Par une décision rendue le 15 mai 2025, la Cour administrative d’appel s’est prononcée sur la légalité d’un refus de permis de construire opposé par un maire. En l’espèce, le propriétaire d’un restaurant avait sollicité une autorisation d’urbanisme en vue de réaliser une extension et de procéder à la mise en conformité de son établissement. L’autorité municipale a rejeté cette demande par un arrêté en date du 12 octobre 2020. Le pétitionnaire a alors saisi le tribunal administratif de Melun, qui a confirmé la décision de refus par un jugement du 7 mars 2023. Le requérant a interjeté appel de ce jugement, contestant la régularité de la procédure suivie ainsi que le bien-fondé des motifs de refus qui lui étaient opposés. Le litige soulevait principalement la question de l’incidence d’un vice de procédure sur la légalité d’une décision administrative lorsque celle-ci repose sur plusieurs motifs distincts, ainsi que la portée de l’avis défavorable émis par une commission spécialisée lorsque cet avis est réputé conforme. La Cour administrative d’appel rejette la requête, considérant que si une irrégularité procédurale était bien avérée, elle était sans influence sur le sens de la décision contestée, laquelle demeurait légalement justifiée par d’autres motifs de fond, en particulier l’avis contraignant de la commission d’accessibilité. Cette décision illustre la capacité de l’administration à sécuriser ses décisions par une motivation plurielle, tout en réaffirmant la force obligatoire attachée aux prescriptions techniques en matière de sécurité et d’accessibilité.
I. La neutralisation d’un vice de procédure par la pluralité des motifs
L’arrêt commenté met en lumière la manière dont le juge administratif apprécie la légalité d’une décision administrative reposant sur une motivation multiple. Il admet qu’une irrégularité dans la phase d’instruction, bien que caractérisée, peut être privée de toute portée contentieuse (A), tout en validant par ailleurs la compétence des autorités consultées (B).
A. Le vice de procédure reconnu mais jugé inopérant
La Cour relève une méconnaissance par les services municipaux des dispositions réglementaires encadrant l’instruction des demandes de permis de construire. En effet, alors que l’architecte des Bâtiments de France avait signalé que le dossier était incomplet, l’autorité compétente n’a pas formellement invité le pétitionnaire à fournir les pièces manquantes, comme l’exigent les articles R. 423-38 et R. 423-39 du code de l’urbanisme. Le juge constate que le service instructeur « a ainsi méconnu les dispositions des articles R. 423-38 et R. 423-39 du code de l’urbanisme ». Néanmoins, cette irrégularité est immédiatement écartée comme n’étant pas de nature à entraîner l’annulation de la décision. La Cour observe que le pétitionnaire a spontanément transmis les pièces nécessaires et, surtout, que le refus du maire était également fondé sur un autre motif, autonome et suffisant, tiré de l’avis défavorable de la commission de sécurité et d’accessibilité. Cette approche pragmatique, qui s’apparente à une neutralisation des moyens, permet au juge de ne pas sanctionner un vice qui, en définitive, n’a pas exercé d’influence sur la solution retenue, l’administration étant tenue par ailleurs de refuser l’autorisation.
B. La consultation obligatoire de l’architecte des Bâtiments de France
Le requérant contestait le principe même de la consultation de l’architecte des Bâtiments de France, arguant de l’absence de covisibilité entre son projet et le monument historique voisin. La Cour rejette fermement cet argument en se fondant sur les documents d’urbanisme de la commune. Elle relève que « le terrain d’assiette du projet est situé dans le périmètre de protection créé par la commune ». Dès lors que le projet se situe dans un tel périmètre délimité, la consultation de l’architecte des Bâtiments de France devient une obligation procédurale qui s’impose à l’autorité compétente, indépendamment de toute considération de visibilité directe. Le juge confirme ainsi que le maire n’a commis aucune erreur en saisissant ce service, dont la compétence est déterminée par la seule localisation du projet à l’intérieur d’un périmètre de protection officiellement institué. Cette précision réaffirme que les règles de procédure en matière d’urbanisme et de protection du patrimoine s’appliquent de manière objective, en fonction du zonage et des servitudes en vigueur.
II. La force contraignante des normes techniques et des avis conformes
Au-delà des aspects procéduraux, l’arrêt se distingue par la rigueur avec laquelle il examine les motifs de fond du refus, réaffirmant la primauté des normes techniques d’accessibilité (A) et la portée décisoire d’un avis conforme défavorable (B).
A. L’application stricte des règles d’accessibilité
Le cœur du litige portait sur la conformité des aménagements prévus pour l’accès des personnes handicapées. Le requérant contestait l’analyse de la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité, notamment sur l’inclinaison de la rampe d’accès. La Cour procède à un examen minutieux des faits et des normes applicables. Elle constate que, même en retenant les dimensions les plus favorables au pétitionnaire, la pente de la rampe excédait très largement le maximum autorisé par la réglementation. Elle juge ainsi que « si la commission a retenu, à tort, une inclinaison de 24 %, une telle erreur n’est pas de nature à emporter l’illégalité de la décision en litige dès lors que, en tout état de cause, l’inclinaison de la rampe d’accès est supérieure au maximum autorisé ». Cette substitution de motifs au sein même du raisonnement technique démontre une volonté du juge de s’attacher à la réalité matérielle de la non-conformité plutôt qu’aux éventuelles erreurs de calcul de l’administration. La Cour confirme par ailleurs l’existence de ressauts non conformes, faute pour le requérant d’apporter la preuve contraire, appliquant ainsi sans détour les exigences de l’arrêté du 8 décembre 2014.
B. L’effet liant de l’avis défavorable de la commission
La conséquence juridique de cette non-conformité est déterminante. La Cour rappelle que, s’agissant des dérogations aux règles d’accessibilité, l’avis de la commission consultative départementale est un avis conforme. En l’espèce, cet avis étant défavorable, le maire se trouvait en situation de compétence liée. Le juge énonce clairement que l’autorité administrative « était tenu de s’opposer aux dérogations et à la délivrance du permis de construire sollicitées ». Cette affirmation souligne l’absence de marge d’appréciation pour le maire face à un tel avis. Il ne pouvait ni accorder le permis, ni l’assortir de prescriptions qui auraient eu pour effet de contourner l’obstacle dirimant soulevé par la commission. Cette solution, qui s’applique également au motif tiré de l’avis défavorable de l’établissement public territorial concernant la gestion des eaux, ancre la décision de refus sur un fondement juridique inattaquable et confère aux avis techniques conformes une autorité quasi-décisionnelle dans le processus d’octroi des autorisations d’urbanisme.