Cour d’appel de Rouen, le 19 juin 2025, n°24/01182
Cour d’appel de Rouen, 19 juin 2025. La décision porte sur le régime temporel de l’action en garantie des vices cachés et ses effets en contexte de procédure collective, à propos d’un moteur vendu neuf et monté par un réparateur pour un client professionnel. Après intervention et pannes persistantes, une expertise amiable a attribué l’avarie au bloc moteur. Le client final a assigné le réparateur en 2014, lequel a recherché la garantie du fournisseur, ultérieurement placé en redressement, puis liquidation.
Sur la procédure, une assignation en juin 2014 a visé le réparateur, suivie d’une assignation en juillet 2014 par le réparateur pour expertise visant le fournisseur. Une ordonnance d’octobre 2014 a refusé l’expertise judiciaire. Une déclaration de créance a été adressée au mandataire en décembre 2015. Le juge‑commissaire, par ordonnance de décembre 2021, s’est déclaré incompétent pour statuer sur le fond. Une assignation au fond a été délivrée en janvier 2022. En première instance, la fin de non‑recevoir tirée de la forclusion biennale a été accueillie.
L’appelante soutenait la nature prescriptive du délai de l’article 1648, son interruption par l’assignation en référé et par la déclaration de créance, ainsi que l’existence d’un vice caché indemnisable. L’intimée plaidait la forclusion insusceptible d’interruption, à tout le moins une prescription acquise, l’absence de vice ou, subsidiairement, des fautes exclusives du réparateur, et invoquait une perte de chance d’être garantie.
La question posée était double. D’abord, savoir si le délai biennal de l’article 1648 est un délai de prescription susceptible d’interruption par une assignation en référé et par une déclaration de créance, y compris avec effet prolongé jusqu’à la clôture. Ensuite, déterminer si la preuve du vice caché et du préjudice était rapportée au vu de l’expertise amiable et des pièces comptables. La cour répond affirmativement sur la prescription, la recevabilité et l’indemnisation, énonçant notamment que « Le délai biennal prévu à l’article 1648 alinéa 1er du code civil […] est un délai de prescription », que « Le délai de deux ans a été interrompu », et que « La déclaration de créance […] constitue une demande en justice qui interrompt la prescription et cet effet se prolonge jusqu’à la clôture de la procédure collective ». Elle retient l’existence du vice, en relevant que « l’absence du coussinet inférieur de palier de vilebrequin côté distribution explique le phénomène » et que « en outre nous estimons que l’assuré n’a pas commis de faute lors de son intervention initiale ».
I. Le sens de la décision : la consécration d’un régime prescriptif et son application chronologique
A. La nature prescriptive du délai et les actes interruptifs admis
La cour s’aligne sur l’orientation désormais consolidée, rappelant que « Le délai biennal prévu à l’article 1648 alinéa 1er du code civil […] est un délai de prescription (Cour de cassation, ch. mixtes, 21 juillet 2023, n° 21‑15.809) ». Cette qualification ouvre l’accès au droit commun des causes d’interruption, en particulier l’assignation, y compris en référé, dès lors qu’elle tend à la reconnaissance du droit.
L’arrêt admet, de façon explicite, l’efficacité interruptive d’une assignation aux fins d’expertise, en retenant qu’« il ne peut être soutenu utilement que cette assignation était une simple mise en cause […] et n’a pas interrompu la prescription ». La formule claire « Le délai de deux ans a été interrompu » consacre un traitement substantiel de la demande de référé, appréciée au regard de son objet probatoire et de son rattachement direct à l’action de garantie. La solution s’inscrit dans une logique de protection de l’action utile, sans confondre mesure d’instruction et action au fond.
B. Le point de départ, la chronologie des interruptions et la recevabilité finale
La cour fixe le dies a quo à la connaissance du défaut, retenant que « Le 24 mai 2013 est donc le point de départ du délai de prescription ». Elle déroule ensuite la mécanique interruptive. L’assignation de juillet 2014 fait courir « un nouveau délai de deux ans […] jusqu’au 11 juillet 2016 ». Entre‑temps, une déclaration de créance a été régulièrement formée.
L’arrêt consacre nettement la portée de cette déclaration en jugeant que « La déclaration de créance à la procédure collective du débiteur constitue une demande en justice qui interrompt la prescription et cet effet se prolonge jusqu’à la clôture de la procédure collective ». En l’absence de clôture, la prescription n’était pas acquise au jour de l’assignation au fond de janvier 2022, si bien que « l’action en garantie des vices cachés est recevable ». La démonstration, chronologique et précise, articule utilement les deux vecteurs interruptifs pour rétablir l’accès au juge.
