Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 19 juin 2025, n°22/00375

Par un arrêt du 19 juin 2025, la cour d’appel d’Aix-en-Provence statue sur la validité d’une opposition au prix de cession d’un lot de copropriété. Un copropriétaire a vendu son lot en septembre 2020; le syndic, faute de certificat, a opposé le prix sur le fondement de l’article 20 I. Le premier juge a validé l’opposition et ordonné la libération des sommes au profit du syndicat, en condamnant le vendeur aux frais irrépétibles et aux dépens. L’appelant conteste les montants réclamés, invoque des erreurs comptables, la prescription, l’illégalité de frais de pré‑états datés et la mise hors de cause du syndic sortant.

La décision précise le cadre de l’opposition et les exigences probatoires attachées aux créances de charges approuvées. Elle tranche, ensuite, l’étendue des sommes recouvrables en excluant un reliquat ancien non justifié et les frais de pré‑états, tout en confirmant la validité de l’opposition. La formule est nette lorsqu’elle rappelle que « cette opposition contient élection de domicile (…) et, à peine de nullité, énonce le montant et les causes de la créance ». La cour ajoute que « l’opposition régulière vaut au profit du syndicat mise en oeuvre de l’hypothèque légale mentionnée à l’article 19-1 », ce qui confère à l’acte une portée conservatoire déterminante.

I. Le régime de l’opposition au prix et la preuve des créances

A. Régularité de l’opposition et périmètre des textes applicables
La cour d’appel écarte d’abord toute confusion procédurale en relevant que « la présente procédure n’est pas une procédure de référé », de sorte que les arguments tirés de l’article 835 du code de procédure civile sont sans emprise. Le contrôle de régularité mobilise l’article 20 I de la loi du 10 juillet 1965 et son décret d’application, dont le rappel figure expressément dans l’arrêt: « l’opposition éventuellement formée par le syndic doit énoncer d’une manière précise: 1° le montant et les causes des créances (…) ». L’acte signifié dans les quinze jours, ventilant les postes selon les rubriques légales, satisfait à ces exigences formelles, ce qui emporte maintien de son efficacité conservatoire jusqu’à fixation des sommes dues.

La mise hors de cause du syndic sortant est, par ailleurs, ordonnée au visa de la qualité pour représenter le syndicat, à la suite de la désignation du nouveau mandataire. La solution est conforme à l’article 18 de la loi de 1965 et à l’économie de la représentation en justice du syndicat. Elle recentre le débat sur la dette de charges, l’opposition valant instrument de garantie à hauteur du montant énoncé seulement.

B. Créances « certaines, liquides et exigibles » et approbation des comptes
Sur le fond, la cour rappelle que, « en application de ces dispositions, l’approbation des comptes du syndic par l’assemblée générale rend certaine, liquide et exigible la créance du syndicat ». Les procès‑verbaux produits couvrent les exercices 2013 à 2020, de sorte que les provisions et dépenses pour travaux deviennent exigibles selon les modalités votées. La charge de la preuve pèse sur le syndicat, l’arrêt retenant, dans les termes constants, qu’« il appartient au syndicat des copropriétaires de prouver que le copropriétaire est redevable de la somme réclamée dans sa totalité ».

Les critiques d’erreurs comptables sont jugées inopérantes, faute d’éléments probants, dès lors que les comptes ont été approuvés après l’administration provisoire et que les appels de fonds, relevés des dépenses et décomptes individuels sont versés. L’opposition est donc valable dans son principe, la discussion se déplaçant sur la consistance exacte des postes annoncés et la justification de certains reliquats anciens.

II. La délimitation des sommes recouvrables: prescription et postes exclus

A. Prescription quinquennale et articulation transitoire
L’arrêt adopte la grille issue de la modification de l’article 42 de la loi de 1965, renvoyant à l’article 2224 du code civil. Il est rappelé que « ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ». Le décompte couvre la période ouverte le 27 août 2013; l’opposition date du 8 octobre 2020; le point de départ transitoire court depuis le 24 novembre 2018.

Dans ce cadre, la cour retient que « force est de constater que ces sommes ne sont donc pas prescrites ». La solution est conforme à la lettre des dispositions transitoires et à la finalité d’un délai abrégé, qui n’efface pas rétroactivement les créances approuvées si l’action intervient dans les bornes cumulatives de cinq et dix ans. Elle assure la sécurité des budgets votés, tout en réservant la preuve précise de chaque ligne du décompte individuel.

B. Exclusion du reliquat non justifié et des pré‑états datés
Le contrôle de la certitude et de la liquidité conduit à retrancher les montants dépourvus de justification. L’arrêt énonce que « cependant le solde restant dû de 808,20 euros, au 27 août 2013, (…) n’est pas justifié ». La motivation souligne l’absence d’explication « sur les modalités de calcul de ce reliquat », ce qui « revient à considérer que cette somme (…) ne peut être analysée comme une créance certaine, liquide et exigible ». L’exclusion sanctionne une carence probatoire ciblée, sans remettre en cause le reste des postes régulièrement établis.

S’agissant des frais annexes, la cour distingue nettement l’état daté du « pré‑état daté ». Elle juge que « par conséquent l’état daté (…) 380 euros, est conforme », tandis que « la facturation des “pré états datés” n’est pas justifiée ». Le raisonnement s’appuie sur l’article 10‑1 b) de la loi de 1965 et sur l’article L. 721‑2 du code de la construction et de l’habitation, lesquels ne confèrent d’existence qu’à l’état daté réglementé. La portée pratique est notable: la décision valide les frais strictement prévus par les textes, mais exclut les prestations préalables non légales, ici chiffrées à 904 euros.

Au terme de ces retranchements, « la créance du syndicat des copropriétaires apparaît justifiée dans son ensemble, excepté pour les montants susvisés ». Le solde recouvrable est fixé à 666,19 euros, la différence de 1 712,20 euros devant être libérée au profit du vendeur. La solution concilie l’efficacité de l’opposition et l’exigence de traçabilité comptable, tout en réaffirmant que seules les charges légalement prévues, approuvées et précisément justifiées peuvent être retenues contre le prix.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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