Première chambre civile de la Cour de cassation, le 2 juillet 2025, n°23-16.332

Le 2 juillet 2025, la première chambre civile a rejeté, sans motivation spéciale, un pourvoi contre un jugement du tribunal de proximité d’Arcachon du 27 mars 2023. Le litige opposait un tuteur, agissant pour une majeure protégée, à un particulier, dans un différend dont la nature n’est pas précisée.

Le demandeur au pourvoi sollicitait l’annulation du jugement, tandis que son adversaire demandait le rejet et indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La Cour motive en ces termes: « Les moyens de cassation, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. » Puis elle ajoute: « En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi. » La question posée tient aux conditions et aux effets du rejet non spécialement motivé, au regard de l’exigence de motivation et de l’office de la Cour de cassation. L’examen porte d’abord sur le cadre juridique et fonctionnel de ce mécanisme, puis sur sa valeur normative et sa portée pratique.

I. Le régime du rejet non spécialement motivé

A. Conditions d’édiction et logique de filtrage

L’article 1014, alinéa 1er, autorise la Cour de cassation à rejeter un pourvoi par une formule standardisée lorsque les moyens sont manifestement inopérants, infondés ou irrecevables. La décision commentée en donne l’illustration, puisqu’elle énonce textuellement que les moyens invoqués ne sont pas de nature à entraîner la cassation, justifiant l’usage de la procédure abrégée.

Ce cadre vise à assurer un filtrage efficace des pourvois dépourvus d’enjeu juridique sérieux, sans préjudice des cas exigeant une motivation développée.

B. Étendue du contrôle et office de la Cour

La formule retenue n’équivaut pas à une approbation de la motivation des juges du fond, mais constate seulement l’absence d’atteinte plausible à la légalité contrôlée en cassation. Le contrôle demeure effectif, bien que succinctement exprimé, puisque la Cour vérifie la recevabilité, la pertinence normative et la capacité opératoire de chaque moyen.

Dans cette perspective, la motivation brève ne signifie pas diminution de l’intensité du contrôle, mais adaptation formelle lorsque la faiblesse manifeste des moyens le permet.

II. Valeur et portée de la motivation brève de rejet

A. Compatibilité avec l’exigence de motivation et le procès équitable

L’exigence de motivation n’impose pas, pour une juridiction suprême, un raisonnement détaillé lorsque l’inanité des moyens est patente et que la règle appliquée est indiquée. La référence explicite à l’article 1014 encadre la décision, éclaire la base légale du rejet et satisfait l’objectif de compréhension minimale exigé par le droit au procès équitable.

La Cour rappelle d’ailleurs, par la citation précitée, que les moyens étaient manifestement impropres à fonder la cassation, ce qui suffit à justifier une motivation non développée.

B. Conséquences procédurales et stratégiques pour les plaideurs

Une telle décision emporte l’autorité de la chose jugée au dispositif, tout en laissant la motivation des juges du fond seule ressource pour comprendre l’issue du litige. Elle incite, dès lors, à construire des moyens de cassation resserrés, normativement ciblés et opérants, sous peine d’un filtrage rapide privant de toute clarification doctrinale.

La condamnation aux dépens et l’allocation d’une somme au titre de l’article 700 renforcent enfin le coût d’un pourvoi mal calibré, dissuadant les démarches peu sérieuses.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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