Cour d’appel de Bastia, le 2 juillet 2025, n°24/00355

La Cour d’appel de Bastia, 2 juillet 2025, statue sur la validité d’un cautionnement souscrit en 2020 à l’occasion d’un bail d’habitation. L’arrêt confirme le rejet d’une demande d’annulation fondée sur l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989.

Une personne physique s’était engagée comme caution solidaire, avec un plafond équivalant à un an de loyers charges comprises, afin de garantir les dettes locatives. Elle soutenait n’avoir pas mesuré l’étendue de son risque, l’acte étant imprécis, et invoquait l’absence de mentions manuscrites suffisantes.

Après assignation en 2022, le premier juge a, par jugement du 18 avril 2024, débouté la caution et alloué une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. En appel, l’appelant sollicitait l’annulation de l’engagement, tandis que l’intimé demandait confirmation et l’allocation de frais irrépétibles supplémentaires.

La question posée était celle des formalités protectrices requises en 2020 par l’article 22-1 pour la validité d’un cautionnement de bail d’habitation. Elle portait encore sur l’applicabilité de l’article 1376 du code civil, relatif à la preuve des actes unilatéraux promettant le paiement d’une somme déterminée.

La cour rappelle d’abord que « Aux termes des dispositions précitées dans leur version applicable à la date de la signature du contrat litigieux, la personne physique qui se porte caution signe l’acte de cautionnement faisant apparaître le montant du loyer et les conditions de sa révision tels qu’ils figurent au contrat de location, ainsi que la mention exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance que la caution a de la nature et de l’étendue de l’obligation qu’elle contracte. Ces formalités sont prescrites à peine de nullité du cautionnement. » Puis elle précise que « Il n’est pas discuté qu’en l’état des textes applicables à la date de la signature du contrat, aucune mention manuscrite de la part de la caution n’était formellement exigée. » Elle en déduit enfin que « La cour relève ainsi que la mention précitée exprime de façon explicite et non équivoque la connaissance que la caution avait de la nature et de l’étendue de l’obligation qu’elle a contractée », et écarte l’article 1376 comme inapplicable à l’espèce.

I. Portée des exigences de l’article 22-1 applicables en 2020

A. Le cadre légal et la fin de l’exigence manuscrite
L’arrêt se fonde sur la version de l’article 22-1 alors en vigueur, qui privilégie la clarté des informations et la signature, plutôt que la reproduction manuscrite. Il cite que « la personne physique qui se porte caution signe l’acte de cautionnement faisant apparaître le montant du loyer et les conditions de sa révision […] ainsi que la mention exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance […] ». La finalité reste protectrice, car « Ces formalités sont prescrites à peine de nullité du cautionnement. »

La cour souligne ensuite l’absence d’exigence d’une mention manuscrite obligatoire à la date de l’engagement. Elle énonce que « Il n’est pas discuté qu’en l’état des textes applicables à la date de la signature du contrat, aucune mention manuscrite de la part de la caution n’était formellement exigée. » Le formalisme se déplace donc vers l’exhaustivité des informations et la lisibilité de l’engagement.

B. La vérification concrète de la connaissance de l’engagement
Le contrôle opéré par les juges du fond demeure substantiel et non purement formaliste. La cour constate que la clause litigieuse détaillait le loyer, sa révision, le plafond d’engagement et la durée pertinente, de sorte que la compréhension du risque financier était assurée.

Elle retient ainsi que « La cour relève ainsi que la mention précitée exprime de façon explicite et non équivoque la connaissance que la caution avait de la nature et de l’étendue de l’obligation qu’elle a contractée ». Cette appréciation, fondée sur le contenu effectif de la clause, consacre une logique de transparence et de pédagogie contractuelle. Elle prépare l’examen de l’articulation avec les règles de preuve des actes unilatéraux invoquées par l’appelant.

II. Appréciation de la solution et effets

A. L’écartement de l’article 1376 et sa cohérence dogmatique
L’appelant invoquait l’article 1376, en soutenant qu’un engagement unilatéral de payer suppose la mention manuscrite de la somme en lettres et en chiffres. La cour rejette ce moyen en indiquant que ces dispositions « sont sans incidence au cas d’espèce, dès lors que l’engagement litigieux n’est pas une promesse de payer une somme déterminée à l’avance, mais une sûreté plafonnée par référence au loyer ».

La motivation est cohérente avec la nature accessoire du cautionnement. L’obligation de la caution n’est pas un paiement déterminé ab initio, mais la garantie d’une dette principale, dans la limite d’un plafond stipulé. Le cadre probatoire des actes unilatéraux promettant une somme fixe ne s’y transpose pas, ce que confirme la présence, par ailleurs, d’un plafond chiffré permettant d’apprécier l’étendue du risque.

B. Incidences pratiques pour les cautionnements de baux d’habitation
La solution consolide, pour les engagements conclus entre 2018 et 2022, une lecture finaliste du formalisme protecteur. L’exigence centrale tient à la lisibilité des éléments essentiels et à l’expression claire de la connaissance par la caution de la nature et de l’étendue de son obligation.

Elle encourage une rédaction dactylographiée précise, mentionnant le loyer, ses modalités de révision et un plafond intelligible, plutôt qu’une reproduction manuscrite lourde et source d’erreurs. La rigueur demeure toutefois élevée, puisque « Ces formalités sont prescrites à peine de nullité du cautionnement. » La décision éclaire ainsi la pratique en rappelant que la pédagogie contractuelle vaut mieux que le ritualisme, sans amoindrir la protection des cautions.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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