Par un arrêt en date du 25 mars 2025, la Cour administrative d’appel de Lyon a annulé un jugement du tribunal administratif de Grenoble qui avait lui-même annulé un certificat d’urbanisme opérationnel positif. En l’espèce, le maire d’une commune avait délivré une autorisation d’urbanisme pour la construction d’une maison d’habitation sur une parcelle. Des voisins, propriétaires de parcelles contiguës, ont formé un recours gracieux contre cette décision, lequel a été implicitement rejeté, avant de saisir la juridiction administrative. Le tribunal administratif de Grenoble, par un jugement du 19 mai 2022, a fait droit à leur demande en annulant le certificat d’urbanisme. Les premiers juges ont en effet retenu une erreur manifeste d’appréciation dans le classement d’une partie de la parcelle en zone constructible par le plan local d’urbanisme, soulevant ainsi l’illégalité de ce document de planification pour fonder leur décision. La commune a interjeté appel de ce jugement, soutenant la validité du classement de la parcelle au regard de sa situation et de sa desserte par les réseaux publics. Les intimés ont pour leur part conclu au rejet de la requête, en reprenant l’argument de l’erreur manifeste d’appréciation et en invoquant d’autres moyens relatifs notamment à la méconnaissance des règles de protection du paysage et de la loi montagne.
Il était donc demandé à la cour administrative d’appel de déterminer si le classement en zone urbaine d’une portion de parcelle, présentant des caractéristiques naturelles et une certaine déclivité, procédait d’une erreur manifeste d’appréciation des auteurs du plan local d’urbanisme de nature à vicier la légalité d’un certificat d’urbanisme délivré sur son fondement.
La Cour administrative d’appel de Lyon répond par la négative et infirme le jugement de première instance. Elle juge que le classement litigieux ne révèle aucune erreur manifeste d’appréciation, au motif que la portion de parcelle concernée se situe dans la continuité d’une zone déjà urbanisée, qu’elle est desservie par les réseaux publics et que les contraintes naturelles, notamment la pente et le boisement, ne sont pas d’une nature telle qu’elles fassent obstacle à une construction respectueuse des prescriptions applicables. La cour écarte par ailleurs les autres moyens soulevés, les jugeant soit inopérants, soit non fondés, pour finalement valider la légalité du certificat d’urbanisme.
La décision de la cour administrative d’appel illustre la portée du contrôle du juge sur les choix d’urbanisme, en réaffirmant le caractère restreint de l’appréciation de l’erreur manifeste (I), tout en clarifiant la distinction entre les exigences applicables au certificat d’urbanisme et celles relevant de l’autorisation de construire (II).
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I. La confirmation du choix de classement par un contrôle restreint de l’erreur manifeste
La cour administrative d’appel, pour valider la légalité du classement en zone UC, a examiné successivement la pertinence de l’intégration de la parcelle au tissu urbain (A) avant de minimiser la portée des arguments environnementaux et sécuritaires invoqués (B).
A. La justification du classement par la continuité de l’urbanisation et la desserte de la parcelle
Le juge d’appel rappelle que le classement d’un terrain en zone urbaine repose sur des critères objectifs, définis à l’article R. 151-18 du code de l’urbanisme. En l’espèce, il constate que la partie de la parcelle en cause, bien que limitée en superficie, « se situe dans le prolongement immédiat du groupe d’habitations situé au sud ». Cet élément de continuité avec les constructions existantes constitue un indice fondamental de la vocation urbaine d’un secteur. La cour renforce son analyse en relevant que le terrain est adéquatement desservi par les équipements publics. Elle précise qu’il « est desservi par un réseau d’eau potable, qu’elle peut être raccordée au réseau électrique par un simple branchement ou une extension éventuelle sans contribution financière, et que le raccordement au réseau public d’assainissement est possible ». La simple potentialité de raccordement, même si elle implique la création de servitudes, suffit ainsi à caractériser une desserte suffisante pour justifier un classement en zone U, laquelle n’exige pas que tous les réseaux soient présents en limite de propriété.
En s’appuyant sur ces faits matériels, la cour juge que les auteurs du plan local d’urbanisme n’ont pas commis d’erreur manifeste en intégrant cette « pointe de terrain » dans une zone constructible, ce choix s’inscrivant dans une logique de densification modérée en continuité du bâti existant.
