Tribunal judiciaire de Angers, le 19 juin 2025, n°24/00791
Par une ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire d’Angers le 19 juin 2025, le juge a statué sur les suites d’un bail commercial après liquidation judiciaire du locataire. L’affaire naît d’un contrat de sous‑location conclu en 2014 sur un entrepôt, suivi d’impayés, d’un commandement, d’un redressement, puis d’une liquidation prononcée en septembre 2024. Les organes de la procédure ont notifié leur décision de résilier le bail début octobre 2024.
Le bailleur a saisi le juge des référés pour voir constater la résiliation au 3 octobre 2024, obtenir la libération des lieux, une provision au titre de loyers et taxe foncière, et une indemnité d’occupation. Étaient également sollicitées des condamnations au titre des dépens et de l’article 700, ainsi qu’une responsabilité personnelle du mandataire. Le liquidateur a opposé une contestation de compétence, a soutenu que la restitution était acquise, et a combattu la nature privilégiée des créances, tout en invoquant l’intérêt collectif des créanciers.
La difficulté centrale porte sur l’office du juge des référés en présence d’une liquidation et d’un bail résilié, ainsi que sur la qualification de créances postérieures “utiles” susceptibles d’une provision. Le juge rappelle d’abord son cadre légal: “En vertu de l’article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire […] peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.” Il ajoute: “Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier.” Retenant la tardiveté de l’exception d’incompétence, il constate la résiliation au 3 octobre 2024 sur le fondement de l’article L. 641‑12 du code de commerce, ordonne l’application du régime des biens laissés sur place (CPCE, art. L. 433‑1 et L. 433‑2), accorde une provision pour loyers et taxe foncière, mais écarte l’indemnité d’occupation et toute responsabilité personnelle en référé.
I. L’office du juge des référés à l’épreuve des procédures collectives
A. La compétence retenue malgré l’ombre du juge-commissaire Le juge ouvre l’analyse par le rappel procédural contraignant: “En vertu de l’article 74 du code de procédure civile, les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond […] Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public.” La contestation de compétence n’ayant pas été soulevée in limine litis, son rejet s’imposait. La solution est classique: la compétence d’attribution du juge-commissaire, parfois regardée comme exclusive pour des incidents nés de la liquidation, n’autorise pas saisine d’office sur ce point.
Ce rappel place le débat sur le terrain du pouvoir propre du juge des référés, limité par l’existence d’une contestation sérieuse. Le juge fonde son intervention sur l’article 834 précité, et garde la possibilité de prescrire des mesures conservatoires au titre de l’article 835. La cohérence est préservée: l’organe de la procédure a retenu la contestation sérieuse sur certains chefs, et a restreint son intervention aux mesures et provisions dont l’obligation ne prêtait pas à discussion sérieuse.
B. La date de résiliation et la remise en état des lieux Le juge retient la date de résiliation par application littérale du texte: “En application de l’article L. 641‑12 du code de commerce, la résiliation du bail […] intervient au jour où le bailleur est informé de la décision du liquidateur de ne pas continuer le bail.” La notification de début octobre 2024 fixe donc la date effective, ce qui conditionne le reste du raisonnement, notamment quant à la restitution et au traitement des biens restés sur place.
S’agissant des biens, la référence au code des procédures civiles d’exécution éclaire le dispositif matériel de libération: “Les articles L. 433‑1 et L. 433‑2 […] disposent que ‘Les meubles se trouvant sur les lieux sont remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle‑ci désigne. A défaut, ils sont laissés sur place ou entreposés […] A l’expiration du délai imparti, il est procédé à la mise en vente […]’.” Le juge articule ainsi la fin du bail avec un régime d’exécution adapté, évitant de faire peser sur le bailleur la charge matérielle ou financière d’une évacuation non organisée. La décision écarte l’argument tiré d’un changement de serrures équivalant à une restitution, en retenant que l’obligation de quitter et vider demeure certaine après résiliation.
La transition est nette: l’office en référé fixé, la décision examine alors la nature des créances invoquées et la possibilité d’une provision, au prisme des textes propres à la liquidation.
II. Le traitement des créances postérieures et les bornes de l’office en référé
A. La provision pour loyers et taxe foncière au titre des créances postérieures Le juge vise d’abord la clé de voûte textuelle de la liquidation: “En application de l’article 641‑13 du code de commerce, lorsqu’elles ne sont pas payées à l’échéance, les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire sont payées par privilège conformément à l’article L. 643‑8.” Il en déduit que des loyers exigibles à la fin de l’été 2024 et une taxe foncière due au titre de l’occupation relèvent des créances postérieures nées régulièrement, dès lors qu’elles s’attachent au déroulement utile de la procédure.
