Cour d’appel administrative de Lyon, le 9 juillet 2025, n°23LY02703

Par un arrêt en date du 9 juillet 2025, la cour administrative d’appel de Lyon s’est prononcée sur la légalité du classement de parcelles en zone naturelle au sein d’un plan local d’urbanisme intercommunal. En l’espèce, un propriétaire contestait le refus d’abroger le classement en zone NL de deux parcelles lui appartenant, situées sur le territoire d’une commune littorale et sur lesquelles était exploitée une activité de restauration. Le plan local d’urbanisme intercommunal avait été approuvé par une délibération d’un établissement public de coopération intercommunale le 25 février 2020.

Le requérant avait initialement saisi le tribunal administratif de Grenoble d’une demande d’annulation de la décision implicite de rejet de sa demande d’abrogation. Par un jugement du 22 juin 2023, le tribunal avait rejeté sa demande. Le propriétaire a alors interjeté appel de ce jugement, soulevant plusieurs moyens tenant tant à la régularité du jugement qu’au bien-fondé de la décision administrative. Il invoquait notamment l’irrégularité de l’enquête publique, l’incohérence du classement avec le schéma de cohérence territoriale ainsi qu’avec le projet d’aménagement et de développement durables, et enfin une erreur manifeste d’appréciation.

Il revenait ainsi aux juges d’appel de déterminer si le classement en zone naturelle de parcelles supportant une activité économique, situées sur le littoral, procède d’une erreur manifeste d’appréciation au regard des objectifs du plan local d’urbanisme intercommunal.

La cour administrative d’appel rejette la requête, considérant que le classement litigieux ne révèle aucune illégalité et ne traduit pas une appréciation manifestement erronée de la part des auteurs du document d’urbanisme.

La décision commentée réaffirme la posture de retenue du juge administratif dans son contrôle des documents d’urbanisme, en appliquant une lecture stricte des conditions de légalité externe et interne (I), pour finalement faire prévaloir un parti d’aménagement axé sur la protection du littoral (II).

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I. Une application rigoureuse des cadres de contrôle de la légalité du plan

La cour administrative d’appel examine successivement les moyens de légalité externe et interne, en adoptant une approche qui limite la portée de son contrôle. Elle écarte d’abord les arguments tenant à la procédure d’élaboration du plan (A), avant de procéder à une analyse globale de la cohérence du document d’urbanisme (B).

A. Le rejet des vices de procédure par une interprétation pragmatique des obligations

Le juge d’appel écarte d’abord le moyen tiré de l’irrégularité de l’enquête publique. Le requérant soutenait que la commission d’enquête n’avait pas apporté de réponse à ses observations. La cour rappelle cependant que les dispositions de l’article L. 123-19 du code de l’environnement « n’imposent pas à la commission d’enquête de répondre à chacune des observations présentées », mais seulement « d’indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de son avis ». Cette solution, constante en jurisprudence, confirme que l’obligation de motivation de la commission d’enquête s’apprécie de manière synthétique et non de façon individualisée pour chaque contribution. Le juge vérifie que la finalité de la concertation est atteinte, à savoir l’information du public et la prise en compte de son avis de manière globale.

Ensuite, la cour écarte l’argument de l’incompatibilité du plan local d’urbanisme intercommunal avec le schéma de cohérence territoriale. Le requérant se prévalait en effet d’un schéma approuvé le 30 janvier 2020. Or, la cour relève que ce document n’est devenu exécutoire que le 26 juillet 2020, soit une date postérieure à la délibération litigieuse du 25 février 2020. Le juge rappelle ainsi une règle fondamentale du contentieux de l’urbanisme : la légalité d’un acte administratif s’apprécie à la date de son édiction. Le rapport de compatibilité devait donc être analysé au regard du schéma de cohérence territoriale antérieurement en vigueur, celui de 2012, rendant le moyen du requérant inopérant.

