Cour d’appel administrative de Douai, le 10 avril 2025, n°23DA01021

Par un arrêt en date du 10 avril 2025, une cour administrative d’appel s’est prononcée sur la légalité d’un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale, accordé pour l’extension et le transfert d’un supermarché. En l’espèce, une société exploitant un magasin alimentaire a obtenu une autorisation pour créer un nouvel établissement de plus grande taille sur une friche industrielle, dans le cadre d’un projet immobilier plus vaste incluant des logements. Une société concurrente, implantée dans une commune voisine, a saisi la commission départementale d’aménagement commercial, puis la Commission nationale d’aménagement commercial, qui ont toutes deux émis un avis favorable au projet. Le maire de la commune d’implantation a par la suite délivré le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale. C’est cet arrêté que la société requérante a contesté devant la juridiction administrative, soulevant des arguments de procédure et de fond. La question de droit posée à la cour était de savoir si les vices de procédure allégués et l’éventuelle méconnaissance des objectifs d’aménagement du territoire et de développement durable étaient de nature à justifier l’annulation de l’autorisation. La cour a rejeté la requête, estimant qu’aucun des moyens soulevés ne permettait de remettre en cause la légalité de la décision attaquée. La décision de la cour s’articule autour d’une validation rigoureuse de la procédure administrative avant de confirmer sur le fond l’adéquation du projet avec les objectifs légaux.

I. La validation d’une procédure administrative jugée régulière

La cour a d’abord examiné les moyens de légalité externe, relatifs tant à la procédure consultative devant la commission nationale qu’à la complétude du dossier de demande, pour conclure à leur caractère non fondé.

A. Le contrôle pragmatique de la procédure devant la commission nationale

La société requérante soutenait que la procédure devant la Commission nationale d’aménagement commercial était irrégulière, au motif que ses membres n’auraient pas été correctement destinataires des pièces du dossier dans le délai légal. La cour écarte cet argument en s’appuyant sur un faisceau d’indices matériels produits par l’administration. Elle relève que la convocation et la mise à disposition des documents ont été effectuées par une plateforme électronique certifiée, et que des attestations confirment la bonne transmission de ces éléments. Le juge administratif souligne qu’il ne ressort d’aucune pièce qu’un membre de la commission se serait plaint d’un défaut d’information. En l’absence d’éléments contraires probants, la cour refuse de remettre en cause la régularité de la procédure, considérant qu’il n’y a pas lieu de douter des justifications fournies. Le juge administratif adopte ici une approche pragmatique, faisant peser sur le requérant la charge d’apporter des « éléments circonstanciés de nature à remettre en cause les pièces justificatives fournies ». Cette solution confirme la confiance accordée aux outils dématérialisés dans la conduite des procédures administratives, dès lors que leur fiabilité peut être attestée.

B. L’appréciation de la complétude du dossier de demande

La cour a ensuite examiné les critiques portant sur le contenu même du dossier soumis aux commissions. La requérante arguait de l’absence d’analyse d’impact lors de l’examen par la commission départementale, mais le juge qualifie ce moyen d’inopérant, rappelant que « l’avis de la Commission nationale d’aménagement commercial se substitue à celui de la commission départementale ». Le juge prend néanmoins soin de noter qu’au demeurant, cette étude existait bien dans le dossier. Plus substantiellement, la requérante affirmait que le projet constituait en réalité un ensemble commercial non déclaré comme tel, en raison de la présence de huit cellules supplémentaires. La cour rejette cette interprétation en se fondant sur les déclarations expresses de la société pétitionnaire. Celle-ci avait précisé que ces cellules étaient « destinées à recevoir des activités économiques (…) n’entrant pas dans le champs d’application de la loi », telles que des professions médicales ou des activités de service. En s’en tenant à la qualification donnée par le porteur de projet et en l’absence de preuve contraire, le juge refuse de considérer que le dossier était incomplet ou visait à dissimuler la véritable nature du projet.

Après avoir écarté les moyens de légalité externe, la cour s’est attachée à contrôler l’appréciation des commissions sur le respect des objectifs de fond.

II. La confirmation du respect des objectifs d’aménagement et de durabilité

Le juge administratif a exercé un contrôle complet sur l’appréciation portée par l’administration quant à la conformité du projet aux objectifs d’aménagement du territoire et de développement durable, pour conclure à la justesse de l’autorisation accordée.

A. L’analyse des critères d’aménagement du territoire

La cour examine successivement les effets du projet en matière de consommation d’espace, d’animation urbaine et de transports. Concernant la consommation d’espace, elle valide le projet en soulignant qu’il s’implante sur une friche et permet une réduction significative des surfaces imperméabilisées. Sur l’animation de la vie urbaine, le juge met en balance le taux de vacance commerciale élevé de la commune avec la faible ampleur que ce taux représente en nombre de locaux, ainsi qu’avec la dynamique démographique positive de la zone de chalandise. Il retient surtout que l’impact sur le commerce existant est évalué comme très faible, à hauteur de 2,4 %. S’agissant des flux de transport, la cour note que l’aménagement d’un nouveau carrefour giratoire, bien que prévu, ne constitue pas une condition indispensable à la réalisation du projet, car « les infrastructures routières existantes étaient en mesure d’absorber le flux supplémentaire de circulation ». Le projet étant par ailleurs bien desservi par les transports en commun, le moyen est écarté. Cette analyse démontre la méthode du bilan, où le juge pèse les avantages et les inconvénients du projet pour déterminer sa compatibilité globale avec les objectifs légaux.

B. L’évaluation de la qualité environnementale et paysagère

Enfin, la cour se penche sur le critère du développement durable, devenu central en droit de l’urbanisme commercial. Elle valide l’avis favorable de la commission nationale en s’appuyant sur une liste détaillée d’éléments positifs. Le juge relève que le projet s’implante sur un terrain déjà artificialisé, augmente la surface des espaces verts, améliore la perméabilité des sols, et présente des performances énergétiques très supérieures aux normes en vigueur. La production d’énergies renouvelables par des panneaux photovoltaïques et la gestion des eaux pluviales sont également mises en avant. Face à l’argumentation de la requérante sur l’imperméabilisation, la cour oppose la nature perméable du parc de stationnement. L’insertion paysagère est également jugée satisfaisante, la commission ayant estimé que grâce à la plantation d’arbres sur un site qui en était dépourvu, le projet « sera mieux intégré dans son environnement ». Cette appréciation globale, qui valorise une réhabilitation de friche présentant des qualités environnementales notables, témoigne de la prise en compte par le juge des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et de promotion de la qualité architecturale et écologique des nouveaux projets commerciaux.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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