Cour d’appel de Paris, le 9 juillet 2025, n°24/10785
Par un arrêt du 9 juillet 2025, Cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 1), est confirmée une ordonnance du 25 avril 2024 du juge de la mise en état. Le contentieux naît d’un conflit opposant une société de production et des sociétés audiovisuelles, sur fond de reprises d’extraits télévisés et d’allégations de dénigrement. Assignée pour contrefaçon et concurrence déloyale, l’appelante a soulevé une exception d’incompétence au profit d’une juridiction consulaire, visant des faits de responsabilité délictuelle prétendument commis sur l’ensemble du territoire.
Le juge de la mise en état a déclaré l’exception irrecevable, au motif que le déclinatoire ne désignait pas la juridiction territorialement compétente. L’appel introduit le 19 juin 2024 soutenait qu’une option de compétence fondée sur l’article 46 du code de procédure civile dispensait de choisir un tribunal déterminé, et que la précision pouvait intervenir dans des écritures ultérieures. La question portait donc sur la rigueur des exigences de l’article 75 du code de procédure civile et sur l’impossibilité de régulariser a posteriori une exception incomplète. La solution confirmée retient l’irrecevabilité, la précision de la juridiction devant intervenir dans le déclinatoire initial, sans que des conclusions ultérieures puissent y suppléer.
I. L’exigence de désignation précise posée par l’article 75 du code de procédure civile
A. Le contenu impératif du déclinatoire
Le texte central impose une charge de précision renforcée. La juridiction d’appel rappelle le commandement du législateur en des termes sans équivoque. Elle énonce: « s’il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d’irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée ». La règle n’exige pas seulement le fondement, mais aussi la désignation de la juridiction, ce qui inclut l’assise matérielle et le ressort territorial.
La motivation de l’arrêt retient expressément que la désignation attendue est double. La formulation est nette: « juridiction devant ainsi être précisée tant sur le plan de la compétence matérielle que territoriale ». En d’autres termes, la référence générique à une catégorie de juridictions est insuffisante. La partie décline la compétence de la juridiction saisie; elle doit simultanément indiquer le siège précis du juge appelé à connaître du litige. Cette lecture prohibe une démarche graduée où le domicile juridictionnel se préciserait ultérieurement.
B. La consécration jurisprudentielle de la sanction d’irrecevabilité
La solution confirmée s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle ancienne et constante. La cour vise d’abord le principe suivant: « C’est dans le déclinatoire de compétence et non ultérieurement que la partie qui soulève l’exception d’incompétence doit à peine d’irrecevabilité faire connaître devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée. Le défaut d’indication, dans le déclinatoire, de la juridiction prétendument compétente en raison du lieu, rend l’exception irrecevable. (Cass., Civ.2ème, 29 mai 1979). » La formule articule le moment, l’objet et la sanction, établissant une discipline procédurale ferme.
Surtout, la haute juridiction a validé une motivation autonome fondée sur ce seul défaut de désignation. Elle a jugé: « qu’ayant relevé que les sociétés n’avaient pas fait connaître dans le déclinatoire de compétence la juridiction devant laquelle elles demandaient que l’affaire soit portée, la cour d’appel a, par ce seul motif, exactement retenu que, ces sociétés n’ayant pas satisfait aux prescriptions de l’article 75 du code de procédure civile, l’exception d’incompétence qu’elles avaient soulevée était irrecevable » (Civ. 2e, 2 févr. 2012, n° 10-25.235). La présente décision transpose fidèlement cette solution, en refusant d’admettre des compléments apportés après l’acte initial. L’économie du texte et la finalité de célérité justifient cette rigueur.
II. Portée de la solution: option territoriale, régularisation et économie du procès
A. L’option de l’article 46 ne dispense pas du choix d’une juridiction
L’appelante invoquait la diffusion nationale des propos et le jeu de l’article 46 du code de procédure civile pour s’exonérer d’un choix territorial déterminé. La cour écarte l’argument, en rappelant que l’existence d’une pluralité de for ne supprime pas l’obligation de désigner l’un d’eux. Le caractère optionnel de la compétence offre un éventail; il n’autorise pas un renvoi indéterminé à une catégorie de juridictions. La précision reste requise dès le déclinatoire.
La motivation souligne encore que la désignation ultérieure ne régularise pas un déclinatoire incomplet. L’énoncé est explicite: « peu important qu’elle ait parfait sa motivation en mentionnant le tribunal de commerce de Paris dans des écritures postérieures au déclinatoire de compétence ». L’exigence de forme, ici substantielle, sanctionne l’omission initiale, même lorsque la compétence territoriale n’est pas contestée par ailleurs. L’intérêt est de fixer sans ambiguïté le juge appelé, afin d’éviter incertitudes et délais.
