Cour d’appel administrative de Lyon, le 9 janvier 2025, n°23LY03959

Par un arrêt en date du 9 janvier 2025, une cour administrative d’appel se prononce sur la légalité d’un certificat d’urbanisme opérationnel. En l’espèce, le maire d’une commune avait délivré un tel certificat pour autoriser la construction d’une maison individuelle sur une parcelle. Des voisins immédiats, exploitants agricoles, ont formé un recours gracieux en retrait de cet acte, qui fut implicitement rejeté. Ils ont alors saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d’une demande d’annulation du certificat et de la décision de rejet de leur recours gracieux. Par un jugement du 9 novembre 2023, le tribunal a rejeté leur demande. Les requérants ont interjeté appel de ce jugement. Devant la cour, la commune soulevait en défense une fin de non-recevoir tirée de la péremption du certificat, arguant que le litige était devenu sans objet, et contestait l’intérêt à agir des requérants. Les appelants soutenaient, quant à eux, l’irrégularité du certificat au motif, notamment, qu’il ne permettait pas d’identifier son signataire. Se posait ainsi la question de savoir si l’expiration des effets d’un certificat d’urbanisme prive d’objet un recours contentieux dirigé contre lui. En outre, il revenait aux juges de déterminer si l’absence des mentions relatives à l’identité de l’auteur d’un acte administratif constituait une illégalité de nature à justifier son annulation. La cour administrative d’appel répond par la négative à la première question et par l’affirmative à la seconde. Elle écarte la fin de non-recevoir tirée du non-lieu à statuer en précisant que l’expiration du certificat ne le rend pas caduc, puis elle annule le jugement et l’acte contesté pour un vice de forme, sans retenir les autres moyens soulevés.

L’arrêt permet de réaffirmer les conditions de recevabilité d’un recours pour excès de pouvoir (I), avant de prononcer une annulation dont la portée est précisément délimitée par le juge (II).

I. La réaffirmation des conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir

La cour examine classiquement la recevabilité du recours en confirmant d’abord que le litige conserve son objet malgré la fin de validité de l’acte contesté (A), puis en reconnaissant l’intérêt à agir des voisins immédiats du projet (B).

A. Le maintien de l’objet du litige malgré l’expiration du certificat d’urbanisme

La commune soutenait que le recours était devenu sans objet du fait de l’expiration du délai de validité de dix-huit mois du certificat d’urbanisme. En effet, durant cette période, le bénéficiaire est protégé contre les changements des règles d’urbanisme. La cour écarte ce moyen en opérant une distinction essentielle entre les effets créateurs de droits de l’acte et son existence juridique. Elle juge que les dispositions de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme « ont pour seul objet de limiter dans le temps les effets créateurs de droits du certificat d’urbanisme et non de le rendre caduc une fois que ces effets ont cessé ». Ainsi, la disparition des garanties offertes au pétitionnaire ne fait pas disparaître rétroactivement l’acte lui-même, qui demeure dans l’ordonnancement juridique tant qu’il n’est pas abrogé ou annulé. Le recours contentieux conserve donc un objet, car l’annulation éventuelle de l’acte a une portée propre, indépendante de la péremption de ses effets. Cette solution garantit le droit à un recours effectif contre les décisions administratives, même celles dont les effets sont limités dans le temps.

B. L’appréciation classique de l’intérêt à agir du voisin immédiat

La juridiction d’appel confirme également l’intérêt à agir des requérants pour contester le certificat d’urbanisme litigieux. Elle retient que ces derniers justifient être des « voisins immédiats de la parcelle d’assiette du projet ». De surcroît, ils font valoir les conséquences que la réalisation de ce projet pourrait engendrer sur leur exploitation agricole. Cette motivation, qui s’inscrit dans le courant jurisprudentiel habituel en matière de contentieux de l’urbanisme, réaffirme qu’un intérêt à agir est suffisamment caractérisé par une proximité géographique directe avec le projet et par l’existence d’un impact potentiel sur les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien du requérant. La qualité d’exploitant agricole voisin renforce ici la justification de cet intérêt, sans qu’il soit nécessaire de démontrer à ce stade la réalité et l’ampleur du préjudice allégué. La cour écarte donc logiquement la fin de non-recevoir opposée en défense par la commune.

II. L’annulation du certificat d’urbanisme fondée sur un vice de forme

Après avoir admis la recevabilité de la requête, la cour administrative d’appel annule l’acte en se fondant sur un unique moyen tiré d’un vice de forme (A), tout en prenant soin de préciser la portée de sa décision (B).

A. La sanction de la méconnaissance des règles d’identification de l’auteur de l’acte

L’annulation est prononcée au motif que le certificat d’urbanisme méconnaît les dispositions de l’article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration. Ce texte impose que toute décision administrative comporte la signature de son auteur ainsi que la mention de son prénom, de son nom et de sa qualité. Or, en l’espèce, l’acte litigieux ne satisfaisait pas à ces exigences. La cour relève que « Ni la signature manuscrite ni aucune autre mention de ce certificat ne permettent par ailleurs d’identifier la personne qui en est effectivement l’auteur ». Ce vice de forme substantiel porte atteinte à la transparence administrative et à la sécurité juridique, car il ne permet pas au destinataire de s’assurer de la compétence du signataire. Le juge en tire la conséquence que ce seul motif suffit à justifier l’annulation de l’acte. Cette décision rappelle l’importance que la jurisprudence attache au respect des formalités qui garantissent la traçabilité et la validité des décisions prises par l’administration.

B. La portée limitée de l’annulation en application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme

Faisant application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, le juge administratif, lorsqu’il annule une autorisation d’urbanisme, doit examiner l’ensemble des moyens soulevés. Dans cette affaire, la cour précise qu’« aucun autre moyen n’est susceptible de fonder l’annulation du certificat contesté ». Cette mention est déterminante quant à la portée de l’arrêt. Elle signifie que les autres arguments des requérants, notamment ceux relatifs au non-respect des règles de distance avec les bâtiments agricoles, n’ont pas été jugés fondés. L’annulation repose donc exclusivement sur un vice de procédure qui pourra être aisément régularisé par la commune. Par conséquent, la censure de l’acte n’implique pas une remise en cause du projet de construction sur le fond. Cette approche pragmatique, encouragée par le législateur, vise à ne pas paralyser les projets pour des illégalités purement formelles, tout en sanctionnant le manquement de l’administration à ses obligations.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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