Tribunal judiciaire de Metz, le 19 juin 2025, n°23/02162
Par un jugement du Tribunal judiciaire de Metz du 19 juin 2025, il a été statué sur les suites d’une vente d’un lot soumis au statut de la copropriété, dont la superficie privative mentionnée à l’acte incluait des combles ultérieurement réputés non aménageables. Les acquéreurs, après une mesure amiable puis une expertise judiciaire, ont fait valoir un déficit de superficie de 16,54 m² au regard de la mention portée, et ont sollicité une réduction du prix ainsi que des dommages-intérêts de jouissance. Le vendeur a opposé l’exclusivité de l’article 46 de la loi du 10 juillet 1965, a contesté le cumul de demandes et a appelé en garantie le professionnel du mesurage. Le mesureur a soutenu que la réduction de prix n’ouvrait pas droit à garantie, sauf perte de chance précisément alléguée et prouvée.
La juridiction a d’abord rappelé le pouvoir de qualification et de recherche du fondement légal pertinent, puis a appliqué le régime spécial de l’article 46 de la loi de 1965. Constatant une superficie réelle de 98,15 m², elle a prononcé une réduction du prix de 35 332,58 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’acte authentique, a rejeté la demande d’indemnité de jouissance et a débouté l’appel en garantie exercé contre le mesureur. L’arrêt s’inscrit ainsi dans une ligne jurisprudentielle constante, dont il affine la portée pratique en matière de non-cumul et d’actions récursoires. Il convient d’examiner successivement le rappel de la primauté du régime spécial et la mise en œuvre de la réduction, puis les incidences sur les demandes accessoires et l’appel en garantie.
I. Primauté du régime spécial de l’article 46 et réduction proportionnelle
A. L’exclusivité du fondement spécial en cas de déficit de superficie
Le jugement retient avec netteté la règle d’exclusivité, en se référant à la jurisprudence de la Cour de cassation. Il cite la formule suivante: « Lorsque l’acquéreur d’un lot de copropriété agit contre le vendeur en invoquant un déficit de superficie, son action est régie exclusivement par les dispositions de l’art. 46 de la L. du 10 juill. 1965 et la demande fondée sur l’art. 1604 C. civ. doit être rejetée » (Civ. 3e, 26 nov. 2015, n° 14-14.778). Le choix de ce fondement répond au caractère d’ordre public du statut de la copropriété et au principe lex specialis. Il est, en outre, conforté par l’office du juge tel que rappelé, y compris « au besoin d’office », lorsque la règle applicable commande la solution.
La juridiction écarte l’argument tenant à la délivrance non conforme d’espaces prétendument aménageables, faute d’usage spécifique contractuellement intégré et connu du vendeur. Elle en déduit, avec mesure, que l’insuffisance de superficie ne compromettait pas l’usage d’habitation, et qu’aucune stipulation particulière n’intégrait l’aménagement des combles dans le champ contractuel. Cette motivation ménage l’exception admise de longue date, sans l’étendre au-delà de ses conditions rigoureuses, lesquelles supposent une démonstration probante de l’engagement sur un usage déterminé.
B. La mise en œuvre de la diminution: seuil, calcul et intérêts
L’application concrète procède de la lettre de la loi: « Si la superficie est inférieure de plus d’un vingtième à celle exprimée dans l’acte, le vendeur, à la demande de l’acquéreur, supporte une diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure » (L. 10 juill. 1965, art. 46). Le rapport d’expertise judiciaire fixe la superficie privative à 98,15 m², contre 114,69 m² dans l’acte, soit un écart de 14,4 % franchissant le seuil d’un vingtième. Le tribunal accorde, en conséquence, une réduction de 35 332,58 euros, calculée de manière proportionnelle et non contestée dans sa méthode.
Le point de départ des intérêts au taux légal est fixé à la date de l’acte authentique, en cohérence avec la nature restitutoire de la réduction, laquelle reconstitue le juste prix initial. Cette solution, qui respecte l’équivalence économique, n’ouvre pas à elle seule un débat indemnitaire autonome. La question du délai de déchéance annuel de l’action, évoquée par le texte, n’est pas discutée, ce qui révèle l’économie contentieuse adoptée et le périmètre de l’office du juge dans le cadre des moyens effectivement débattus. La première partie ainsi fixée, l’articulation avec les demandes accessoires commande d’examiner la portée du non-cumul et la responsabilité du mesureur.