II. La valeur et la portée : contrôle probatoire du vice caché et incidences pratiques en chaîne
A. L’établissement du vice et l’absence de faute du réparateur
S’agissant du fond, la cour confère une force persuasive déterminante à l’expertise amiable, corroborée par l’absence de contestation sérieuse lors des opérations initiales. Le cœur technique est synthétisé par l’extrait suivant : « l’absence du coussinet inférieur de palier de vilebrequin côté distribution explique le phénomène ». Ce défaut interne, préexistant, rend le moteur impropre à son usage normal.
La juridiction souligne, en outre, la diligence professionnelle du réparateur et l’adéquation de ses opérations, citant que « en outre nous estimons que l’assuré n’a pas commis de faute lors de son intervention initiale, il n’appartenait pas au technicien […] de vérifier la présence de tous les coussinets ». La conclusion s’impose alors avec mesure : « L’existence d’un vice caché affectant le moteur vendu est établie », ce qui commande réparation à la charge du fournisseur.
B. L’indemnisation retenue et le rejet de la perte de chance
Sur l’évaluation, l’arrêt admet les postes documentés, y compris les diagnostics et la location d’un matériel de remplacement, qui apparaissent nécessaires et proportionnés. La cour valide la logique de déduction des sommes déjà prises en charge au titre de la garantie de pièces, pour aboutir à la fixation d’un reliquat conforme à la déclaration.
La demande reconventionnelle en perte de chance du fournisseur est écartée avec netteté, la cour relevant qu’il disposait des informations pertinentes dès 2013 et pouvait diligenter ses recours. La motivation se referme sur une formule dépourvue d’ambiguïté, retenant qu’il « ne peut donc se prévaloir d’une quelconque perte de chance ». La solution clarifie les responsabilités dans une chaîne de contrats entre professionnels et stimule la célérité des déclarations d’assurance.
I. La qualification prescriptive, combinée à l’efficacité interruptive d’une assignation en référé et d’une déclaration de créance, offre une sécurité temporelle accrue aux actions en garantie. II. La reconnaissance du vice par l’expertise amiable, adossée à l’absence de faute du réparateur, consolide l’indemnisation des frais utiles et écarte les prétentions dilatoires en perte de chance.
Cour d’appel de Rouen, 19 juin 2025. La décision porte sur le régime temporel de l’action en garantie des vices cachés et ses effets en contexte de procédure collective, à propos d’un moteur vendu neuf et monté par un réparateur pour un client professionnel. Après intervention et pannes persistantes, une expertise amiable a attribué l’avarie au bloc moteur. Le client final a assigné le réparateur en 2014, lequel a recherché la garantie du fournisseur, ultérieurement placé en redressement, puis liquidation.
Sur la procédure, une assignation en juin 2014 a visé le réparateur, suivie d’une assignation en juillet 2014 par le réparateur pour expertise visant le fournisseur. Une ordonnance d’octobre 2014 a refusé l’expertise judiciaire. Une déclaration de créance a été adressée au mandataire en décembre 2015. Le juge‑commissaire, par ordonnance de décembre 2021, s’est déclaré incompétent pour statuer sur le fond. Une assignation au fond a été délivrée en janvier 2022. En première instance, la fin de non‑recevoir tirée de la forclusion biennale a été accueillie.
L’appelante soutenait la nature prescriptive du délai de l’article 1648, son interruption par l’assignation en référé et par la déclaration de créance, ainsi que l’existence d’un vice caché indemnisable. L’intimée plaidait la forclusion insusceptible d’interruption, à tout le moins une prescription acquise, l’absence de vice ou, subsidiairement, des fautes exclusives du réparateur, et invoquait une perte de chance d’être garantie.
La question posée était double. D’abord, savoir si le délai biennal de l’article 1648 est un délai de prescription susceptible d’interruption par une assignation en référé et par une déclaration de créance, y compris avec effet prolongé jusqu’à la clôture. Ensuite, déterminer si la preuve du vice caché et du préjudice était rapportée au vu de l’expertise amiable et des pièces comptables. La cour répond affirmativement sur la prescription, la recevabilité et l’indemnisation, énonçant notamment que « Le délai biennal prévu à l’article 1648 alinéa 1er du code civil […] est un délai de prescription », que « Le délai de deux ans a été interrompu », et que « La déclaration de créance […] constitue une demande en justice qui interrompt la prescription et cet effet se prolonge jusqu’à la clôture de la procédure collective ». Elle retient l’existence du vice, en relevant que « l’absence du coussinet inférieur de palier de vilebrequin côté distribution explique le phénomène » et que « en outre nous estimons que l’assuré n’a pas commis de faute lors de son intervention initiale ».
