Cour d’appel administrative de Paris, le 25 septembre 2025, n°23PA04928

Par un arrêt en date du 25 septembre 2025, la cour administrative d’appel de Paris a été amenée à se prononcer sur l’étendue de l’assiette et le tarif applicable à la taxe sur les locaux à usage de bureaux. En l’espèce, une chambre de commerce et d’industrie s’est vu notifier des rehaussements de cette taxe pour les années 2014 à 2016, au titre de locaux qu’elle possède et qui sont occupés par un établissement d’enseignement supérieur. L’administration fiscale avait inclus dans la surface taxable des cafétérias et avait appliqué le tarif normal de la taxe à des locaux mis à disposition d’associations étudiantes. La chambre de commerce et d’industrie a contesté cette imposition, mais sa demande a été rejetée par un jugement du 3 octobre 2023 du tribunal administratif de Paris. La requérante a donc interjeté appel de ce jugement, soutenant principalement que les cafétérias ne constituaient pas des dépendances indispensables des bureaux et que les locaux mis à disposition d’associations devaient bénéficier d’un tarif réduit, cette mise à disposition relevant de son activité de soutien à la vie associative. Il revenait ainsi à la cour administrative d’appel de déterminer si des cafétérias peuvent être qualifiées de dépendances immédiates des bureaux au sens de l’article 231 ter du code général des impôts, et si la mise à disposition de locaux à des tiers par un organisme public peut être considérée comme l’exercice de sa propre activité lui ouvrant droit à un tarif réduit. La cour a rejeté la requête, confirmant l’analyse de l’administration et des premiers juges. Elle a considéré que les cafétérias, en raison de leur accessibilité directe depuis les bureaux, en constituaient bien des dépendances taxables. Elle a également jugé que l’activité exercée dans les locaux mis à disposition des associations n’était pas celle de la chambre de commerce et d’industrie elle-même, justifiant ainsi l’application du tarif normal.

La solution retenue par la cour administrative d’appel de Paris s’inscrit dans une lecture pragmatique de la notion de dépendance d’un local professionnel, tout en maintenant une application stricte des conditions d’éligibilité à un avantage fiscal. Ainsi, la décision vient consolider une conception extensive des surfaces taxables (I), avant de réaffirmer une interprétation restrictive de la condition d’exercice de l’activité pour l’application d’un tarif réduit (II).

I. La consolidation d’une conception extensive des dépendances de bureaux

La cour valide l’intégration des cafétérias dans l’assiette de la taxe en se fondant sur une appréciation souveraine des faits qui établit leur lien fonctionnel avec les bureaux, tout en écartant les arguments fondés sur une lecture littérale de la doctrine administrative.

A. L’appréciation de la proximité fonctionnelle comme critère de qualification

La cour s’attache à une analyse concrète de la configuration des lieux pour déterminer si les cafétérias peuvent être qualifiées de « dépendances immédiates et indispensables ». Elle relève que « les niveaux auxquels se situent ces trois cafétérias comportent essentiellement des bureaux et sont directement accessibles depuis ces bureaux ou sont desservies par des voies de circulation depuis ces bureaux ». Ce faisant, elle établit un critère de proximité non seulement géographique mais aussi fonctionnelle. Le caractère indispensable de la dépendance ne s’entend pas comme une nécessité absolue, mais comme un élément participant au fonctionnement normal et à l’agrément de l’activité principale de bureau. La restauration légère et la pause-café sont ainsi considérées comme des services annexes et intégrés à la vie de bureau. Cette approche pragmatique permet au juge de l’impôt de s’adapter à la diversité des aménagements des espaces de travail modernes, où les lieux de détente et de convivialité sont de plus en plus intégrés aux plateaux de bureaux.

B. Le rejet d’une interprétation restrictive issue de la doctrine administrative

La requérante tentait de s’appuyer sur la doctrine administrative pour exclure les cafétérias du champ de la taxe. La cour écarte cet argumentaire en deux temps, rappelant la portée normative limitée de ces commentaires. D’une part, elle souligne que l’énumération d’exemples de dépendances dans la doctrine BOI-IF-AUT-50-10 §30 n’est pas exhaustive et ne saurait donc limiter la portée de la loi fiscale. D’autre part, elle juge que la doctrine excluant les locaux auxquels le public n’a pas accès est sans pertinence, car elle « ne sont applicables qu’aux locaux destinés à la réalisation de prestations de services de nature commerciale ou artisanale ». Cette distinction opérée par le juge démontre que les commentaires administratifs ne peuvent être invoqués que s’ils s’appliquent précisément à la situation du contribuable. La cour rappelle ainsi que la loi demeure la source première du droit fiscal et que son interprétation ne saurait être figée ou limitée par des exemples doctrinaux qui ne reflètent pas l’ensemble des situations possibles.

Après avoir ainsi confirmé une définition large de l’assiette de la taxe, la cour examine avec une égale rigueur les conditions d’application du tarif, en se concentrant sur l’identité de l’occupant effectif des locaux.

II. L’application rigoureuse du critère d’exercice de l’activité pour le bénéfice du tarif réduit

La cour refuse d’accorder le bénéfice du tarif réduit pour les surfaces occupées par des associations, en dissociant l’activité de mise à disposition exercée par le propriétaire de celle, distincte, menée par les occupants au sein des locaux.

A. La dissociation entre la mise à disposition et l’activité exercée

Pour bénéficier du tarif réduit prévu au VI de l’article 231 ter du code général des impôts, l’organisme public propriétaire doit exercer son activité dans les locaux concernés. La chambre de commerce et d’industrie soutenait que mettre des locaux à la disposition d’associations étudiantes relevait de son activité de soutien à ces dernières. La cour rejette cette vision extensive de la notion d’activité propre, en jugeant que « cette activité ne peut être regardée comme étant exercée au sein des locaux mis à la disposition de ces associations ». Elle opère une distinction claire entre l’acte de gestion patrimoniale consistant à allouer un espace, et l’activité finalisant l’usage de cet espace. C’est bien l’activité des associations qui est exercée dans les locaux, et non celle de l’établissement public bailleur, même si cette mise à disposition s’inscrit dans le cadre de ses missions statutaires.

B. La stricte interprétation des conditions d’octroi d’un avantage fiscal

Cette solution réaffirme un principe fondamental du droit fiscal selon lequel les dispositions dérogatoires, telles que les taux réduits ou les exonérations, sont d’interprétation stricte. L’intention du propriétaire ou le but d’intérêt général poursuivi par la mise à disposition des locaux sont indifférents si les conditions textuelles ne sont pas précisément remplies. En l’occurrence, le texte exige que l’organisme « exerce son activité » dans les locaux. La cour refuse d’assimiler une activité de soutien, qui se matérialise par un acte juridique de mise à disposition, à l’exercice physique et direct de l’activité associative elle-même. Cette décision a pour portée de limiter l’extension des avantages fiscaux à des situations non expressément prévues par le législateur, garantissant ainsi une application uniforme et prévisible de la loi fiscale et prévenant les stratégies d’optimisation fondées sur une interprétation finaliste des textes.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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