Cour de justice de l’Union européenne, le 2 avril 2009, n°C-260/07

La Cour de justice de l’Union européenne, dans un arrêt dont la date n’est pas précisée, se prononce sur l’interprétation de règlements d’exemption par catégorie en matière d’accords d’achat exclusif. L’espèce, dont les faits ne sont pas relatés dans l’extrait fourni, semble concerner un litige entre un fournisseur de carburant et le gérant d’une station-service. Ce litige porte sur la validité de certaines clauses d’un contrat d’approvisionnement exclusif au regard du droit de la concurrence de l’Union européenne. Une juridiction nationale, saisie du litige, a sursis à statuer pour poser plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice. Ces questions visent à clarifier les conditions d’application des exemptions par catégorie prévues par les règlements successifs applicables aux restrictions verticales, notamment les accords de location-gérance de stations-service. Il était demandé à la Cour de déterminer si l’exemption applicable à un tel contrat dépendait du droit de propriété du fournisseur sur le terrain. La Cour devait également préciser si les clauses relatives aux prix de vente au public étaient compatibles avec lesdits règlements d’exemption. La Cour opère une distinction temporelle concernant l’exigence du droit de propriété du fournisseur et rappelle fermement le principe de prohibition des prix imposés, tout en renvoyant à la juridiction nationale le soin d’apprécier la contrainte économique réelle pesant sur le revendeur.

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**I. L’évolution des conditions d’exemption relatives à la propriété du fonds de commerce**

La Cour de justice clarifie l’interprétation des conditions d’exemption pour les contrats de location-gérance de stations-service, en marquant une rupture entre deux régimes juridiques successifs. Elle adopte d’abord une approche souple au regard de l’ancien règlement (A) avant de consacrer une vision plus stricte sous l’empire du nouveau texte (B).

**A. Une conception souple de l’exemption sous l’empire du règlement n°1984/83**

En premier lieu, la Cour examine les conditions posées par le règlement (CEE) n°1984/83. Elle énonce que ce texte « n’exigeait pas que le fournisseur soit propriétaire du terrain sur lequel il a construit la station-service qu’il donne en location au revendeur ». Cette interprétation privilégie une approche économique de l’opération contractuelle. L’objectif de l’exemption était de permettre aux fournisseurs de développer leur réseau de distribution en sécurisant leurs investissements, sans pour autant imposer des contraintes excessives sur la structure de leur patrimoine foncier.

La solution retenue valide ainsi les montages où le fournisseur, simple locataire du terrain ou titulaire d’un droit de superficie, construisait puis donnait en gérance la station-service. En se concentrant sur la relation économique entre les parties plutôt que sur le lien de propriété, la Cour reconnaissait la diversité des stratégies d’implantation commerciale. Cette analyse pragmatique permettait d’inclure dans le champ de l’exemption un grand nombre de contrats qui, autrement, auraient pu être considérés comme anticoncurrentiels, favorisant ainsi la pénétration du marché par les fournisseurs.

**B. Le durcissement des conditions d’exemption par le règlement n°2790/1999**

En second lieu, la Cour se penche sur le règlement (CE) n°2790/1999, qui a succédé au précédent. Le changement d’approche est notable. La Cour juge que ce nouveau texte « exige que le fournisseur soit propriétaire tant de la station-service qu’il donne en location au revendeur que du terrain sur lequel celle-ci est bâtie ». Cette exigence nouvelle et cumulative marque un durcissement significatif des conditions d’exemption.

Toutefois, la Cour admet une alternative : le fournisseur peut bénéficier de l’exemption s’il « loue ces biens à des tiers non liés au revendeur ». Cette précision est essentielle, car elle vise à garantir l’indépendance réelle du revendeur vis-à-vis du fournisseur. En exigeant que le bailleur du terrain soit un tiers non lié, le législateur européen a entendu prévenir les situations de dépendance économique excessive où le fournisseur pourrait exercer une pression indirecte sur le revendeur par l’intermédiaire d’une entité affiliée. Le passage d’un régime à l’autre traduit une volonté de mieux protéger la partie faible au contrat, en s’assurant que la relation d’exclusivité ne soit pas renforcée par des montages juridiques complexes dissimulant une emprise totale du fournisseur.

**II. La prohibition maintenue de la fixation des prix de revente**

La Cour de justice rappelle avec constance le principe de la libre détermination du prix de revente par le revendeur. Elle établit une distinction claire entre les pratiques de prix licites et illicites (A) et confie au juge national la mission d’examiner concrètement les contraintes pesant sur le distributeur (B).

**A. La distinction entre prix maximal ou recommandé et prix fixe ou minimal**

La Cour énonce un critère fonctionnel pour évaluer la légalité des clauses de prix. Les accords verticaux peuvent bénéficier de l’exemption « si le fournisseur se limite à imposer un prix de vente maximal ou à recommander un prix de vente ». Dans cette hypothèse, la liberté commerciale du revendeur est préservée, car il conserve « une réelle possibilité de déterminer le prix de vente au public ». Le prix maximal protège le consommateur contre des tarifs excessifs, tandis que le prix recommandé sert de simple indication, sans caractère contraignant.

En revanche, la solution est radicalement différente lorsque le mécanisme aboutit à une restriction de la liberté du revendeur. L’exemption est exclue si les clauses contractuelles « aboutissent, directement ou par des moyens indirects ou dissimulés, à une fixation du prix de vente au public ou à une imposition du prix de vente minimal ». La Cour condamne ainsi non seulement les accords fixant explicitement un prix plancher, mais aussi toutes les pratiques qui, par leur effet, produisent un résultat équivalent.

**B. L’appréciation in concreto de la contrainte par le juge national**

Finalement, la Cour de justice renvoie la charge de la qualification à la juridiction de renvoi. Elle souligne qu’il appartient à celle-ci « de rechercher si de telles contraintes pèsent sur le revendeur ». Cette démarche impose au juge national une analyse approfondie et circonstanciée de la relation contractuelle. Il doit tenir compte non seulement des termes du contrat, mais aussi de « l’ensemble des obligations contractuelles prises dans leur contexte économique et juridique ».

Cette approche pragmatique invite le juge à ne pas s’arrêter à la lettre des clauses, mais à en déceler l’esprit et les effets concrets. Le « comportement des parties » est également un élément déterminant de l’appréciation. Par cette méthode, la Cour habilite le juge national à déjouer les stratégies de contournement et à sanctionner les restrictions de concurrence par objet, même lorsqu’elles sont habilement dissimulées derrière une apparence de légalité. La solution réaffirme ainsi l’importance de l’analyse factuelle pour une application effective du droit de la concurrence.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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