B. Conséquences pratiques et exigences de bonne administration de la justice
La solution renforce la lisibilité du procès et prévient les tactiques dilatoires. La sanction immédiate d’irrecevabilité incite les plaideurs à une diligence rédactionnelle, en définissant clairement le juge compétent. La cohérence du contentieux des exceptions s’en trouve accrue, le débat se focalisant sur des choix assumés plutôt que sur des désignations implicites. La sécurité juridique y gagne, à court terme, au prix d’une formalité plus stricte.
Certes, la rigueur peut paraître sévère lorsque l’option de l’article 46 ouvre plusieurs voies également pertinentes. L’arrêt rappelle toutefois que la liberté de choix implique une responsabilité de sélection. L’exigence sert la bonne administration de la justice, qui suppose une orientation immédiate et certaine du dossier. Le rappel des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile parachève la logique incitative, en internalisant le coût d’un manquement de forme imputable au plaideur.
A. La ratio legis et l’interprétation retenue
Le cœur de la décision tient dans l’articulation entre la finalité d’orientation rapide du litige et l’efficacité des exceptions. En imposant la désignation matérielle et territoriale, l’article 75 construit un filtre procédural. L’arrêt commente ce filtre au plus près du texte, en liant la sanction d’irrecevabilité à la défaillance initiale. La cohérence avec la jurisprudence de 1979 et de 2012 conforte l’interprétation adoptée.
La marge d’appréciation du juge du fond demeure limitée sur ce point, car la condition est posée « à peine d’irrecevabilité ». L’office du juge se borne à constater l’omission, sans pouvoir l’assouplir au nom d’une équité procédurale générale. La solution, en conséquence, s’affirme de principe, et paraît appelée à s’appliquer dans des hypothèses analogues, y compris en présence d’options concurrentes de compétence.
B. Perspectives et recommandations contentieuses
L’enseignement pratique est clair: l’exception d’incompétence doit viser un tribunal précisément identifié, choisi et assumé dès le déclinatoire. En présence d’une option territoriale, il convient de motiver le choix retenu et d’en mentionner les éléments pertinents, pour prévenir toute ambiguïté. La formulation générique expose à un rejet immédiat, sans possibilité de correction ultérieure par simples écritures.
Cette discipline procédurale favorise une économie du procès en évitant des renvois indéterminés et des surcoûts de procédure. Elle appelle, de la part des plaideurs, une vigilance accrue dans la rédaction initiale des moyens d’incompétence. L’arrêt de la Cour d’appel de Paris, 9 juillet 2025, en réaffirmant ces exigences, consolide une ligne jurisprudentielle de précision et de célérité, pleinement compatible avec les impératifs d’un contentieux responsable.
Par un arrêt du 9 juillet 2025, Cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 1), est confirmée une ordonnance du 25 avril 2024 du juge de la mise en état. Le contentieux naît d’un conflit opposant une société de production et des sociétés audiovisuelles, sur fond de reprises d’extraits télévisés et d’allégations de dénigrement. Assignée pour contrefaçon et concurrence déloyale, l’appelante a soulevé une exception d’incompétence au profit d’une juridiction consulaire, visant des faits de responsabilité délictuelle prétendument commis sur l’ensemble du territoire.
Le juge de la mise en état a déclaré l’exception irrecevable, au motif que le déclinatoire ne désignait pas la juridiction territorialement compétente. L’appel introduit le 19 juin 2024 soutenait qu’une option de compétence fondée sur l’article 46 du code de procédure civile dispensait de choisir un tribunal déterminé, et que la précision pouvait intervenir dans des écritures ultérieures. La question portait donc sur la rigueur des exigences de l’article 75 du code de procédure civile et sur l’impossibilité de régulariser a posteriori une exception incomplète. La solution confirmée retient l’irrecevabilité, la précision de la juridiction devant intervenir dans le déclinatoire initial, sans que des conclusions ultérieures puissent y suppléer.
I. L’exigence de désignation précise posée par l’article 75 du code de procédure civile
A. Le contenu impératif du déclinatoire
Le texte central impose une charge de précision renforcée. La juridiction d’appel rappelle le commandement du législateur en des termes sans équivoque. Elle énonce: « s’il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d’irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée ». La règle n’exige pas seulement le fondement, mais aussi la désignation de la juridiction, ce qui inclut l’assise matérielle et le ressort territorial.
La motivation de l’arrêt retient expressément que la désignation attendue est double. La formulation est nette: « juridiction devant ainsi être précisée tant sur le plan de la compétence matérielle que territoriale ». En d’autres termes, la référence générique à une catégorie de juridictions est insuffisante. La partie décline la compétence de la juridiction saisie; elle doit simultanément indiquer le siège précis du juge appelé à connaître du litige. Cette lecture prohibe une démarche graduée où le domicile juridictionnel se préciserait ultérieurement.
