Cour d’appel de Nouméa, le 23 juin 2025, n°23/00288

Cour d’appel de Nouméa, 23 juin 2025, a statué en matière de référé sur un recours en rétractation d’une ordonnance autorisant une saisie conservatoire. Le litige oppose le lotisseur d’un aménagement et l’association syndicale libre du lotissement à propos de désordres affectant la cinquième tranche et du financement des reprises. L’ordonnance sur requête du 30 décembre 2022 avait permis une saisie entre les mains d’un séquestre notarial, pour 282 574 093 F CFP.

Les faits tiennent à la réception des travaux le 1er février 2007, à la prise de possession par l’association en 2015, puis à une mesure d’expertise judiciaire ordonnée en 2017 et déposée en 2021. Le premier juge, par ordonnance du 25 août 2023, a rejeté la rétractation. L’appelante a soutenu l’absence de personnalité de l’association, l’absence de pouvoir de représentation, la prescription de l’action, et la renonciation prétendue. L’intimée a opposé la régularité des statuts publiés, le mandat de représentation, l’inopérance d’une prescription en référé, et l’urgence propre aux mesures conservatoires.

La question essentielle portait d’abord sur la qualité et l’intérêt à agir de l’association, ensuite sur le point de départ et la durée de la prescription invoquée, enfin sur la réunion des conditions de l’article 48 du code de procédure civile ancien applicable en Nouvelle-Calédonie. La Cour confirme la capacité pour agir, écarte la prescription quelle qu’en soit la qualification, et retient l’urgence et le péril avec une créance paraissant fondée en son principe. Elle énonce notamment que « La cour rappelle que la qualité pour agir en justice en son nom et pour son compte est une condition de recevabilité de la demande à condition de justifier d’un intérêt à agir. » Elle juge encore que « Le point de départ de la prescription quinquennale doit donc être fixé au jour de la prise de possession des lots entachés des désordres, soit le 3 mars 2015, ce qui lui confère qualité et intérêt à agir », en concluant que « Ainsi, c’est à juste titre que le premier juge a déclaré l’action de l’ASL ayant introduit son action le 18 novembre 2016 non prescrite. » Enfin, s’agissant de la mesure, « La cour confirme donc la décision entreprise en toutes ses dispositions. »

I. Sens et cohérence de la solution de recevabilité et de prescription

A. La capacité d’ester et la représentation de l’association syndicale
La Cour se fonde sur la loi du 21 juin 1865 applicable localement et sur la publication des statuts pour admettre la personnalité et la capacité de l’association. Les pièces démontrent une publication régulière et un mandat conféré par l’assemblée au syndicat, apte à représenter l’association en justice. L’énoncé de principe cité plus haut structure le raisonnement, qui articule qualité et intérêt à agir comme conditions cumulatives de recevabilité.

La motivation distingue le pouvoir d’ester, attaché à la personnalité, et le pouvoir de représenter, attaché au mandat. Le premier résulte de la formalité de publicité, le second d’une décision de l’assemblée. Le rejet de la fin de non-recevoir s’appuie ainsi sur des éléments datés et vérifiables, sans excéder l’office du juge des référés. La solution s’accorde avec le droit des associations syndicales libres, pour lesquelles la publicité vaut capacité, et le mandat régulièrement renouvelé vaut pouvoir.

B. Le point de départ de la prescription et l’absence de forclusion
La Cour tranche la difficulté en fixant l’ancrage de l’intérêt à agir à la prise de possession des biens. En retenant que « Le point de départ de la prescription quinquennale doit donc être fixé au jour de la prise de possession des lots entachés des désordres, soit le 3 mars 2015, ce qui lui confère qualité et intérêt à agir », elle lie utilement la recevabilité à l’effectivité des droits transmis. Ce choix écarte une computation antérieure, inopérante tant que le titulaire n’est pas en mesure d’agir.

L’argumentation opère ensuite une vérification cumulative. D’une part, l’éventuelle prescription quinquennale n’était pas acquise au jour de l’assignation en 2016. D’autre part, l’action se situait avant l’échéance d’une éventuelle prescription décennale courant de la réception de 2007. Le raisonnement rejoint l’affirmation selon laquelle « Ainsi, c’est à juste titre que le premier juge a déclaré l’action de l’ASL […] non prescrite. » La Cour évite ainsi un débat de fond en référé, tout en assurant la sécurité des mesures conservatoires.

II. Portée de la confirmation des mesures conservatoires et garanties des créanciers

A. L’articulation de l’urgence, du péril et de la créance paraissant fondée
Le texte applicable dispose que, « En cas d’urgence et si le recouvrement de la créance semble en péril, le président […] pourra autoriser tout créancier, justifiant d’une créance paraissant fondée en son principe, à saisir à titre conservatoire les meubles appartenant à son débiteur. » La Cour s’inscrit dans ce cadre, en identifiant trois conditions conciliées: l’urgence, le péril au recouvrement, et l’apparence sérieuse de la créance.

L’existence d’une créance paraissant fondée découle des constatations expertales et d’un arrêt antérieur de la juridiction d’appel, ayant déjà retenu le principe de la dette pour un montant équivalent. Le péril tient à la situation financière alléguée et aux opérations de réalisation d’actifs par le débiteur. L’urgence résulte de la nécessité de préserver l’exécution éventuelle d’une condamnation, eu égard au coût élevé des reprises. L’ensemble justifie le refus de la rétractation et la conservation de l’ordonnance sur requête.

B. Sécurité des opérations de lotissement et stabilité des garanties
La décision présente un intérêt pratique pour la gestion des équipements communs de lotissements. En rattachant l’intérêt à agir à la prise de possession, elle oriente la stratégie contentieuse des associations vers un calendrier cohérent avec les transferts. En confirmant la saisie conservatoire, elle solidifie l’usage des mesures de sûreté pour anticiper les délais des procédures au fond en matière de désordres d’aménagement.

Cette position renforce la protection des créanciers collectifs d’un lotissement. Elle ménage l’équilibre entre l’office du juge des référés, le respect des formalités de la loi de 1865, et l’efficacité de l’article 48 du code de procédure civile ancien. La formule finale, « La cour confirme donc la décision entreprise en toutes ses dispositions », souligne une cohérence d’ensemble, favorable à la prévention des risques d’insolvabilité et à la sécurisation du financement des réparations.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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