Cour d’appel de Toulouse, le 9 juillet 2025, n°22/02696

Cour d’appel de Toulouse, 9 juillet 2025. L’arrêt porte sur une vente immobilière affectée par des termites, et articule responsabilité des vendeurs, faute du diagnostiqueur et prescription contre l’entreprise de traitement.

Après un traitement curatif en 1998, les vendeurs cèdent en 2020 une maison dont les diagnostics signalent des termites au jardin, mais aucun indice dans les pièces. Des travaux postérieurs révèlent des attaques anciennes des solives et un risque structurel, entraînant une expertise judiciaire et une action en garantie et responsabilité. Le tribunal judiciaire d’Albi, 5 juillet 2022, écarte la garantie des vendeurs, prescrit l’action contre l’entreprise de traitement, et retient la responsabilité du diagnostiqueur et de son assureur. La cour confirme partiellement, rétablit la responsabilité des vendeurs, maintient la prescription contre l’entreprise de traitement, et condamne vendeur et diagnostiqueur in solidum, avec contribution définitive de 70 % et 30 %. La décision tranche ainsi l’inopposabilité de la clause d’exonération, les manquements du diagnostic termites, la prescription commerciale et l’étendue de la réparation.

I. Sens et fondements de la condamnation des vendeurs et du diagnostiqueur

A. Inopposabilité de la clause d’exonération au vendeur informé

La juridiction retient un vice caché, antérieur à la vente, rendant l’immeuble en partie impropre à son usage. Elle souligne la gravité structurelle des atteintes aux solives. Elle énonce que « Ces vices graves rendent l’immeuble pour partie impropre à son usage ». Le caractère caché est reconnu, l’acquéreur n’ayant pas été informé d’atteintes structurelles masquées par des aménagements anciens.

La connaissance du vice par les vendeurs ressort de pièces antérieures à la vente. La cour relève notamment que « Cette facture établit l’existence, en 1998, de dégradations apparentes des solives, significatives puisque repérées ‘à de nombreux endroits’. » L’omission d’en informer l’acquéreur prive d’effet la clause de non-garantie, dès lors que la mauvaise foi est caractérisée par la connaissance du vice au sens des articles 1643 et 1645 du code civil.

L’arrêt en tire les conséquences classiques. D’une part, l’exclusion de garantie est inopposable. D’autre part, la réparation est due intégralement, le texte visant expressément la mauvaise foi. La cour rappelle, dans une formule pédagogique, que « Le vendeur de mauvaise foi est tenu de supporter la charge des travaux de reprise propres à remédier aux vices cachés » (v. aussi 3e civ., 30 janv. 2020, n° 19-10.176 ; 3e civ., 14 avr. 2010, n° 09-14.455).

B. Manquements du diagnostic termites et garantie légale d’information

La responsabilité du diagnostiqueur est appréciée au regard des normes techniques et de l’article L. 271-4 du code de la construction et de l’habitation. La cour constate un défaut de complétude de la visite et un repérage défaillant d’indices visibles. Elle note sans ambiguïté que « Le rapport de 2020 est donc incomplet dans son descriptif et de ce fait dans la visite réalisée par ce technicien ». Elle précise encore que certaines dégradations « étaient décelables par un simple contrôle visuel », ce que corroborent les conclusions expertales.

Le fondement juridique est nettement rappelé. « Il résulte de l’article L. 271-4 du code de la construction et de l’habitation que le dossier de diagnostic technique […] garantit l’acquéreur […] et que la responsabilité du diagnostiqueur se trouve engagée lorsque le diagnostic n’a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l’art, et qu’il se révèle erroné » (Cass. ch. mixte, 8 juill. 2015, n° 13-26.686). L’arrêt ajoute, dans une formule devenue classique, que « Celui qui achète un immeuble bâti dont le dossier de diagnostic technique relatif à la présence de termites ne révèle pas un risque pourtant décelable achète ainsi un bien garanti sans risque. » La faute d’information se trouve dès lors causalement rattachée aux préjudices matériels et de jouissance de l’acquéreur, engageant la réparation sous garantie d’assurance.

II. Valeur et portée : prescription commerciale et régime de l’indemnisation

A. Prescription mixte et délai-butoir de vingt ans

L’action contre l’entreprise de traitement se rattache à un contrat conclu en 1998 entre commerçant et non-commerçant. Le régime antérieur (art. L. 110-4, anc.) a été harmonisé par la loi du 17 juin 2008 avec l’article 2224 du code civil, fixant un point de départ glissant, mais soumis au délai-butoir de l’article 2232. La cour rappelle, à juste titre, que « Ce délai constitue le délai-butoir de droit commun des actions civiles et commerciales au-delà duquel elles ne peuvent plus être exercées » (Ass. plén., 17 mai 2023, n° 20-20.559).

La solution adoptée est doublement cohérente. D’une part, le délai-butoir de vingt ans s’applique aux contrats antérieurs non encore prescrits au 19 juin 2008, conformément à la jurisprudence (ch. mixte, 21 juill. 2023, n° 21-17.789). D’autre part, les limites et conditions de responsabilité opposables entre parties au contrat le sont également aux tiers qui agissent en responsabilité délictuelle pour un manquement contractuel (Com., 25 janv. 2023, n° 20-12.811). L’action engagée après l’expiration du délai-butoir est donc irrecevable, la dernière intervention étrangère aux termites ne pouvant déplacer le point de départ ni rouvrir la prescription.

B. Réparation intégrale, exclusions ciblées et contribution à la dette

La conséquence de l’inopposabilité de la clause et de la mauvaise foi est logiquement tirée sur le terrain de l’article 1645. La cour souligne que « Il résulte aussi de l’article 1645 que dès lors que le vendeur connaît les vices de la chose vendue, la réparation doit être intégrale ». L’évaluation s’adosse au rapport d’expertise et couvre les travaux structurels, la maîtrise d’œuvre, l’assurance dommages-ouvrage, les frais de relogement et de déménagement, ainsi qu’une indemnité de jouissance.

L’office d’appréciation demeure mesuré. L’arrêt écarte le poste relatif au traitement préventif extérieur, en indiquant que « Il est exact que le coût du traitement anti-termite doit rester à la charge de l’acquéreur ». La motivation tient compte des informations connues lors de la vente et de l’allocation contractuelle du risque pour le jardin.

La condamnation in solidum reflète l’imputabilité conjointe des manquements d’information. Vient ensuite la répartition interne de la charge en fonction des causalités respectives. La cour motive utilement que « La faute du diagnostiqueur a privé les vendeurs de la faculté de procéder aux reprises nécessaires avant la vente et de vendre leur bien conformément à son état, comme de la faculté de renoncer à la vente et de conserver le bien ». La contribution de 70 % à la charge des vendeurs, et de 30 % à la charge du diagnostiqueur et de son assureur, traduit l’intensité de la connaissance préexistante et l’incidence du diagnostic sur la fixation du prix et le choix de contracter.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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