La mécanique du référé se referme ensuite par l’appréciation de l’évidence de l’obligation: “Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier.” La provision est accordée, après déduction du dépôt de garantie, avec intérêts légaux à compter de la décision et capitalisation (C. civ., art. 1231‑6 et 1343‑2). La motivation retient une lecture finaliste du critère de l’utilité, spécialement pour la taxe foncière liée à des locaux non encore libérés. La solution s’inscrit dans une jurisprudence attentive à l’occupation nécessaire à la liquidation, même si l’articulation temporelle exacte entre conversion et exigibilité des loyers pourrait susciter des débats ponctuels.
Cette issue présente une double cohérence. D’abord avec l’économie du privilège des créances postérieures, destiné à fluidifier la procédure et ses charges courantes. Ensuite avec l’office du juge des référés, limité à l’allocation d’une somme lorsque l’obligation ne prête pas sérieusement à discussion. Le juge évite ainsi de trancher des questions techniques excédant son pouvoir, tout en sécurisant le bailleur pour la part indiscutable de sa créance.
B. L’indemnité d’occupation et la responsabilité personnelle: des prétentions heurtant la contestation sérieuse Le juge écarte l’indemnité d’occupation en retenant une “contestation sérieuse sur le caractère privilégié” de cette créance, faute de maintien de l’activité. En l’absence de qualification de créance postérieure privilégiée, la demande ressortit à la déclaration de créance et à la compétence du juge-commissaire. L’office du juge des référés rejoint ici celui du juge naturel de la procédure collective, garant de l’égalité des créanciers et du respect du rang. La prudence est bienvenue, l’indemnité d’occupation post‑résiliation suscitant des solutions nuancées selon l’utilité avérée pour la procédure.
Quant à la responsabilité personnelle du mandataire, le juge constate que son examen “excède les pouvoirs du juge des référés” en présence d’une contestation sérieuse. L’appréciation d’une faute dans l’exercice du mandat, a fortiori détachable de celui‑ci, suppose un débat de fond et un contrôle serré des diligences accomplies. La décision respecte cette exigence, en refusant de caractériser une faute dans le cadre sommaire du référé, tout en rejetant la demande reconventionnelle pour abus, faute d’élément probant.
Ce bornage de l’office consolide enfin le traitement des frais. La condamnation aux dépens et l’allocation d’une somme au titre de l’article 700 sont cohérentes avec l’issue principale du litige, les chefs accueillis révélant l’utilité de l’action. Par un juste équilibre, le juge garantit la restitution juridique des lieux, sécurise les créances les plus évidentes, et renvoie au juge naturel les points qui supposent un examen approfondi.
Par une ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire d’Angers le 19 juin 2025, le juge a statué sur les suites d’un bail commercial après liquidation judiciaire du locataire. L’affaire naît d’un contrat de sous‑location conclu en 2014 sur un entrepôt, suivi d’impayés, d’un commandement, d’un redressement, puis d’une liquidation prononcée en septembre 2024. Les organes de la procédure ont notifié leur décision de résilier le bail début octobre 2024.
Le bailleur a saisi le juge des référés pour voir constater la résiliation au 3 octobre 2024, obtenir la libération des lieux, une provision au titre de loyers et taxe foncière, et une indemnité d’occupation. Étaient également sollicitées des condamnations au titre des dépens et de l’article 700, ainsi qu’une responsabilité personnelle du mandataire. Le liquidateur a opposé une contestation de compétence, a soutenu que la restitution était acquise, et a combattu la nature privilégiée des créances, tout en invoquant l’intérêt collectif des créanciers.
La difficulté centrale porte sur l’office du juge des référés en présence d’une liquidation et d’un bail résilié, ainsi que sur la qualification de créances postérieures “utiles” susceptibles d’une provision. Le juge rappelle d’abord son cadre légal: “En vertu de l’article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire […] peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.” Il ajoute: “Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier.” Retenant la tardiveté de l’exception d’incompétence, il constate la résiliation au 3 octobre 2024 sur le fondement de l’article L. 641‑12 du code de commerce, ordonne l’application du régime des biens laissés sur place (CPCE, art. L. 433‑1 et L. 433‑2), accorde une provision pour loyers et taxe foncière, mais écarte l’indemnité d’occupation et toute responsabilité personnelle en référé.
I. L’office du juge des référés à l’épreuve des procédures collectives
A. La compétence retenue malgré l’ombre du juge-commissaire
Le juge ouvre l’analyse par le rappel procédural contraignant: “En vertu de l’article 74 du code de procédure civile, les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond […] Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public.” La contestation de compétence n’ayant pas été soulevée in limine litis, son rejet s’imposait. La solution est classique: la compétence d’attribution du juge-commissaire, parfois regardée comme exclusive pour des incidents nés de la liquidation, n’autorise pas saisine d’office sur ce point.
