Cour d’appel administrative de Lyon, le 9 juillet 2025, n°24LY00190

Par un arrêt en date du 9 juillet 2025, la Cour administrative d’appel de Lyon s’est prononcée sur la légalité d’un permis de construire accordé par un maire pour la réalisation d’un immeuble collectif d’habitation et d’un local d’activité. Cette autorisation d’urbanisme, qui impliquait la démolition d’une maison individuelle existante, a fait l’objet d’un recours en annulation par des voisins immédiats du projet.

En l’espèce, des particuliers, propriétaires d’un fonds voisin, ont contesté la validité de l’arrêté municipal portant délivrance du permis de construire. Leur demande a d’abord été soumise au tribunal administratif de Grenoble, lequel, par un jugement du 23 novembre 2023, a rejeté l’ensemble de leurs prétentions. Les requérants ont alors interjeté appel de cette décision, en articulant leur argumentation autour de l’irrégularité du jugement de première instance ainsi que sur le fond, en invoquant de multiples violations du code de l’urbanisme et du plan local d’urbanisme applicable. De leur côté, la commune et la société bénéficiaire du permis ont conclu au rejet de la requête. Saisie de ce litige, la cour était ainsi amenée à se demander si le permis de construire contesté était entaché d’illégalités de nature à justifier son annulation.

À cette question, la juridiction d’appel répond par la négative, en écartant méthodiquement chacun des moyens soulevés par les appelants. Après avoir confirmé la régularité du jugement rendu par les premiers juges, elle procède à une analyse détaillée de la légalité de l’acte administratif et conclut à sa conformité au droit. La cour juge notamment que ni l’existence d’un conflit d’intérêts, ni les insuffisances alléguées du dossier de demande, ni les risques prétendus pour la sécurité publique, ni les manquements aux règles locales d’urbanisme n’étaient caractérisés en l’espèce.

Cette décision illustre avec précision l’office du juge administratif dans son contrôle des autorisations d’urbanisme, en appliquant des principes bien établis à une situation factuelle complexe (I). Elle réaffirme dans le même temps les limites de ce contrôle, préservant ainsi la marge d’appréciation reconnue à l’administration dans ce domaine (II).

I. L’application rigoureuse du contrôle de légalité des autorisations d’urbanisme

La cour administrative d’appel exerce un contrôle approfondi de l’acte attaqué, en examinant d’une part les vices de procédure susceptibles de l’affecter (A) et d’autre part, en procédant à une analyse concrète de son respect des règles de fond (B).

A. La neutralisation des moyens de légalité externe

Les juges d’appel ont tout d’abord examiné les arguments des requérants relatifs à la procédure d’instruction du permis de construire. En premier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 422-7 du code de l’urbanisme, qui vise à prévenir les situations de conflit d’intérêts, est écarté. La cour considère que les circonstances invoquées « ne sont de nature à révéler l’existence d’une influence qui aurait été exercée par le représentant de la société pétitionnaire, également adjoint au maire, sur la maire de la commune, signataire de l’arrêté en litige ». Ce faisant, elle rappelle qu’une simple allégation ne suffit pas et que la preuve d’un intérêt personnel de nature à vicier la décision doit être rapportée pour que l’illégalité soit constituée.

En second lieu, la cour se penche sur la complétude du dossier de demande au regard de l’article R. 431-8 du code de l’urbanisme. Elle applique une jurisprudence constante en la matière, selon laquelle une irrégularité touchant à la composition du dossier de demande n’entraîne l’illégalité du permis que « dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l’appréciation portée par l’autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable ». En l’espèce, bien que la notice paysagère n’ait pas détaillé explicitement tous les partis d’insertion, la présence d’autres pièces graphiques et photographiques a été jugée suffisante pour permettre à l’administration d’apprécier correctement l’intégration du projet dans son environnement. Le contrôle se veut donc pragmatique et non formaliste.

