Tribunal judiciaire de Paris, le 23 juin 2025, n°25/00994

Par un jugement du tribunal judiciaire de Paris du 23 juin 2025, la juridiction statue sur le recouvrement de charges de copropriété et de leurs accessoires. Le contentieux porte sur l’assiette due, la qualification des « frais nécessaires » imputables au seul copropriétaire défaillant, ainsi que sur l’octroi de dommages-intérêts distincts et la capitalisation des intérêts.

Des copropriétaires d’un lot privatif se sont abstenus de régler les charges appelées pour l’immeuble, malgré relances et mise en demeure du 28 novembre 2024. Le syndicat des copropriétaires a assigné en paiement, en sollicitant le principal arrêté au premier trimestre 2025, les intérêts au taux légal, des frais nécessaires au sens de l’article 10-1, des dommages-intérêts pour résistance fautive, ainsi qu’une indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Les défendeurs n’ont ni comparu ni été représentés. La juridiction a examiné le règlement de copropriété, les décomptes et le grand livre, ainsi que les procès-verbaux d’assemblée, pour apprécier l’existence et l’étendue de la créance. Le débat se concentre sur deux points : la reconnaissance d’une créance certaine, liquide et exigible au titre des charges et la détermination des frais imputables au seul copropriétaire défaillant, puis la question des accessoires, incluant le préjudice distinct et l’anatocisme.

La décision retient une créance de 2 159,39 euros au titre des charges arrêtées au premier trimestre 2025, assortie d’intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure. Les intérêts échus, dus pour une année entière, sont capitalisés à compter du jugement. Les frais nécessaires sont limités à 180 euros, tandis que 400 euros sont alloués à titre de dommages-intérêts distincts, ainsi que 500 euros sur le fondement de l’article 700, outre dépens.

I. Principe et assiette de la créance de charges

A. L’exigibilité des charges et la preuve du décompte

En application de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965, chaque copropriétaire doit participer aux charges communes selon l’utilité et la quote-part fixée au règlement. Le dossier comprend le règlement, les appels de fonds, le grand livre et les procès-verbaux, offrant une base probatoire complète de l’arriéré. Le tribunal constate un solde débiteur, en relevant que la créance « certaine, liquide et exigible s’élève à la somme de 2 159,39 € au titre des charges de copropriété, hors frais, arrêtées au 1er trimestre 2025 ». La motivation demeure classique : la réunion des pièces de gestion suffit à établir le principe et le quantum, faute de contestation utile.

Cette approche s’inscrit dans la pratique contentieuse ordinaire du recouvrement en copropriété. La juridiction vérifie l’outil comptable, rattache les sommes aux décisions d’assemblée, puis rattache l’exigibilité aux périodes concernées. La solution retenue évite toute extension artificielle du principal, cantonné aux seules charges justifiées et échues.

B. La stricte délimitation des « frais nécessaires » imputables

La juridiction rappelle avec netteté la méthode d’imputation des frais au sens de l’article 10-1. Elle affirme d’abord que « Il appartient à la juridiction saisie de rechercher si les frais sollicités par le syndicat étaient nécessaires au recouvrement de la créance de celui-ci avant de les mettre à la charge du copropriétaire poursuivi. » Cette exigence de nécessité gouverne la sélection des postes admis.

Elle précise ensuite l’interprétation stricte du périmètre admis : « Ces frais nécessaires doivent cependant s’entendre strictement de ceux rendus nécessaires pour la mise en œuvre de la procédure de recouvrement de la créance du syndicat et qu’ils ne sauraient inclure que les frais de mise en demeure par lettre recommandée, de relance, d’inscription d’hypothèque légale ou d’opposition au paiement du prix de vente du lot du copropriétaire défaillant, mais ne sauraient comprendre les sommations de payer délivrées par huissier alors qu’une mise en demeure a déjà été adressée au débiteur, les honoraires particuliers du syndic pour procéder notamment à la remise du dossier à l’huissier et à l’avocat, s’agissant d’actes élémentaires d’administration de la copropriété, le syndic n’ayant pas déployé une activité inhabituelle ou exceptionnelle pour parvenir au recouvrement, ni les honoraires d’avocat, qui font double emploi avec la réclamation au titre des frais irrépétibles, ni les frais d’huissier exposés dans le cadre du procès qui seront compris dans les dépens. » La conséquence est logique : seuls les frais de mise en demeure et de relance justifiés sont imputés au débiteur.

La décision en tire une application concrète et mesurée. Elle retient, au vu des justificatifs, la somme de 180 euros au titre des frais nécessaires. Le jugement souligne d’ailleurs que « L’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 vise expressément les frais de mise en demeure et de relance », confirmant la vocation ciblée de ce poste et sa nécessaire articulation avec les dépens et l’article 700, pour prévenir tout double emploi.

II. Accessoires de la dette et sanctions complémentaires

A. Intérêts moratoires et capitalisation des intérêts échus

Les intérêts au taux légal courent à compter de la mise en demeure du 28 novembre 2024, date rappelée par le jugement. La capitalisation répond aux conditions du code civil. Le tribunal reproduit la règle selon laquelle « L’article 1343-2 du code civil dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise. » La capitalisation est donc ordonnée à compter de la décision, solution conforme à l’exigence temporelle d’une année échue et à la nécessité d’un énoncé juridictionnel exprès.

Cette mise en œuvre reflète une lecture prudente du texte, évitant d’anticiper la capitalisation avant l’écoulement d’une année entière. Le choix de circonscrire l’anatocisme au dispositif renforce la sécurité juridique, tout en maintenant la pression incitative sur le débiteur d’exécuter promptement.

B. Préjudice distinct et dommages-intérêts complémentaires

Le tribunal mobilise l’article 1231-6 pour indemniser un préjudice distinct du seul retard. Il énonce que « La défaillance de la partie défenderesse dans le paiement de sa quote-part de charges, malgré mise en demeure, est de nature à causer un préjudice au syndicat des copropriétaires qui doit faire l’avance des sommes dues et créé également une désorganisation de la trésorerie, préjudice distinct de celui réparé par l’allocation des intérêts moratoires. » Cette motivation caractérise l’atteinte propre à la gestion collective, distincte de l’écoulement du temps.

L’indemnité allouée, de 400 euros, reste contenue et proportionnée. Elle répare l’impact financier spécifique de l’avance contraignante et de la désorganisation comptable, sans confusion avec les frais irrépétibles ni avec les dépens. L’équilibre d’ensemble apparaît homogène avec la restriction opérée sur les « frais nécessaires », l’article 700 venant isoler l’indemnisation du coût de la défense, tandis que l’anatocisme demeure encadré. L’ensemble conjugue effectivité du recouvrement et prévention des cumuls indemnitaires.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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