Tribunal judiciaire de Angoulême, le 16 juin 2025, n°25/00078

Par un jugement du Tribunal de proximité de Cognac du 16 juin 2025, le juge des contentieux de la protection statue sur la mise en œuvre d’une clause résolutoire d’un bail d’habitation face à des impayés. Le bail, conclu le 21 septembre 2022, prévoyait un loyer actualisé à 535,75 euros et comportait une clause résolutoire. Un commandement de payer visant ladite clause a été délivré le 8 octobre 2024, suivi d’une assignation du 3 avril 2025. À l’audience du 19 mai 2025, le bailleur a sollicité la constatation de la résiliation, l’expulsion, le paiement d’un arriéré, une indemnité d’occupation, ainsi que diverses sommes accessoires. La personne locataire, présente, a proposé un apurement à hauteur de 70 euros mensuels, le bailleur ne s’y opposant pas.

La procédure révèle le respect des formalités protectrices prévues par la loi du 6 juillet 1989, notamment la reproduction des textes requis et l’information du représentant de l’État. Le litige porte, en substance, sur la portée de la clause résolutoire une fois acquise, sur la faculté du juge d’en suspendre les effets en octroyant des délais, et sur l’agencement des conséquences financières. La juridiction retient que « il doit être constaté que celle-ci est acquise au 9 décembre 2024 », tout en décidant « de faire droit à la demande de délais […] et de ne pas ordonner l’expulsion, sauf non respect des modalités définies ». Elle « dit que l’effet de la clause résolutoire du contrat de bail est suspendu par le plan d’apurement » et fixe l’arriéré à 1 820,56 euros, retient une indemnité d’occupation éventuelle de 535,75 euros, rejette l’article 700 du code de procédure civile, et met les dépens à la charge de la personne locataire. Par ailleurs, la juridiction rappelle que « le locataire est obligé : a) De payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus ».

I) La clause résolutoire acquise et la suspension de ses effets

A) La régularité des conditions d’acquisition de la clause et la portée de l’article 24

La décision constate le respect des prérequis de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, indispensables à l’acquisition de plein droit. Le juge relève que le commandement « a reproduit les dispositions de l’article 24 de la loi du 06 juillet 1989 » et que « le délai de deux mois […] a bien été respecté […] et le courrier […] a bien été adressé au représentant de l’État ». L’assurance du respect de ces formalités fonde la sécurité juridique de l’automaticité de la clause.

Une fois ces conditions réunies, le juge constate l’acquisition de la clause à une date certaine. L’énoncé est clair et circonscrit le fait générateur : « S’agissant de la résiliation tirée de l’argument tiré du défaut de paiement des loyers, il doit être constaté que celle-ci est acquise au 9 décembre 2024. » Le caractère automatique ne souffre alors pas de doute, dans la stricte logique de l’article 24.

B) Les délais de grâce et la neutralisation conditionnelle des effets résolutoires

La juridiction articule l’automaticité avec le pouvoir d’octroi de délais, en application de l’article 1343-5 du code civil, au profit d’un débiteur de bonne foi. Elle motive précisément la pertinence de cette modulation au regard de la situation personnelle et de la proposition d’apurement : « Néanmoins, la personne locataire a manifesté la volonté de rembourser la dette. […] il conviendra de faire droit à la demande de délais […] et de ne pas ordonner l’expulsion, sauf non respect des modalités définies. »

Le dispositif vient consacrer la neutralisation des effets résolutoires par un plan d’apurement, tout en encadrant strictement l’exécution. Le juge « dit que l’effet de la clause résolutoire du contrat de bail est suspendu par le plan d’apurement » et « rappelle que la bonne exécution de ce plan suspend les procédures d’exécution […] et que si le passif est réglé au terme du plan […] la clause résolutoire est réputée ne jamais avoir joué ». Ce schéma préserve l’équilibre contractuel sans méconnaître l’exigence d’effectivité du droit au logement.

II) L’agencement des conséquences financières et accessoires

A) La fixation de l’arriéré et l’indemnité d’occupation, entre rigueur et proportion

L’arriéré est établi sur la base d’un décompte actualisé, dont le juge écarte les frais de poursuite, conformément à la distinction entre dettes locatives et frais irrécouvrables par cette voie. Le jugement énonce que « il résulte de ce document qu’à cette date, l’arriéré locatif s’élevait à la somme de 2091,33 euros dont il convient toutefois de retirer les frais relatifs au commandement de payer et à l’assignation, soit un montant de 1820,56 euros ». La somme est fixée à titre de provision, ce qui favorise une exécution rapide et vérifiable.

S’agissant de l’occupation éventuelle postérieure, la juridiction détermine une indemnité de substitution clairement indexée sur le loyer et les charges. Elle retient que « S’agissant de l’indemnité d’occupation, il doit être accordé […] une somme mensuelle de 535,75 euros à compter du 6 mai 2025 […] laquelle couvrira tant les loyers que les charges ». Cette indemnité, strictement réparatrice, évite tout enrichissement sans cause et incite au respect des délais accordés.

Le jugement précise enfin le point de départ effectif en cas d’incident, pour prévenir toute incertitude temporelle. Il est dit que l’indemnité « commence à être due à compter du jour du premier incident de paiement et se termine avec la libération des lieux ». L’articulation entre arriéré, indemnité et plan d’apurement demeure ainsi lisible et praticable.

B) Les demandes accessoires, les dépens et la sanction en cas de défaillance

Les prétentions non chiffrées relatives aux réparations locatives sont rejetées faute de consistance probatoire. La juridiction souligne que la demande « présente un caractère hypothétique et non chiffré et sera de ce fait rejetée ». Cette exigence de précision renforce la rigueur contentieuse, évitant des condamnations déconnectées des éléments du dossier.

Au regard des propositions d’apurement, la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile est écartée. Le jugement indique qu’« il n’y a pas lieu de donner droit à la demande de paiement de la somme de 300 euros […] au titre de l’article 700 ». L’équité, dans ce cadre social, est appréciée en cohérence avec l’effort consenti par la personne locataire et l’accord du bailleur.

Le régime des dépens obéit à la règle de l’article 696 du code de procédure civile, le juge retenant la charge par la partie défaillante. Le dispositif « condamne la personne locataire aux entiers dépens, y compris ceux relatifs au commandement de payer et à l’assignation ». Cette solution, attendue, distingue opportunément les dépens des sommes écartées de l’arriéré.

Enfin, la sanction de la défaillance au plan est explicite, immédiate et proportionnée à l’inexécution. Il est énoncé que « à défaut de payement d’une seule mensualité d’arriéré et de loyer courant […] la clause résolutoire du bail reprendra son effet » et que « le solde de l’entier arriéré locatif deviendra immédiatement exigible ». Cet avertissement préserve l’effectivité de la clause tout en conférant au plan une fonction réellement incitative.

A) Sens. La décision démontre une articulation maîtrisée entre l’automaticité résolutoire et les prérogatives de protection, en réaffirmant la primauté du respect des formalités légales. Les délais accordés, strictement conditionnés et sécurisés par une suspension expresse, assurent l’équilibre entre droits du bailleur et stabilité du logement.

B) Valeur et portée. La motivation, adossée à « le locataire est obligé : a) De payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus », s’inscrit dans un courant protecteur sans dénaturer la force obligatoire. La portée pratique est nette : exclusion des frais de poursuite du calcul de l’arriéré, indemnité d’occupation calibrée, et sanction automatique en cas de manquement au plan, dans une logique de loyauté contractuelle et d’effectivité des décisions.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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