II. Effets sur les demandes accessoires et responsabilités périphériques
A. Le non-cumul avec une indemnité de jouissance
Le tribunal rejette la demande de dommages-intérêts de jouissance. Il estime, à juste titre, que la réduction proportionnelle rétablit l’équilibre contractuel et exclut la double réparation au titre du même déficit de superficie. L’examen des tracasseries liées à l’empiètement ne modifie pas l’analyse, la régularisation opérée et l’absence de preuve d’un préjudice distinct fermant la voie indemnitaire. La décision se situe dans une logique de stricte équivalence, où la reconstitution du juste prix lasse la place à un éventuel préjudice autonome seulement s’il est différent, certain et distinct.
Cette rigueur prévient les cumuls redondants et préserve l’économie du régime spécial. Elle répond au souci d’éviter que la minoration du prix, qui corrige le quantum, ne se transforme en vecteur d’enrichissement non justifié. Elle ménage néanmoins, en théorie, l’hypothèse d’un préjudice qualitativement autre, dûment démontré, que la présente espèce ne caractérisait pas.
B. L’appel en garantie contre le mesureur: faute établie, préjudice non démontré
S’agissant du recours contre le professionnel du mesurage, la juridiction applique une ligne jurisprudentielle constante. Elle rappelle que « la diminution de prix résultant de l’art. 46 ne constitue pas par elle-même un préjudice indemnisable » (Civ. 3e, 4 janv. 2006, n° 04-15.922), la réduction ramenant le prix au montant correspondant à la superficie réelle. En revanche, « le vendeur peut se prévaloir […] d’une perte de chance de vendre son bien au même prix pour une surface moindre » (Civ. 3e, 28 janv. 2015, n° 13-27.397), sous réserve d’allégation et de preuve précises.
En l’espèce, la faute du mesureur est constatée, mais le vendeur n’allègue ni ne prouve une perte de chance distincte. Faute de préjudice juridiquement indemnisable, l’appel en garantie est rejeté. La solution, équilibrée, ménage la responsabilité contractuelle du mesureur lorsque le vendeur démontre que l’erreur l’a privé d’une véritable marge de négociation, sans faire de la réduction de prix, par nature restitutoire, un dommage répercutable. Elle incite, en pratique, à formuler des prétentions adaptées et à documenter le choc concurrentiel propre à la vente.
Ainsi, le jugement confirme la force normative du régime spécial de l’article 46, organise la réparation selon une logique d’équivalence et circonscrit, avec constance, les voies de recours périphériques aux seuls préjudices véritablement distincts et démontrés.
Par un jugement du Tribunal judiciaire de Metz du 19 juin 2025, il a été statué sur les suites d’une vente d’un lot soumis au statut de la copropriété, dont la superficie privative mentionnée à l’acte incluait des combles ultérieurement réputés non aménageables. Les acquéreurs, après une mesure amiable puis une expertise judiciaire, ont fait valoir un déficit de superficie de 16,54 m² au regard de la mention portée, et ont sollicité une réduction du prix ainsi que des dommages-intérêts de jouissance. Le vendeur a opposé l’exclusivité de l’article 46 de la loi du 10 juillet 1965, a contesté le cumul de demandes et a appelé en garantie le professionnel du mesurage. Le mesureur a soutenu que la réduction de prix n’ouvrait pas droit à garantie, sauf perte de chance précisément alléguée et prouvée.
La juridiction a d’abord rappelé le pouvoir de qualification et de recherche du fondement légal pertinent, puis a appliqué le régime spécial de l’article 46 de la loi de 1965. Constatant une superficie réelle de 98,15 m², elle a prononcé une réduction du prix de 35 332,58 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’acte authentique, a rejeté la demande d’indemnité de jouissance et a débouté l’appel en garantie exercé contre le mesureur. L’arrêt s’inscrit ainsi dans une ligne jurisprudentielle constante, dont il affine la portée pratique en matière de non-cumul et d’actions récursoires. Il convient d’examiner successivement le rappel de la primauté du régime spécial et la mise en œuvre de la réduction, puis les incidences sur les demandes accessoires et l’appel en garantie.
I. Primauté du régime spécial de l’article 46 et réduction proportionnelle
A. L’exclusivité du fondement spécial en cas de déficit de superficie
Le jugement retient avec netteté la règle d’exclusivité, en se référant à la jurisprudence de la Cour de cassation. Il cite la formule suivante: « Lorsque l’acquéreur d’un lot de copropriété agit contre le vendeur en invoquant un déficit de superficie, son action est régie exclusivement par les dispositions de l’art. 46 de la L. du 10 juill. 1965 et la demande fondée sur l’art. 1604 C. civ. doit être rejetée » (Civ. 3e, 26 nov. 2015, n° 14-14.778). Le choix de ce fondement répond au caractère d’ordre public du statut de la copropriété et au principe lex specialis. Il est, en outre, conforté par l’office du juge tel que rappelé, y compris « au besoin d’office », lorsque la règle applicable commande la solution.