B. La consécration jurisprudentielle de la sanction d’irrecevabilité
La solution confirmée s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle ancienne et constante. La cour vise d’abord le principe suivant: « C’est dans le déclinatoire de compétence et non ultérieurement que la partie qui soulève l’exception d’incompétence doit à peine d’irrecevabilité faire connaître devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée. Le défaut d’indication, dans le déclinatoire, de la juridiction prétendument compétente en raison du lieu, rend l’exception irrecevable. (Cass., Civ.2ème, 29 mai 1979). » La formule articule le moment, l’objet et la sanction, établissant une discipline procédurale ferme.
Surtout, la haute juridiction a validé une motivation autonome fondée sur ce seul défaut de désignation. Elle a jugé: « qu’ayant relevé que les sociétés n’avaient pas fait connaître dans le déclinatoire de compétence la juridiction devant laquelle elles demandaient que l’affaire soit portée, la cour d’appel a, par ce seul motif, exactement retenu que, ces sociétés n’ayant pas satisfait aux prescriptions de l’article 75 du code de procédure civile, l’exception d’incompétence qu’elles avaient soulevée était irrecevable » (Civ. 2e, 2 févr. 2012, n° 10-25.235). La présente décision transpose fidèlement cette solution, en refusant d’admettre des compléments apportés après l’acte initial. L’économie du texte et la finalité de célérité justifient cette rigueur.
II. Portée de la solution: option territoriale, régularisation et économie du procès
A. L’option de l’article 46 ne dispense pas du choix d’une juridiction
L’appelante invoquait la diffusion nationale des propos et le jeu de l’article 46 du code de procédure civile pour s’exonérer d’un choix territorial déterminé. La cour écarte l’argument, en rappelant que l’existence d’une pluralité de for ne supprime pas l’obligation de désigner l’un d’eux. Le caractère optionnel de la compétence offre un éventail; il n’autorise pas un renvoi indéterminé à une catégorie de juridictions. La précision reste requise dès le déclinatoire.
La motivation souligne encore que la désignation ultérieure ne régularise pas un déclinatoire incomplet. L’énoncé est explicite: « peu important qu’elle ait parfait sa motivation en mentionnant le tribunal de commerce de Paris dans des écritures postérieures au déclinatoire de compétence ». L’exigence de forme, ici substantielle, sanctionne l’omission initiale, même lorsque la compétence territoriale n’est pas contestée par ailleurs. L’intérêt est de fixer sans ambiguïté le juge appelé, afin d’éviter incertitudes et délais.
B. Conséquences pratiques et exigences de bonne administration de la justice
La solution renforce la lisibilité du procès et prévient les tactiques dilatoires. La sanction immédiate d’irrecevabilité incite les plaideurs à une diligence rédactionnelle, en définissant clairement le juge compétent. La cohérence du contentieux des exceptions s’en trouve accrue, le débat se focalisant sur des choix assumés plutôt que sur des désignations implicites. La sécurité juridique y gagne, à court terme, au prix d’une formalité plus stricte.
Certes, la rigueur peut paraître sévère lorsque l’option de l’article 46 ouvre plusieurs voies également pertinentes. L’arrêt rappelle toutefois que la liberté de choix implique une responsabilité de sélection. L’exigence sert la bonne administration de la justice, qui suppose une orientation immédiate et certaine du dossier. Le rappel des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile parachève la logique incitative, en internalisant le coût d’un manquement de forme imputable au plaideur.
A. La ratio legis et l’interprétation retenue
Le cœur de la décision tient dans l’articulation entre la finalité d’orientation rapide du litige et l’efficacité des exceptions. En imposant la désignation matérielle et territoriale, l’article 75 construit un filtre procédural. L’arrêt commente ce filtre au plus près du texte, en liant la sanction d’irrecevabilité à la défaillance initiale. La cohérence avec la jurisprudence de 1979 et de 2012 conforte l’interprétation adoptée.
La marge d’appréciation du juge du fond demeure limitée sur ce point, car la condition est posée « à peine d’irrecevabilité ». L’office du juge se borne à constater l’omission, sans pouvoir l’assouplir au nom d’une équité procédurale générale. La solution, en conséquence, s’affirme de principe, et paraît appelée à s’appliquer dans des hypothèses analogues, y compris en présence d’options concurrentes de compétence.
B. Perspectives et recommandations contentieuses
L’enseignement pratique est clair: l’exception d’incompétence doit viser un tribunal précisément identifié, choisi et assumé dès le déclinatoire. En présence d’une option territoriale, il convient de motiver le choix retenu et d’en mentionner les éléments pertinents, pour prévenir toute ambiguïté. La formulation générique expose à un rejet immédiat, sans possibilité de correction ultérieure par simples écritures.
Cette discipline procédurale favorise une économie du procès en évitant des renvois indéterminés et des surcoûts de procédure. Elle appelle, de la part des plaideurs, une vigilance accrue dans la rédaction initiale des moyens d’incompétence. L’arrêt de la Cour d’appel de Paris, 9 juillet 2025, en réaffirmant ces exigences, consolide une ligne jurisprudentielle de précision et de célérité, pleinement compatible avec les impératifs d’un contentieux responsable.