Par un arrêt en date du 17 avril 2025, la cour administrative d’appel se prononce sur la légalité d’un refus de permis de construire opposé par un maire pour des motifs de sécurité publique. En l’espèce, deux particuliers se sont vu refuser la délivrance d’une autorisation d’urbanisme pour la construction d’une maison individuelle. Le maire a fondé sa décision sur les risques pour la sécurité routière engendrés par la configuration de l’accès à la parcelle, laquelle était desservie par un chemin privé étroit et sans visibilité débouchant sur une voie publique. Saisis par les pétitionnaires, les juges du tribunal administratif de Nîmes ont rejeté leur demande d’annulation par un jugement du 7 mars 2023. Les requérants ont alors interjeté appel de ce jugement, soutenant que le maire avait commis une erreur d’appréciation au regard des articles R. 111-2 et R. 111-5 du code de l’urbanisme, et qu’il aurait pu assortir l’autorisation de prescriptions spéciales plutôt que de la refuser. Il revenait donc à la cour administrative d’appel de déterminer si un maire peut légalement refuser un permis de construire en raison d’un risque pour la sécurité publique, lorsque les mesures alternatives destinées à pallier ce risque s’avèrent insuffisantes ou irréalisables. La cour répond par l’affirmative et rejette la requête, considérant que le risque était avéré et qu’aucune prescription spéciale ne pouvait garantir de manière effective la sécurité des usagers.
La décision de la cour administrative d’appel confirme ainsi, de manière classique, le pouvoir d’appréciation de l’autorité administrative en matière de sécurité routière (I), tout en soulignant le caractère subsidiaire du recours à des prescriptions spéciales lorsque le risque ne peut être maîtrisé (II).
I. La consolidation du refus de construire face à un risque avéré pour la sécurité publique
La cour administrative d’appel valide la décision du maire en s’appuyant sur une analyse factuelle détaillée du danger (A), ce qui justifie l’application rigoureuse des dispositions du code de l’urbanisme (B).
A. L’appréciation concrète de la dangerosité de l’accès
L’arrêt commenté s’attache à une description particulièrement minutieuse de la configuration des lieux pour motiver sa solution. Le juge administratif ne se contente pas d’une simple affirmation du risque, mais procède à une véritable analyse *in concreto* des conditions de desserte du projet. Il relève que le terrain d’assiette est relié à la voie publique « par un chemin privé qui ne mesure que 3 mètres de large au droit de cette rue ». Cette étroitesse est aggravée par la présence d’obstacles visuels majeurs, à savoir « le mur d’une construction à gauche pour les véhicules sortants et par un mur de clôture en maçonnerie à droite ». Ces éléments matériels, constate la cour, « obèrent totalement la visibilité des conducteurs souhaitant rejoindre la rue du Barri ». L’appréciation est corroborée par l’avis du gestionnaire de voirie, qui avait déjà souligné ce défaut de visibilité. La juridiction prend également en compte la nature de la voie publique, une rue à double sens sans trottoirs et fréquentée par le transport scolaire, pour conclure que même une vitesse limitée ne saurait écarter le danger. En procédant à cette qualification précise des faits, le juge démontre que le risque pour la sécurité publique n’est ni hypothétique ni mineur, mais bien réel et circonstancié.
B. La légitimation du refus au nom de la sécurité des usagers
Cette démonstration factuelle permet à la cour de légitimer pleinement le refus du maire sur le fondement des articles R. 111-2 et R. 111-5 du code de l’urbanisme. Le premier de ces textes autorise le refus d’un projet s’il « est de nature à porter atteinte à la (…) sécurité publique », tandis que le second vise plus spécifiquement les cas où les accès « présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ». En l’espèce, la cour estime que la situation correspond parfaitement à ces hypothèses. Elle conclut sans équivoque que « l’accès au projet présente un risque pour la sécurité des usagers de la voie publique ». Dès lors que le risque est ainsi caractérisé, le maire est non seulement en droit, mais a presque l’obligation d’intervenir au titre de ses pouvoirs de police de l’urbanisme pour prévenir sa réalisation. Le juge administratif exerce ici un contrôle de l’erreur d’appréciation et conclut que le maire, en refusant le permis, n’a fait qu’un usage correct et proportionné de ses prérogatives. La décision attaquée n’était donc entachée d’aucune illégalité, le motif tiré de l’atteinte à la sécurité publique étant à la fois matériellement exact et juridiquement fondé.
Après avoir ainsi validé le raisonnement de l’autorité municipale sur l’existence d’un risque, la cour se penche sur l’argument subsidiaire des requérants relatif à la possibilité d’assortir le permis de prescriptions spéciales.
II. Le caractère subsidiaire des prescriptions spéciales face à un risque irrémédiable
La cour rejette la possibilité de recourir à des prescriptions spéciales en constatant leur inefficacité pratique (A), ce qui ancre la solution dans une logique d’espèce à la portée limitée (B).
A. L’inefficacité des mesures correctrices comme alternative au refus
L’un des arguments centraux des requérants reposait sur le mécanisme prévu par l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, qui permet d’accepter un projet « sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales ». Toutefois, la jurisprudence subordonne cette faculté à la condition que ces prescriptions permettent d’assurer la conformité du projet à la réglementation sans en altérer la substance. En l’espèce, le juge examine et écarte les solutions palliatives. Concernant la démolition du mur obstruant la visibilité, il est relevé qu’il « n’est pas sur leur propriété », rendant cette prescription irréalisable pour les pétitionnaires. Quant à l’installation de miroirs de rue, la cour note qu’« il ne ressort pas des pièces du dossier que la configuration des lieux puisse permettre d’implanter deux miroirs sur rue pour assurer la sécurité ». Face à ces impasses, elle conclut qu’« il n’est pas établi que le maire (…) aurait pu délivrer le permis de construire demandé en l’assortissant de prescriptions permettant une amélioration des conditions de visibilité ». Cette analyse confirme que le recours aux prescriptions n’est pas une obligation pour l’administration lorsque leur mise en œuvre est impossible ou leur efficacité non garantie. Le refus s’impose alors comme la seule issue possible pour garantir la sécurité.
B. Une solution d’espèce réaffirmant un principe classique
En définitive, cet arrêt s’analyse comme une décision d’espèce, dont la solution est intimement liée à la configuration particulière du terrain et de ses abords. Il ne constitue pas un revirement de jurisprudence ni ne pose un principe nouveau, mais se contente d’appliquer une grille d’analyse bien établie. La portée de la décision est donc principalement pédagogique. Elle rappelle aux constructeurs l’importance primordiale de la qualité des accès dans la conception d’un projet et illustre le contrôle approfondi opéré par le juge sur l’appréciation des risques. Elle confirme également que si le droit de construire est un attribut du droit de propriété, il cède devant l’impératif de sécurité publique lorsque le danger créé est direct et qu’aucune mesure technique raisonnable ne permet de le neutraliser. La solution, fondée sur le pragmatisme, réaffirme la prééminence des pouvoirs de police du maire dans la prévention des troubles à l’ordre public, et ce, même face à un projet de construction d’apparence modeste.