Deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le 10 juillet 2025, n°24-10.713

La Cour de cassation, deuxième chambre civile, 10 juillet 2025, statue dans un litige de construction impliquant plusieurs intervenants et leurs assureurs. Deux pourvois, formés contre un arrêt, ont été partiellement abandonnés avant d’être joints en raison de leur connexité. « En raison de leur connexité les pourvois n° R 24-10.713 et D 24-12.611 sont joints. » La cause naît d’une opération immobilière et de responsabilités alléguées, au sein d’une copropriété, entre entreprises, contrôleurs techniques et assureurs. « Les dossiers ont été communiqués au procureur général. » La juridiction suprême constate des désistements partiels, puis applique le mécanisme de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, pour écarter des moyens jugés d’emblée inopérants. La question tient aux conditions et effets du rejet non spécialement motivé d’un pourvoi lorsque aucun moyen ne peut raisonnablement entraîner la cassation. « Le moyen de cassation du pourvoi n° R 24-10.713 et celui du pourvoi n° D 24-12.611 qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. » Dès lors, « En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces pourvois. » Le dispositif « REJETTE les pourvois », condamne aux dépens, et, « En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ».

I. Le rejet non spécialement motivé au filtre de l’article 1014

A. Les conditions du non‑lieu à motivation spéciale

Le cœur de la décision repose sur la formule légale selon laquelle le pourvoi peut être rejeté sans motivation spéciale lorsque ses moyens sont d’évidence inopérants. La Cour énonce ainsi que les moyens soulevés « ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation », ce qui caractérise le seuil d’irrecevabilité matérielle du contrôle approfondi. Le critère est objectif et strict, puisqu’il vise l’inaptitude intrinsèque du moyen à révéler une violation de la règle de droit applicable.

Cette modalité de rejet traduit l’office de filtrage de la Cour de cassation en matière civile. La formation vérifie la consistance juridique des griefs, sans revenir sur l’appréciation souveraine des faits. L’absence de motivation développée n’est pas un déni de motivation, mais la conséquence de l’article 1014 qui autorise une décision abrégée lorsque la cassation est manifestement exclue. La mention expresse du fondement légal et de la nature des moyens assure l’intelligibilité minimale requise.

B. Les incidences des désistements et de la jonction

La décision ordonne la jonction des deux recours, afin d’éviter des solutions divergentes et d’assurer l’économie de procédure. L’énoncé « En raison de leur connexité les pourvois n° R 24-10.713 et D 24-12.611 sont joints » manifeste la cohérence du traitement d’ensemble des moyens. La jonction n’altère ni l’autonomie des griefs, ni l’examen de leur sérieux, mais permet un rejet coordonné lorsque les critères de l’article 1014 sont réunis.

La Cour prend aussi acte de désistements partiels, ce qui circonscrit l’instance de cassation aux seuls défendeurs encore visés. Cette réduction de l’instance n’affecte pas l’analyse du caractère manifestement inopérant des moyens restants. Elle influe en revanche sur les dépens et les demandes au titre de l’article 700, qui sont traités en conséquence dans le dispositif, au vu de la configuration procédurale finale.

II. Valeur et portée de la décision

A. Appréciation critique de l’office de filtrage

La solution confirme une pratique stabilisée de la Cour qui réserve ses ressources aux pourvois contenant un grief juridique opérant. Le recours à l’article 1014, alinéa 1er, est proportionné, car il s’appuie sur une formule normative claire et vise seulement les moyens manifestement dénués d’efficience cassatoire. La présence, dans le corps de la décision, de la référence légale explicite et de la formule standardisée, préserve la lisibilité pour les parties et la communauté juridique.

Cette technique peut susciter des réserves au regard de la pédagogie des motifs, surtout dans des affaires complexes à parties multiples. Toutefois, le contrôle exercé reste identifiable et la motivation synthétique est suffisante lorsque le défaut d’aptitude des moyens apparaît immédiatement. Le rappel final du sort des demandes accessoires parachève l’économie de la décision, sans priver les plaideurs d’une compréhension de l’issue procédurale.

B. Conséquences pratiques pour le contentieux de la construction

Dans les litiges de construction, la multiplication des intervenants et des chaines d’assurance favorise les pourvois parallèles et les griefs redondants. La jonction et le rejet non spécialement motivé incitent à une sélection rigoureuse des moyens, recentrés sur des violations normatives précises et déterminantes. La décision rappelle que l’agrégation de griefs ne pallie pas l’absence d’opérabilité juridique des moyens de cassation.

Sur le terrain des conséquences, le dispositif est clair et ferme. « REJETTE les pourvois », puis « En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes », de sorte que la charge des dépens pèse sur les demandeurs mal fondés. Le message opérationnel est net pour les praticiens du secteur : calibrer les pourvois sur des vices de droit avérés, éviter les moyens d’espèce, et anticiper les effets de la jonction comme du désistement dans la stratégie contentieuse.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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