I. Le sens de la décision : la consécration d’un régime prescriptif et son application chronologique
A. La nature prescriptive du délai et les actes interruptifs admis
La cour s’aligne sur l’orientation désormais consolidée, rappelant que « Le délai biennal prévu à l’article 1648 alinéa 1er du code civil […] est un délai de prescription (Cour de cassation, ch. mixtes, 21 juillet 2023, n° 21‑15.809) ». Cette qualification ouvre l’accès au droit commun des causes d’interruption, en particulier l’assignation, y compris en référé, dès lors qu’elle tend à la reconnaissance du droit.
L’arrêt admet, de façon explicite, l’efficacité interruptive d’une assignation aux fins d’expertise, en retenant qu’« il ne peut être soutenu utilement que cette assignation était une simple mise en cause […] et n’a pas interrompu la prescription ». La formule claire « Le délai de deux ans a été interrompu » consacre un traitement substantiel de la demande de référé, appréciée au regard de son objet probatoire et de son rattachement direct à l’action de garantie. La solution s’inscrit dans une logique de protection de l’action utile, sans confondre mesure d’instruction et action au fond.
B. Le point de départ, la chronologie des interruptions et la recevabilité finale
La cour fixe le dies a quo à la connaissance du défaut, retenant que « Le 24 mai 2013 est donc le point de départ du délai de prescription ». Elle déroule ensuite la mécanique interruptive. L’assignation de juillet 2014 fait courir « un nouveau délai de deux ans […] jusqu’au 11 juillet 2016 ». Entre‑temps, une déclaration de créance a été régulièrement formée.
L’arrêt consacre nettement la portée de cette déclaration en jugeant que « La déclaration de créance à la procédure collective du débiteur constitue une demande en justice qui interrompt la prescription et cet effet se prolonge jusqu’à la clôture de la procédure collective ». En l’absence de clôture, la prescription n’était pas acquise au jour de l’assignation au fond de janvier 2022, si bien que « l’action en garantie des vices cachés est recevable ». La démonstration, chronologique et précise, articule utilement les deux vecteurs interruptifs pour rétablir l’accès au juge.
II. La valeur et la portée : contrôle probatoire du vice caché et incidences pratiques en chaîne
A. L’établissement du vice et l’absence de faute du réparateur
S’agissant du fond, la cour confère une force persuasive déterminante à l’expertise amiable, corroborée par l’absence de contestation sérieuse lors des opérations initiales. Le cœur technique est synthétisé par l’extrait suivant : « l’absence du coussinet inférieur de palier de vilebrequin côté distribution explique le phénomène ». Ce défaut interne, préexistant, rend le moteur impropre à son usage normal.
La juridiction souligne, en outre, la diligence professionnelle du réparateur et l’adéquation de ses opérations, citant que « en outre nous estimons que l’assuré n’a pas commis de faute lors de son intervention initiale, il n’appartenait pas au technicien […] de vérifier la présence de tous les coussinets ». La conclusion s’impose alors avec mesure : « L’existence d’un vice caché affectant le moteur vendu est établie », ce qui commande réparation à la charge du fournisseur.
B. L’indemnisation retenue et le rejet de la perte de chance
Sur l’évaluation, l’arrêt admet les postes documentés, y compris les diagnostics et la location d’un matériel de remplacement, qui apparaissent nécessaires et proportionnés. La cour valide la logique de déduction des sommes déjà prises en charge au titre de la garantie de pièces, pour aboutir à la fixation d’un reliquat conforme à la déclaration.
La demande reconventionnelle en perte de chance du fournisseur est écartée avec netteté, la cour relevant qu’il disposait des informations pertinentes dès 2013 et pouvait diligenter ses recours. La motivation se referme sur une formule dépourvue d’ambiguïté, retenant qu’il « ne peut donc se prévaloir d’une quelconque perte de chance ». La solution clarifie les responsabilités dans une chaîne de contrats entre professionnels et stimule la célérité des déclarations d’assurance.
I. La qualification prescriptive, combinée à l’efficacité interruptive d’une assignation en référé et d’une déclaration de créance, offre une sécurité temporelle accrue aux actions en garantie. II. La reconnaissance du vice par l’expertise amiable, adossée à l’absence de faute du réparateur, consolide l’indemnisation des frais utiles et écarte les prétentions dilatoires en perte de chance.