Par un arrêt en date du 26 mars 2025, la cour administrative d’appel de Lyon a été amenée à se prononcer sur les conséquences procédurales d’un désistement en cours d’instance. En l’espèce, une société s’était vu délivrer par l’autorité préfectorale un arrêté d’enregistrement pour une installation de stockage de déchets inertes. Une commune ainsi qu’une association de riverains ont saisi le tribunal administratif de Lyon afin d’obtenir l’annulation de cette décision administrative. Par un jugement du 17 mai 2023, les premiers juges ont fait droit à leur demande en annulant l’arrêté contesté. La société exploitante a alors interjeté appel de ce jugement. Cependant, en cours de procédure d’appel, la société requérante a déposé un mémoire déclarant se désister de son action et de son instance. Les intimés, pour leur part, ont persisté dans leurs écritures et ont formulé des conclusions incidentes tendant à ce qu’une injonction de remise en état du site soit prononcée. Se posait dès lors à la cour la question des effets juridiques d’un désistement d’instance sur le jugement de première instance ainsi que sur les conclusions accessoires présentées par les autres parties au litige. La cour administrative d’appel donne acte du désistement, ce qui a pour effet de clore l’instance et de rendre définitive l’annulation prononcée par le tribunal administratif. Elle rejette par conséquent les conclusions à fin d’injonction, mais condamne néanmoins la société qui se désiste au paiement des frais de justice.
La décision de la cour administrative d’appel met en lumière la mécanique procédurale du désistement, qui constitue une cause d’extinction de l’instance d’appel (I), tout en délimitant précisément l’office du juge quant au règlement des demandes accessoires qui subsistent (II).
I. Le désistement, cause d’extinction de l’instance d’appel
Le désistement de la société requérante, par sa nature inconditionnelle, a emporté des conséquences radicales sur la poursuite de la procédure. La cour n’a pu que constater le caractère pur et simple de cet acte (A), ce qui a eu pour effet direct de conférer un caractère définitif au jugement de première instance (B).
A. Le caractère inconditionnel d’un désistement pur et simple
L’acte par lequel une partie renonce à son action ou à son instance obéit à un régime juridique bien établi, que la cour applique ici sans équivoque. En l’espèce, la société appelante a déclaré « se désister de son action et de l’instance ». La cour relève que ce désistement est « pur et simple », ce qui signifie qu’il n’est assorti d’aucune condition ou réserve qui nécessiterait l’accord des autres parties. Face à un tel acte unilatéral, le juge n’a d’autre pouvoir que d’en prendre acte, ainsi que le formule la décision : « rien ne s’oppose à ce qu’il leur en soit donné acte ». Cette formule consacre le caractère non discrétionnaire de la compétence du juge en la matière. Le désistement opère ainsi comme un mécanisme extinctif automatique qui met un terme immédiat aux débats sur le fond du droit. L’instance d’appel se trouve donc privée de son objet principal, qui était d’examiner la régularité et le bien-fondé du jugement ayant annulé l’autorisation d’exploiter.
B. La finalisation induite du jugement de première instance
La conséquence principale et logique du désistement d’instance est de rendre irrévocable la décision qui avait fait l’objet de l’appel. En renonçant à contester le jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 mai 2023, la société exploitante a accepté que celui-ci acquière l’autorité de la chose jugée. L’annulation de l’arrêté préfectoral du 5 octobre 2021 est donc devenue définitive. L’arrêt de la cour administrative d’appel, bien qu’il ne statue pas sur les moyens de légalité qui avaient été soulevés, confirme matériellement la disparition de l’acte administratif autorisant l’installation classée. Le désistement met ainsi un point final au litige quant à la légalité de l’autorisation, et la situation juridique des parties est consolidée sur la base de la solution dégagée par les premiers juges. Cette issue procédurale scelle le sort du projet en l’état, sans que le juge d’appel ait eu à se prononcer sur sa compatibilité avec les règles environnementales.
Si le désistement clôt le débat au principal, il laisse néanmoins en suspens le sort des prétentions accessoires formulées par les intimés, sur lesquelles la cour devait encore statuer.
II. La portée limitée de l’office du juge sur les conclusions accessoires
L’extinction de l’instance principale ne prive pas le juge de sa compétence pour statuer sur les demandes qui en sont le corollaire. La cour se penche ainsi sur les conclusions à fin d’injonction, qu’elle écarte en raison de l’absence de lien de nécessité avec l’annulation (A), tout en faisant une juste application des règles relatives à l’imputation des frais de procès (B).
A. Le rejet des conclusions incidentes à fin d’injonction
Les intimés avaient profité de l’instance pour demander à la cour d’enjoindre à l’administration de prescrire la remise en état du site. La cour rejette cette demande au motif que « l’annulation de l’arrêté du 5 octobre 2021 prononcée par le tribunal administratif de Lyon n’implique pas (…) qu’il soit enjoint à la préfète de l’Ain d’ordonner la remise en état des sites ». Ce faisant, elle rappelle une règle fondamentale du contentieux administratif : une mesure d’injonction n’est prononcée que si elle constitue une mesure d’exécution nécessaire de la décision d’annulation. Or, en l’espèce, l’annulation de l’arrêté d’enregistrement ne commande pas automatiquement une obligation de remise en état de parcelles anciennement exploitées par d’autres entités. Le lien de causalité juridique n’est pas suffisamment établi pour justifier une telle injonction dans le cadre de cette instance. Le rejet n’est donc pas fondé sur l’irrecevabilité due au désistement, mais sur une appréciation au fond de la portée de l’annulation.
B. L’imputation justifiée des frais irrépétibles
Enfin, la question des frais liés au litige devait être tranchée. En application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour condamne la société qui se désiste à verser une somme à la commune et à l’association. Cette décision est parfaitement orthodoxe. En matière de désistement, la partie qui renonce à son recours est considérée comme la partie perdante pour les besoins de l’imputation des frais non compris dans les dépens. L’instance ayant été engagée par son appel, il est équitable qu’elle supporte les frais que les intimés ont dû exposer pour se défendre. La cour rappelle ainsi que si le désistement met fin au débat sur la légalité, il n’efface pas les conséquences financières de l’action en justice engagée. Le juge conserve donc son office pour régler cette dernière facette du litige, assurant ainsi un traitement complet des suites de la procédure.