut de convocation, non accompagné d’un dommage concret pour la société, ne suffit pas, à lui seul, à caractériser une cause légitime de révocation.
B. La preuve d’un préjudice et l’économie des remèdes internes
La cour examine les autres griefs avec la même exigence probatoire. Les déficits comptables, imputables notamment aux amortissements et au contexte sanitaire, ne traduisent pas une poursuite abusive d’une exploitation déficitaire lorsque le dirigeant a agi pour contenir les charges, renforcé la trésorerie par un apport en compte courant, et sécurisé une sortie de bail sans indemnité. L’argument tiré d’un défaut de loyers est relativisé par les périodes d’occupation et la conjoncture. La critique relative à l’absence de dividendes est disqualifiée par l’existence même des déficits.
La motivation insiste sur l’orientation conforme à l’intérêt social du choix d’optimiser les conditions d’exploitation, fût-ce au prix d’une transition brève entre deux baux. À ce titre, la cour approuve le rejet des demandes corrélatives privatives ou punitives, par un motif de portée générale: « Le sens de la décision justifie le rejet de cette prétention. » De même, les prétentions accessoires dépourvues de fondement légal explicite sont écartées sans difficulté: « Le jugement est également confirmé de ce chef. » La logique de l’arrêt conduit ainsi à réserver la révocation aux hypothèses de manquements établis dans leur réalité, leur gravité et leur incidence sur l’intérêt social, l’arsenal des remèdes internes demeurant disponible pour les associés diligents.
II. Les pouvoirs du gérant en bail commercial et la sécurité des opérations
A. La résiliation amiable dans l’objet social du bailleur
L’arrêt tranche nettement la contestation de la nullité du protocole de résiliation. La critique centrale, fondée sur une prétendue incompétence du gérant faute d’habilitation d’assemblée, est écartée en droit positif: « Elle prétend à tort que la signature de ce protocole requerrait un vote de l’assemblée générale. » La cour rappelle la règle fonctionnelle qui gouverne la représentation de la SARL: « Or, la conclusion d’un bail ou la résiliation du bail en cours pouvait être fait seul par le gérant, comme l’a jugé à raison le tribunal, compte tenu de l’objet social de la société familiale. » L’articulation des articles L. 223-18 et L. 223-25 ressort en filigrane: pouvoirs les plus étendus du gérant pour engager la société dans l’objet social, contrôle judiciaire limité aux dérives caractérisées au regard de l’intérêt social.
Sur le terrain des baux commerciaux, la cour admet sans détour la validité d’une résiliation amiable hors échéance triennale, dès lors que le preneur, professionnel, a consenti à renoncer à la protection d’ordre public qui lui est destinée. Cette approche, constante, concilie la finalité protectrice du statut avec la liberté contractuelle des opérateurs éclairés. L’absence d’indemnité de résiliation obtenue par la négociation renforce, en outre, la conformité de l’opération à l’intérêt social, en termes de coût et de valorisation de l’actif.
B. Portée pratique pour les SARL familiales et contentieux connexes
La décision présente une utilité particulière pour les SARL familiales porteuses d’un actif immobilier locatif. Elle rappelle que le débat sur la révocation ne saurait se substituer aux mécanismes de gouvernance et de contrôle déjà disponibles, notamment la convocation judiciaire des assemblées ou l’exercice des droits d’information. Elle circonscrit l’office du juge de la révocation à la sanction des manquements prouvés et préjudiciables, sans ériger en faute la simple divergence de stratégies ou la mésentente conjugale transposée en terrain sociétaire.
La portée contentieuse est double. D’une part, la résiliation amiable d’un bail commercial, inscrite dans l’objet social et acceptée par le preneur, relève des pouvoirs courants du gérant, sauf preuve d’un intérêt personnel ou d’un détournement manifeste de l’intérêt social. D’autre part, la charge de la preuve d’une faute de gestion et d’un préjudice concret incombe à l’associé demandeur, la carence de démonstration appelant un simple rappel des remèdes internes, plutôt qu’une éviction judiciaire. Dans cette logique de stabilisation des opérations et des décisions, la cour clôt l’instance en confirmant les chefs accessoires: « Les dispositions du jugement statuant sur les dépens et l’indemnité de procédure seront confirmées. » La cohérence de l’ensemble se retrouve au dispositif: « Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; » ce qui consacre une ligne jurisprudentielle exigeante sur le juste motif et pragmatique sur les pouvoirs du gérant.