La juridiction écarte l’argument tenant à la délivrance non conforme d’espaces prétendument aménageables, faute d’usage spécifique contractuellement intégré et connu du vendeur. Elle en déduit, avec mesure, que l’insuffisance de superficie ne compromettait pas l’usage d’habitation, et qu’aucune stipulation particulière n’intégrait l’aménagement des combles dans le champ contractuel. Cette motivation ménage l’exception admise de longue date, sans l’étendre au-delà de ses conditions rigoureuses, lesquelles supposent une démonstration probante de l’engagement sur un usage déterminé.
B. La mise en œuvre de la diminution: seuil, calcul et intérêts
L’application concrète procède de la lettre de la loi: « Si la superficie est inférieure de plus d’un vingtième à celle exprimée dans l’acte, le vendeur, à la demande de l’acquéreur, supporte une diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure » (L. 10 juill. 1965, art. 46). Le rapport d’expertise judiciaire fixe la superficie privative à 98,15 m², contre 114,69 m² dans l’acte, soit un écart de 14,4 % franchissant le seuil d’un vingtième. Le tribunal accorde, en conséquence, une réduction de 35 332,58 euros, calculée de manière proportionnelle et non contestée dans sa méthode.
Le point de départ des intérêts au taux légal est fixé à la date de l’acte authentique, en cohérence avec la nature restitutoire de la réduction, laquelle reconstitue le juste prix initial. Cette solution, qui respecte l’équivalence économique, n’ouvre pas à elle seule un débat indemnitaire autonome. La question du délai de déchéance annuel de l’action, évoquée par le texte, n’est pas discutée, ce qui révèle l’économie contentieuse adoptée et le périmètre de l’office du juge dans le cadre des moyens effectivement débattus. La première partie ainsi fixée, l’articulation avec les demandes accessoires commande d’examiner la portée du non-cumul et la responsabilité du mesureur.
II. Effets sur les demandes accessoires et responsabilités périphériques
A. Le non-cumul avec une indemnité de jouissance
Le tribunal rejette la demande de dommages-intérêts de jouissance. Il estime, à juste titre, que la réduction proportionnelle rétablit l’équilibre contractuel et exclut la double réparation au titre du même déficit de superficie. L’examen des tracasseries liées à l’empiètement ne modifie pas l’analyse, la régularisation opérée et l’absence de preuve d’un préjudice distinct fermant la voie indemnitaire. La décision se situe dans une logique de stricte équivalence, où la reconstitution du juste prix lasse la place à un éventuel préjudice autonome seulement s’il est différent, certain et distinct.
Cette rigueur prévient les cumuls redondants et préserve l’économie du régime spécial. Elle répond au souci d’éviter que la minoration du prix, qui corrige le quantum, ne se transforme en vecteur d’enrichissement non justifié. Elle ménage néanmoins, en théorie, l’hypothèse d’un préjudice qualitativement autre, dûment démontré, que la présente espèce ne caractérisait pas.
B. L’appel en garantie contre le mesureur: faute établie, préjudice non démontré
S’agissant du recours contre le professionnel du mesurage, la juridiction applique une ligne jurisprudentielle constante. Elle rappelle que « la diminution de prix résultant de l’art. 46 ne constitue pas par elle-même un préjudice indemnisable » (Civ. 3e, 4 janv. 2006, n° 04-15.922), la réduction ramenant le prix au montant correspondant à la superficie réelle. En revanche, « le vendeur peut se prévaloir […] d’une perte de chance de vendre son bien au même prix pour une surface moindre » (Civ. 3e, 28 janv. 2015, n° 13-27.397), sous réserve d’allégation et de preuve précises.
En l’espèce, la faute du mesureur est constatée, mais le vendeur n’allègue ni ne prouve une perte de chance distincte. Faute de préjudice juridiquement indemnisable, l’appel en garantie est rejeté. La solution, équilibrée, ménage la responsabilité contractuelle du mesureur lorsque le vendeur démontre que l’erreur l’a privé d’une véritable marge de négociation, sans faire de la réduction de prix, par nature restitutoire, un dommage répercutable. Elle incite, en pratique, à formuler des prétentions adaptées et à documenter le choc concurrentiel propre à la vente.
Ainsi, le jugement confirme la force normative du régime spécial de l’article 46, organise la réparation selon une logique d’équivalence et circonscrit, avec constance, les voies de recours périphériques aux seuls préjudices véritablement distincts et démontrés.