Cour d’appel de Besançon, le 17 juin 2025, n°24/00683

Par un arrêt de la Cour d’appel de Besançon du 17 juin 2025, la formation civile et commerciale tranche un différend contractuel de paiement. Deux sociétés liées par un contrat de communication de savoir-faire se disputent une indemnité réclamée lors d’une résiliation anticipée pour inexécution alléguée. Après injonction de payer, opposition puis jugement du tribunal de commerce de Belfort, l’appelante sollicite la fixation d’une indemnité forfaitaire équivalente à six mois de rémunération. Elle soutient que les articles contractuels relatifs à la durée et à la résiliation imposent, par interprétation combinée, un tel montant en cas de rupture pour manquement. La juridiction d’appel confirme le refus d’allouer 7 200 euros, et n’accorde que les frais accessoires limités au coût recommandé de la mise en demeure. La question posée porte sur la qualification de la stipulation relative à la résiliation et l’exigence probatoire d’un préjudice en l’absence de clause pénale.

I. L’interprétation des clauses de résiliation et l’exclusion d’une pénalité implicite

A. La distinction des régimes contractuels des articles 13 et 14

La cour isole deux mécanismes, l’un gouvernant la non-reconduction avec préavis, l’autre la résolution pour inexécution, et refuse de les confondre. Elle relève que l’article 14 prévoit seulement que, « en cas de non respect des articles précédents, toute partie pourra demander à l’indemnisation du préjudice subi ». En conséquence, l’énoncé n’instaure pas un forfait de rupture mais renvoie au droit commun de la responsabilité contractuelle.

La motivation est explicite et ferme. Selon l’arrêt, cette seconde phrase « ne prévoit pas une indemnité de résiliation fixée contractuellement et ne reflète aucune volonté des parties d’instituer une clause pénale contractuelle ». L’interprétation combinée défendue par l’appelante est ainsi écartée, faute d’indices concordants sur une commune intention d’ériger un montant automatique.

B. L’application factuelle de la clause de résolution et la date d’effet de la rupture

Sur les faits, la mise en demeure vise le seul article 14, ce qui commande la mise en œuvre de la résolution pour inexécution. La cour fixe l’effet de la rupture par une formule matérielle et datée, toute critique gardée sur sa cohérence interne. Elle énonce que « la résiliation anticipée est donc intervenue un mois après la mise en demeure restée sans effet, soit le 04 novembre 2022 ».

La suite est logique. Aucune demande fondée sur la responsabilité contractuelle n’étant articulée ni justifiée, la prétention indemnitaire échoue. La cour constate que « l’appelante ne formule en tout état de cause aucune demande fondée sur la responsabilité contractuelle […] et n’invoque ni ne produit aucun élément de nature à caractériser un préjudice ». La confirmation du rejet s’impose alors.

II. La valeur de la solution et ses incidences pratiques

A. Conformité aux canons d’interprétation des contrats et au régime de la clause pénale

La solution s’enracine dans les articles 1188, 1189 et 1191 du code civil, rappelés par la cour et correctement mobilisés. L’arrêt reproduit que « le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes ». Il rappelle aussi que « toutes les clauses d’un contrat s’interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l’acte tout entier ».

Le principe d’effet utile gouverne la préférence interprétative. La cour cite l’article 1191 selon lequel « lorsqu’une clause est susceptible de deux sens, celui qui lui confère un effet l’emporte sur celui qui ne lui en fait produire aucun ». Ne pas inférer une pénalité implicite, faute de stipulation claire, préserve la cohérence, la bonne foi d’exécution et la sécurité contractuelle.

B. Portée pour la rédaction contractuelle et la charge de la preuve des frais

La décision rappelle avec netteté la frontière entre indemnité conventionnelle et réparation du préjudice. À défaut de clause pénale expresse et chiffrée, la partie demanderesse doit fonder son action en responsabilité, caractériser le dommage et établir le lien causal. La référence à l’article 1103 n’autorise pas, seule, une automaticité indemnitaire en cas de manquement non suivi d’une stipulation tarifée.

L’arrêt précise utilement le traitement des frais accessoires liés à la résiliation notifiée par recommandé. La condamnation se limite au coût justifié, de portée modeste mais significative pour la méthode probatoire. La cour décide que « seul le coût de cette formalité, soit 5,75 euros, doit être mis à la charge » de la partie défaillante. La vigilance rédactionnelle s’impose donc pour prévoir, chiffrer et déclencher sans ambiguïté toute indemnité de rupture.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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