Ce rappel place le débat sur le terrain du pouvoir propre du juge des référés, limité par l’existence d’une contestation sérieuse. Le juge fonde son intervention sur l’article 834 précité, et garde la possibilité de prescrire des mesures conservatoires au titre de l’article 835. La cohérence est préservée: l’organe de la procédure a retenu la contestation sérieuse sur certains chefs, et a restreint son intervention aux mesures et provisions dont l’obligation ne prêtait pas à discussion sérieuse.
B. La date de résiliation et la remise en état des lieux
Le juge retient la date de résiliation par application littérale du texte: “En application de l’article L. 641‑12 du code de commerce, la résiliation du bail […] intervient au jour où le bailleur est informé de la décision du liquidateur de ne pas continuer le bail.” La notification de début octobre 2024 fixe donc la date effective, ce qui conditionne le reste du raisonnement, notamment quant à la restitution et au traitement des biens restés sur place.
S’agissant des biens, la référence au code des procédures civiles d’exécution éclaire le dispositif matériel de libération: “Les articles L. 433‑1 et L. 433‑2 […] disposent que ‘Les meubles se trouvant sur les lieux sont remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle‑ci désigne. A défaut, ils sont laissés sur place ou entreposés […] A l’expiration du délai imparti, il est procédé à la mise en vente […]’.” Le juge articule ainsi la fin du bail avec un régime d’exécution adapté, évitant de faire peser sur le bailleur la charge matérielle ou financière d’une évacuation non organisée. La décision écarte l’argument tiré d’un changement de serrures équivalant à une restitution, en retenant que l’obligation de quitter et vider demeure certaine après résiliation.
La transition est nette: l’office en référé fixé, la décision examine alors la nature des créances invoquées et la possibilité d’une provision, au prisme des textes propres à la liquidation.
II. Le traitement des créances postérieures et les bornes de l’office en référé
A. La provision pour loyers et taxe foncière au titre des créances postérieures
Le juge vise d’abord la clé de voûte textuelle de la liquidation: “En application de l’article 641‑13 du code de commerce, lorsqu’elles ne sont pas payées à l’échéance, les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire sont payées par privilège conformément à l’article L. 643‑8.” Il en déduit que des loyers exigibles à la fin de l’été 2024 et une taxe foncière due au titre de l’occupation relèvent des créances postérieures nées régulièrement, dès lors qu’elles s’attachent au déroulement utile de la procédure.
La mécanique du référé se referme ensuite par l’appréciation de l’évidence de l’obligation: “Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier.” La provision est accordée, après déduction du dépôt de garantie, avec intérêts légaux à compter de la décision et capitalisation (C. civ., art. 1231‑6 et 1343‑2). La motivation retient une lecture finaliste du critère de l’utilité, spécialement pour la taxe foncière liée à des locaux non encore libérés. La solution s’inscrit dans une jurisprudence attentive à l’occupation nécessaire à la liquidation, même si l’articulation temporelle exacte entre conversion et exigibilité des loyers pourrait susciter des débats ponctuels.
Cette issue présente une double cohérence. D’abord avec l’économie du privilège des créances postérieures, destiné à fluidifier la procédure et ses charges courantes. Ensuite avec l’office du juge des référés, limité à l’allocation d’une somme lorsque l’obligation ne prête pas sérieusement à discussion. Le juge évite ainsi de trancher des questions techniques excédant son pouvoir, tout en sécurisant le bailleur pour la part indiscutable de sa créance.
B. L’indemnité d’occupation et la responsabilité personnelle: des prétentions heurtant la contestation sérieuse
Le juge écarte l’indemnité d’occupation en retenant une “contestation sérieuse sur le caractère privilégié” de cette créance, faute de maintien de l’activité. En l’absence de qualification de créance postérieure privilégiée, la demande ressortit à la déclaration de créance et à la compétence du juge-commissaire. L’office du juge des référés rejoint ici celui du juge naturel de la procédure collective, garant de l’égalité des créanciers et du respect du rang. La prudence est bienvenue, l’indemnité d’occupation post‑résiliation suscitant des solutions nuancées selon l’utilité avérée pour la procédure.
Quant à la responsabilité personnelle du mandataire, le juge constate que son examen “excède les pouvoirs du juge des référés” en présence d’une contestation sérieuse. L’appréciation d’une faute dans l’exercice du mandat, a fortiori détachable de celui‑ci, suppose un débat de fond et un contrôle serré des diligences accomplies. La décision respecte cette exigence, en refusant de caractériser une faute dans le cadre sommaire du référé, tout en rejetant la demande reconventionnelle pour abus, faute d’élément probant.
Ce bornage de l’office consolide enfin le traitement des frais. La condamnation aux dépens et l’allocation d’une somme au titre de l’article 700 sont cohérentes avec l’issue principale du litige, les chefs accueillis révélant l’utilité de l’action. Par un juste équilibre, le juge garantit la restitution juridique des lieux, sécurise les créances les plus évidentes, et renvoie au juge naturel les points qui supposent un examen approfondi.