En définitive, l’arrêt illustre un contrôle de proportionnalité entre les irrégularités alléguées et l’atteinte à l’intérêt social, refusant d’ériger des omissions formelles isolées en cause légitime, lorsque la gestion montre des diligences, des arbitrages négociés et l’usage des pouvoirs conférés par l’objet social. Il consolide, par ailleurs, la sécurité des résiliations amiables en matière de baux commerciaux, lorsque le preneur renonce en connaissance de cause à la protection que la loi lui réserve.
Cour d’appel de Versailles, 25 juillet 2025, chambre commerciale 3-2. Une société à responsabilité limitée, constituée pour l’acquisition et la location d’un logement, avait conclu un bail commercial d’exploitation touristique. Son gérant, également associé, a négocié puis signé une résiliation amiable au 30 avril 2023. L’associée appelante a saisi la juridiction consulaire pour voir notamment révoquer le gérant pour faute de gestion, annuler la résiliation, désigner un administrateur ad hoc et obtenir diverses mesures accessoires. Le tribunal de commerce de Versailles, le 20 octobre 2023, a rejeté ces demandes. L’appel, diligenté contre le gérant, la société et l’exploitant, tendait à l’infirmation du jugement, sur le terrain du juste motif de révocation, de la nullité du protocole, de la gestion fiscale et des obligations sociales. La question posée à la cour tenait, d’une part, aux critères de la cause légitime de révocation d’un gérant de SARL, et, d’autre part, à l’étendue de ses pouvoirs pour résilier amiablement un bail commercial entrant dans l’objet social. La cour confirme intégralement le jugement, rejette l’ensemble des prétentions principales, refuse les demandes accessoires de privation de dividendes et de garantie fiscale, et alloue des indemnités de procédure au gérant et au preneur.
L’arrêt précise, d’une part, les conditions d’appréciation du juste motif de révocation au regard de l’intérêt social, et, d’autre part, la portée des pouvoirs du gérant en matière de résiliation amiable d’un bail commercial, au prisme de la sécurité des opérations.
I. Le contrôle du juste motif de révocation et de la gestion sociale
A. L’exigence d’un manquement caractérisé et l’intérêt social
La cour se réfère au cadre légal en rappelant que l’article L. 223-25, alinéa 2, dispose que « le gérant est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé ». Elle resitue l’examen au regard de l’intérêt social, du contexte de la société et de la consistance probatoire des griefs. Elle souligne un élément central de chronologie et de cohérence des comportements: « La cour observe ainsi que l’appelante n’a pas émis de reproche quant à la manière dont son époux gérait cette SARL familiale jusqu’à la séparation du couple, et qu’elle impute désormais à faute chacun des actes de gestion du gérant. » Ce constat irrigue l’ensemble de l’analyse, en relativisant la portée de griefs révélés a posteriori.
S’agissant de la tenue des assemblées et de la régularité des comptes, la juridiction retient une approche mesurée. Elle admet l’omission des assemblées annuelles sur une courte période d’exploitation, sans en déduire ipso facto une faute de gestion, eu égard au caractère familial de la structure et à l’absence de démonstration d’un préjudice social. Elle rappelle utilement la disponibilité d’un remède légal à la carence alléguée: « Certes, il est du devoir du gérant de convoquer l’assemblée générale annuelle, mais la loi prévoit une possibilité pour tout associé de faire convoquer cette réunion obligatoire. » La solution confirme qu’un défaut de convocation, non accompagné d’un dommage concret pour la société, ne suffit pas, à lui seul, à caractériser une cause légitime de révocation.
B. La preuve d’un préjudice et l’économie des remèdes internes
La cour examine les autres griefs avec la même exigence probatoire. Les déficits comptables, imputables notamment aux amortissements et au contexte sanitaire, ne traduisent pas une poursuite abusive d’une exploitation déficitaire lorsque le dirigeant a agi pour contenir les charges, renforcé la trésorerie par un apport en compte courant, et sécurisé une sortie de bail sans indemnité. L’argument tiré d’un défaut de loyers est relativisé par les périodes d’occupation et la conjoncture. La critique relative à l’absence de dividendes est disqualifiée par l’existence même des déficits.