B. L’examen concret du respect des règles de fond

Le contrôle de la cour ne s’est pas limité aux aspects formels et s’est étendu à une vérification minutieuse de l’application des règles substantielles d’urbanisme. L’arrêt se distingue par l’attention particulière portée aux questions de sécurité et d’accès, régies par l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme et l’article 3 UH du règlement du plan local d’urbanisme. La juridiction procède à une analyse très factuelle de la configuration des lieux, en relevant la distance précise entre le portail et la chaussée, l’existence d’une visibilité suffisante et la présence d’aménagements de sécurité. Elle s’appuie même sur les « outils de calcul librement accessibles au public » pour confirmer les dimensions, montrant une volonté de fonder sa décision sur des éléments objectifs et vérifiables.

De même, concernant la gestion des déchets, la cour interprète de manière stricte les dispositions de l’article 4 UH du plan local d’urbanisme. Elle juge qu’un « conteneur semi-enterré n’est pas assimilable à des conteneurs mobiles », seuls ces derniers étant soumis à l’obligation d’être « clos et couverts » lorsqu’ils sont implantés en bordure du domaine public. Cette distinction, fondée sur la nature technique de l’équipement, témoigne du niveau de précision que peut atteindre le juge dans l’interprétation des règlements locaux d’urbanisme, écartant ainsi une application trop extensive de la norme.

II. La confirmation de la marge d’appréciation de l’administration

Si le contrôle est approfondi, l’arrêt démontre que le juge se refuse à substituer sa propre appréciation à celle de l’autorité compétente, que ce soit en matière d’insertion architecturale (A) ou s’agissant des choix d’aménagement retenus pour le projet (B).

A. La retenue du juge face aux choix architecturaux

Le moyen tiré de la violation de l’article 11 UH, relatif à l’aspect extérieur des constructions, est également rejeté. Les requérants contestaient l’intégration d’un étage en attique, élément architectural absent des constructions voisines. La cour, après avoir relevé que le projet s’insérait « dans un quartier composé de bâtiments collectifs récents d’architecture contemporaine ne présentant pas d’homogénéité ou de cohérence particulière », considère que cette seule circonstance n’est pas suffisante pour caractériser une méconnaissance de la règle d’urbanisme.

Cette position illustre les limites du contrôle juridictionnel en matière d’esthétique et d’appréciation architecturale. Sauf à ce que le projet crée une rupture d’une particulière brutalité avec son environnement, le juge fait preuve de retenue et ne censure les choix de l’administration que dans l’hypothèse d’une erreur manifeste d’appréciation. L’opportunité d’une volumétrie ou d’un style architectural relève en principe du pouvoir discrétionnaire de l’administration, et l’arrêt confirme que la simple nouveauté d’un élément, tel un attique, n’est pas en soi constitutive d’une illégalité.

B. La validation des options d’aménagement du projet

Enfin, l’arrêt valide les solutions d’aménagement proposées par le pétitionnaire pour satisfaire aux exigences de stationnement fixées par l’article 12 UH du règlement. Les appelants mettaient en doute l’adéquation du nombre de places de stationnement allouées au local d’activité et contestaient la mutualisation du local à vélos entre les logements et les bureaux. La cour estime d’une part qu’il n’est pas démontré que les quatre places prévues pour les bureaux seraient insuffisantes et, d’autre part, elle interprète la notion d’emplacement « spécifique » pour les deux-roues comme imposant une simple distinction avec le stationnement automobile, et non une séparation obligatoire par usage.

Ce raisonnement confirme que le porteur de projet dispose d’une certaine latitude pour répondre aux objectifs réglementaires, dès lors que le minimum requis est respecté. Il appartient aux requérants de prouver que les besoins réels ne seraient manifestement pas satisfaits. En l’absence d’une telle démonstration, le juge s’en tient à une vérification du respect littéral de la règle, sans se transformer en autorité d’urbanisme qui redéfinirait l’économie générale du projet. La décision demeure ainsi un arrêt d’espèce, qui tranche un litige précis sans remettre en cause les grands équilibres du contrôle de la légalité des permis de construire.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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