Cour d’appel de Douai, le 10 juillet 2025, n°23/04414

Par un arrêt de la Cour d’appel de Douai du 10 juillet 2025, la chambre 8 section 4 tranche un litige relatif à des dégradations locatives. Le différend naît à la suite d’un bail d’habitation reçu par acte authentique en janvier 2021, puis d’un congé délivré en septembre 2022 et d’un état des lieux de sortie réalisé en octobre.

Après l’état des lieux de sortie, le bailleur assigna les locataires en paiement de loyers impayés, de perte de loyers, de frais, et surtout de réparations locatives. Le juge des contentieux de la protection d’Arras, par jugement du 1er septembre 2023, les condamna solidairement à diverses sommes, décision frappée d’appel par les locataires qui sollicitaient l’infirmation totale, la restitution du dépôt et une indemnisation pour trouble de jouissance.

Devant la juridiction d’appel, le bailleur demandait confirmation et, pour partie, majoration de certains postes. La controverse portait centralement sur l’imputabilité des dégradations au regard de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989, et sur la charge probatoire nécessaire pour renverser la présomption qui en découle.

La cour confirme le jugement. Elle retient l’existence de dégradations nouvelles au regard des états des lieux d’entrée et de sortie, fait application de la présomption pesant sur le locataire, valide l’évaluation chiffrée opérée, et maintient les condamnations accessoires, tout en allouant une somme supplémentaire au titre de l’article 700 en appel.

I. La mise en œuvre de la présomption de responsabilité locative

A. Le rappel du cadre légal applicable

La décision réaffirme d’abord le texte régissant les obligations du preneur en cours de bail. Elle cite l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989, dans les termes suivants: « Le locataire est obligé :[…] c) De répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d’un tiers qu’il n’a pas introduit dans le logement ; d) De prendre à sa charge l’entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations ainsi que l’ensemble des réparations locatives définies par décret en Conseil d’Etat, sauf si elles sont occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure […]’. »

La cour en déduit le mécanisme probatoire déterminant du litige, en des termes dépourvus d’ambiguïté: « La disposition précitée instaure une présomption de responsabilité du locataire pour toutes le dégradations locatives survenues pendant la durée du contrat et donc qui n’existaient pas au moment de l’entrée dans les lieux à moins de fournir la preuve que ces dégradations sont survenues du fait d’un cas de force majeure du fait du bailleur ou du fait d’un tiers qui s’est introduit dans le logement sans son autorisation. » Le principe est clair: toute altération nouvelle engage le preneur, sauf démonstration positive d’une cause exonératoire précise.

B. La méthode probatoire retenue par les juges du fond

La juridiction d’appel s’attache ensuite à la méthode, en validant la comparaison minutieuse des états des lieux contradictoires. Elle retient: « Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge opérant une exacte application du droit aux faits, notamment en effectuant une très minutieuse et exacte comparaison entre l’état des lieux d’entrée contradictoire (pièce n°5/1 de l’intimé) et l’état des lieux de sortie établi par un commissaire de justice, officier ministériel assermenté (pièce n°3 de l’intimé) , a à juste titre, constaté que le logement présentait au 31 octobre 2022 des dégradations qui n’existaient pas au moment de la conclusion du contrat de bail et de l’entrée dans les lieux des locataires. » Ce contrôle renforce la fiabilité du constat, en conférant une portée probatoire substantielle à l’acte dressé par officier public.

La conséquence logique tient dans l’imputation des désordres au preneur et dans la validation de leur évaluation, au regard du devis produit et jugé pour l’essentiel justifié. La formulation retenue en témoigne, s’agissant des chefs relatifs aux dégradations: « Le jugement querellé sera donc confirmé sur ce point. » La solution, solidement adossée aux pièces, procède d’une saine articulation entre présomption légale et preuve contraire non rapportée.

II. La cohérence et la portée de la solution

A. Une décision conforme au droit positif

La motivation s’inscrit dans une jurisprudence constante autour de l’article 7 de la loi de 1989, qui place la charge de l’exonération sur le preneur. La cour valorise la preuve objective fournie par les états des lieux, en limitant le débat à l’existence d’une cause exonératoire précise, ce que les pièces adverses ne démontrent pas. Elle en déduit, corrélativement, la confirmation des condamnations relatives aux loyers impayés, à la perte de loyers et aux frais nécessaires, affirmant que « Le jugement querellé sera donc confirmé sur ces points. » L’économie de la décision assure une cohérence d’ensemble, sans excéder le périmètre de ce qui est utilement prouvé.

L’octroi d’une indemnité procédurale en appel, modérée et calibrée, parachève l’appréciation d’équité au sens de l’article 700. La solution se montre mesurée, en retenant l’utilité des diligences et en refusant l’indemnisation sollicitée par les locataires faute d’iniquité démontrée.

B. Des enseignements pratiques pour les contentieux locatifs

L’arrêt confirme l’importance cardinale des états des lieux contradictoires, spécialement lorsqu’ils sont établis par commissaire de justice, pour fixer l’état initial et apprécier les altérations. Le preneur qui entend renverser la présomption doit constituer une preuve positive d’une cause exonératoire, distincte du simple aléa ou de la contestation générale, et apte à expliquer chaque désordre.

La solution éclaire enfin la quantification: le devis, contrôlé quant à sa pertinence et son lien avec les dégradations nouvelles, demeure l’outil probatoire principal. Les postes accessoires, tels les loyers perdus lorsque la remise en état est rendue nécessaire, sont admis sous réserve d’un lien causal suffisamment établi. Le contentieux y gagne en prévisibilité, à la fois pour la prévention des litiges et pour la conduite de leur preuve.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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