La motivation insiste sur l’orientation conforme à l’intérêt social du choix d’optimiser les conditions d’exploitation, fût-ce au prix d’une transition brève entre deux baux. À ce titre, la cour approuve le rejet des demandes corrélatives privatives ou punitives, par un motif de portée générale: « Le sens de la décision justifie le rejet de cette prétention. » De même, les prétentions accessoires dépourvues de fondement légal explicite sont écartées sans difficulté: « Le jugement est également confirmé de ce chef. » La logique de l’arrêt conduit ainsi à réserver la révocation aux hypothèses de manquements établis dans leur réalité, leur gravité et leur incidence sur l’intérêt social, l’arsenal des remèdes internes demeurant disponible pour les associés diligents.
II. Les pouvoirs du gérant en bail commercial et la sécurité des opérations
A. La résiliation amiable dans l’objet social du bailleur
L’arrêt tranche nettement la contestation de la nullité du protocole de résiliation. La critique centrale, fondée sur une prétendue incompétence du gérant faute d’habilitation d’assemblée, est écartée en droit positif: « Elle prétend à tort que la signature de ce protocole requerrait un vote de l’assemblée générale. » La cour rappelle la règle fonctionnelle qui gouverne la représentation de la SARL: « Or, la conclusion d’un bail ou la résiliation du bail en cours pouvait être fait seul par le gérant, comme l’a jugé à raison le tribunal, compte tenu de l’objet social de la société familiale. » L’articulation des articles L. 223-18 et L. 223-25 ressort en filigrane: pouvoirs les plus étendus du gérant pour engager la société dans l’objet social, contrôle judiciaire limité aux dérives caractérisées au regard de l’intérêt social.
Sur le terrain des baux commerciaux, la cour admet sans détour la validité d’une résiliation amiable hors échéance triennale, dès lors que le preneur, professionnel, a consenti à renoncer à la protection d’ordre public qui lui est destinée. Cette approche, constante, concilie la finalité protectrice du statut avec la liberté contractuelle des opérateurs éclairés. L’absence d’indemnité de résiliation obtenue par la négociation renforce, en outre, la conformité de l’opération à l’intérêt social, en termes de coût et de valorisation de l’actif.
B. Portée pratique pour les SARL familiales et contentieux connexes
La décision présente une utilité particulière pour les SARL familiales porteuses d’un actif immobilier locatif. Elle rappelle que le débat sur la révocation ne saurait se substituer aux mécanismes de gouvernance et de contrôle déjà disponibles, notamment la convocation judiciaire des assemblées ou l’exercice des droits d’information. Elle circonscrit l’office du juge de la révocation à la sanction des manquements prouvés et préjudiciables, sans ériger en faute la simple divergence de stratégies ou la mésentente conjugale transposée en terrain sociétaire.
La portée contentieuse est double. D’une part, la résiliation amiable d’un bail commercial, inscrite dans l’objet social et acceptée par le preneur, relève des pouvoirs courants du gérant, sauf preuve d’un intérêt personnel ou d’un détournement manifeste de l’intérêt social. D’autre part, la charge de la preuve d’une faute de gestion et d’un préjudice concret incombe à l’associé demandeur, la carence de démonstration appelant un simple rappel des remèdes internes, plutôt qu’une éviction judiciaire. Dans cette logique de stabilisation des opérations et des décisions, la cour clôt l’instance en confirmant les chefs accessoires: « Les dispositions du jugement statuant sur les dépens et l’indemnité de procédure seront confirmées. » La cohérence de l’ensemble se retrouve au dispositif: « Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; » ce qui consacre une ligne jurisprudentielle exigeante sur le juste motif et pragmatique sur les pouvoirs du gérant.
En définitive, l’arrêt illustre un contrôle de proportionnalité entre les irrégularités alléguées et l’atteinte à l’intérêt social, refusant d’ériger des omissions formelles isolées en cause légitime, lorsque la gestion montre des diligences, des arbitrages négociés et l’usage des pouvoirs conférés par l’objet social. Il consolide, par ailleurs, la sécurité des résiliations amiables en matière de baux commerciaux, lorsque le preneur renonce en connaissance de cause à la protection que la loi lui réserve.