B. Une appréciation globale de la cohérence avec le projet d’aménagement et de développement durables

Le requérant invoquait une contradiction entre le classement de ses parcelles en zone NL et les objectifs du projet d’aménagement et de développement durables, notamment ceux visant à valoriser l’attractivité touristique et les lieux de baignade. La cour administrative d’appel répond en rappelant sa méthode de contrôle de la cohérence, qui repose sur une « analyse globale » et à « l’échelle du territoire couvert par le document d’urbanisme ». Elle souligne que « l’inadéquation d’une disposition du règlement du plan local d’urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d’aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement (…) à caractériser une incohérence ».

Pour le juge, le projet d’aménagement et de développement durables forme un tout, dont les différents objectifs doivent être conciliés. Ainsi, la cour oppose aux objectifs touristiques cités par le requérant d’autres objectifs, également présents dans le document, tendant à « préserver et envisager un développement durable des communes littorales » et à « garantir le maintien de l’identité paysagère ». Le juge administratif se refuse à isoler un objectif pour en faire un impératif absolu, reconnaissant ainsi aux auteurs du plan une marge d’appréciation pour arbitrer entre des orientations qui peuvent être partiellement contradictoires. Cette approche systémique prévient l’instrumentalisation du projet d’aménagement et de développement durables à des fins purement individuelles et renforce la sécurité juridique des choix de planification.

II. La validation d’un parti d’aménagement protecteur du littoral

Après avoir validé la procédure et la cohérence du document, le juge se penche sur le fond du classement contesté. Il confirme que la décision des auteurs du plan ne procède pas d’une erreur manifeste d’appréciation (A) et consacre la primauté des objectifs de préservation sur la situation existante des parcelles (B).

A. Un contrôle restreint à l’erreur manifeste d’appréciation

La cour rappelle d’emblée l’étendue de son office : il appartient aux auteurs du plan de « déterminer le parti d’aménagement à retenir », et leur appréciation n’est censurée qu’en cas d’erreur manifeste. Ce contrôle, dit restreint, interdit au juge de substituer sa propre appréciation de l’opportunité du classement à celle de l’autorité administrative. La cour précise d’ailleurs qu’il « n’appartient pas au juge administratif de se prononcer sur l’opportunité du classement retenu ». Le requérant, en soutenant que ses parcelles auraient dû être classées en zone UDL, invitait précisément le juge à franchir cette limite, ce qu’il se refuse à faire.

Le juge vérifie seulement si le choix de l’administration est entaché d’une erreur grossière, évidente. En l’espèce, les parcelles sont situées dans la bande littorale des cent mètres, que le plan a vocation à préserver. Elles sont également identifiées par le schéma de cohérence territoriale et le projet d’aménagement et de développement durables comme des espaces à enjeux paysagers forts. Pour la cour, ces éléments suffisent à justifier le parti d’aménagement retenu par la collectivité. Le classement en zone NL n’apparaît donc ni illogique ni fondé sur des faits matériellement inexacts, fermant la porte à toute censure sur le terrain de l’erreur manifeste d’appréciation.

B. La prévalence des impératifs de protection sur les droits acquis

La décision est particulièrement éclairante sur la manière dont les objectifs de protection du littoral s’imposent, y compris face à des situations bâties existantes. Le requérant mettait en avant la présence d’un restaurant et d’un parking sur ses terrains. La cour reconnaît cette existence mais la minimise en relevant que les parcelles « s’intègrent dans des espaces naturels peu urbanisés et supportent encore elles-mêmes des espaces naturels ». Le classement en zone NL a précisément pour but de préserver « les caractéristiques naturelles et paysagères du littoral ».

Le juge valide ainsi un choix de planification qui tend non seulement à empêcher une urbanisation future, mais aussi à « geler » une situation existante en la plaçant dans une zone dont la vocation est avant tout naturelle. La circonstance que les parcelles aient pu avoir un autre classement par le passé est jugée inopérante. Cette approche confirme la force des politiques de protection des espaces naturels et des rivages, qui peuvent légalement contraindre l’usage économique de propriétés privées au nom de l’intérêt général paysager et environnemental. La solution retenue illustre parfaitement la mise en œuvre des objectifs de la loi Littoral, dont le plan local d’urbanisme constitue un instrument de déclinaison locale.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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