Cour d’appel de Besançon, le 5 août 2025, n°24/00862

Cour d’appel de Besançon, 5 août 2025, 1re chambre civile et commerciale, sur une vente photovoltaïque conclue hors établissement et financée par crédit affecté. Un consommateur, démarché à domicile, a souscrit une commande et une offre de prêt le même jour, puis a soldé par anticipation son crédit. Le vendeur a été rapidement placé en liquidation judiciaire. Le premier juge a déclaré prescrites les nullités et rejeté le dol; l’appel a porté sur la prescription, la conformité formelle du bon de commande et la responsabilité du prêteur lors du déblocage des fonds. La cour reconnaît la recevabilité malgré la procédure collective, écarte le dol, constate la nullité de la vente pour manquement au formalisme, annule par conséquence le crédit, et condamne le prêteur à restituer le capital et les frais.

I – La solution retenue en matière de recevabilité et de nullité formelle

A – Le point de départ de la prescription en matière de formalisme hors établissement
La cour retient le critère de la connaissance effective, conformément à l’article 2224 du code civil. Elle affirme que « la reproduction, même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d’avoir une connaissance effective du vice résultant de l’inobservation de ces dispositions ». Faute d’éléments établissant une connaissance utile au jour de la souscription, la fin de non-recevoir ne pouvait prospérer. D’où la formule, décisive, selon laquelle « la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action en nullité fondée sur les dispositions du code de la consommation doit donc être écartée et le jugement entrepris sera infirmé sur ce point ».

B – L’absence de dol et la sanction de l’insuffisance des mentions essentielles
Le dol allégué, centré sur la promesse de rentabilité, n’est pas caractérisé, faute d’intégration de cette rentabilité au champ contractuel et de manœuvres ou mensonges prouvés. La cour tranche nettement: « Aucun vice du consentement n’est donc caractérisé ». L’examen du bon de commande révèle cependant une carence déterminante sur les caractéristiques du bien. La cour relève que « si le bon de commande litigieux mentionne les modalités de financement de l’installation ainsi que le délai de livraison, il ne comporte aucune information concernant le nombre de panneaux photovoltaïques et leur marque ». Elle conclut logiquement que « il en résulte que les caractéristiques essentielles de ceux-ci ne sont pas précisées, en violation des dispositions susvisées ». La conséquence est immédiate et rétroactive: « après infirmation du jugement dont appel sur ce point, le contrat de vente, de même que le contrat de crédit affecté par voie de conséquence, seront donc annulés ».

II – Portée et valeur de la décision

A – Le contrôle attendu du prêteur et la privation de son droit à restitution
La cour réaffirme un devoir de vérification préalable, au moins formelle, du contrat principal par le prêteur professionnel dans le schéma du crédit affecté. Elle énonce que « le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute ». La production d’une attestation de fin de travaux ne purge pas ce défaut de contrôle, la cour précisant que « la banque ne saurait valablement invoquer l’attestation de fin de travaux ou la demande de paiement, ne valant pas confirmation de la nullité litigieuse et qui n’était pas de nature à écarter la caractérisation de cette faute alors que la régularité du bon de commande et la bonne exécution des travaux sont indépendants ». Le raisonnement articule ainsi faute du prêteur, préjudice né de l’insolvabilité du vendeur et privation corrélative du droit à restitution du capital.

B – Conséquences pratiques, équilibre des intérêts et perspectives
La solution ordonne efficacement les restitutions: nullité de la vente et du crédit, restitution au consommateur du capital et des frais, enlèvement de l’installation et remise en état mis à la charge de la liquidation du vendeur. L’argument tiré de la procédure collective est justement cantonné, la demande en nullité n’étant pas une poursuite au sens de l’arrêt des poursuites. Le refus d’indemniser un préjudice moral non caractérisé manifeste un souci de proportion, tandis que la demande du prêteur de fixation au passif est écartée, la charge procédant de sa propre faute. L’arrêt consolide une ligne jurisprudentielle protectrice, sans excès: la rigueur formelle est assumée, mais la répression du dol demeure probatoire et mesurée. Les établissements de crédit sont incités à un contrôle documentaire rigoureux des contrats conclus hors établissement, au-delà des apparences d’exécution, afin de prévenir la perte de leur créance de restitution. Pour les opérations d’autoconsommation ou de rénovation énergétique, la portée est significative: la traçabilité des caractéristiques essentielles et des documents déclencheurs des fonds devient un enjeu central de conformité et de risque.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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