B. La neutralisation des contraintes naturelles et paysagères
Face aux arguments des requérants tirés des caractéristiques naturelles du site, la cour opère une appréciation pragmatique qui tend à réduire leur portée. Elle reconnaît l’existence d’un boisement, mais le qualifie de « bois de taillis peu épais (…) constitué d’espèces communes » qui ne « présenterait des caractéristiques particulières justifiant sa protection ». De même, la présence du terrain dans un secteur de « fronts visuels externes à préserver » selon la charte du parc naturel régional n’est pas jugée déterminante, en raison de la faible superficie concernée et de sa proximité avec l’urbanisation. La cour écarte ainsi l’idée qu’une protection paysagère, non traduite par une servitude d’urbanisme précise comme un espace boisé classé, puisse faire obstacle à un classement en zone constructible.
Concernant les risques naturels, le juge relève que le plan de prévention des risques classe le terrain en zone d’aléa faible, où il est possible « de construire avec des prescriptions ». L’existence d’un risque n’est donc pas rédhibitoire dès lors qu’il est jugé maîtrisable par des mesures techniques appropriées lors de la construction. En écartant successivement chaque contrainte comme insuffisante pour caractériser une erreur manifeste, la cour réaffirme qu’une telle erreur ne se déduit pas d’une simple discussion sur l’opportunité d’un classement, mais d’une contradiction évidente avec la réalité du terrain ou les objectifs affichés, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
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II. La portée différenciée du contrôle de légalité selon la nature de l’acte d’urbanisme
Au-delà de l’appréciation du classement, l’arrêt précise la portée du contrôle exercé par le juge en fonction de l’acte contesté. Il réaffirme l’inopérance de certains moyens à l’encontre d’un certificat d’urbanisme (A) et rappelle la distinction fondamentale entre cet acte d’information et l’autorisation de construire (B).
A. L’inopérance des moyens étrangers à l’objet du certificat d’urbanisme
La cour écarte plusieurs arguments soulevés par les requérants en les jugeant inopérants. C’est notamment le cas du moyen tiré de la méconnaissance de la loi Montagne. Le juge constate que la parcelle n’est pas incluse dans la zone de montagne délimitée par les arrêtés applicables, rendant l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme et son principe d’urbanisation en continuité inapplicables. Surtout, la cour précise que les requérants « ne peuvent utilement soutenir à l’encontre d’un certificat d’urbanisme, qui n’en est pas un acte d’application, que l’arrêté interministériel du 6 septembre 1985 (…) est illégal ». Cette formule rappelle une règle de contentieux essentielle : l’exception d’illégalité d’un acte réglementaire ne peut être soulevée qu’à l’encontre d’une mesure d’application de cet acte. Le certificat d’urbanisme, acte purement déclaratif, n’entre pas dans cette catégorie.
De même, le moyen tiré de la non-conformité de l’accès projeté avec les règles applicables en zone agricole est écarté, car le certificat « ne porte pas sur ce dernier ni sur sa viabilisation et ne confère pas plus de droits acquis à la réalisation d’une desserte ». Le contrôle du juge se limite donc strictement à l’objet du certificat, à savoir la constructibilité au regard des règles de fond applicables à la zone, sans préjuger de la faisabilité détaillée du projet.
B. La distinction entre l’appréciation de la constructibilité et l’examen du projet de construction
L’apport de la décision réside également dans le rappel de la finalité du certificat d’urbanisme opérationnel. Cet acte a pour seul objet d’indiquer si un terrain peut être utilisé pour une opération donnée, au regard des dispositions d’urbanisme en vigueur. La cour souligne ainsi que le respect de certaines règles, qui ne peuvent être appréciées qu’au vu d’un projet architectural détaillé, n’a pas à être examiné à ce stade. Elle l’affirme explicitement à propos de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme relatif à l’insertion du projet dans son environnement, en jugeant que son respect « n’a vocation à être examiné qu’au stade de la délivrance de l’autorisation de construire ».
Cette distinction est fondamentale pour la sécurité juridique des pétitionnaires. Le certificat d’urbanisme cristallise les règles de fond pour une durée de dix-huit mois, mais ne constitue pas une pré-autorisation de construire. L’administration, et le cas échéant le juge, conservent l’entière liberté d’apprécier la conformité du projet spécifique qui sera présenté dans la demande de permis de construire. En censurant le raisonnement des premiers juges, la cour administrative d’appel restaure cette hiérarchie des contrôles et réaffirme la nature informative du certificat d’urbanisme.