Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 19 juin 2025, n°25/02141
Par un arrêt sur déféré du 19 juin 2025, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a infirmé une ordonnance de caducité partielle prononcée par le conseiller de la mise en état. Le litige tenait à la portée de l’article 902 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du 1er septembre 2024, appliqué à une signification de déclaration d’appel intervenue dans le délai légal.
Une société commerciale a interjeté appel le 26 novembre 2024 contre un jugement du tribunal de commerce de Toulon du 16 octobre 2024 impliquant plusieurs intimés. Le greffe a, le 31 décembre 2024, adressé un avis d’avoir à signifier la déclaration d’appel à l’intimé demeuré non constitué. La signification a été effectuée par acte du 17 janvier 2025, dans le mois de l’avis.
Le 3 février 2025, un avis de caducité a invité l’appelante à présenter des observations dans un délai de dix jours. Faute de réponse, le 18 février 2025, la caducité partielle a été prononcée à l’égard de l’intimé non constitué. L’appelante a saisi la Cour d’un déféré le 20 février 2025, signifié à l’intimé concerné le 11 mars 2025. Les autres intimés constitués n’ont pas conclu sur le déféré.
L’appelante soutenait avoir respecté l’article 902 du code de procédure civile, la signification étant intervenue dans le délai d’un mois suivant l’avis. La question posée était dès lors de savoir si l’absence de justification dans le délai imparti par l’avis de caducité pouvait, malgré la diligence accomplie en temps utile, fonder la caducité. La Cour a jugé que la sanction de l’article 902 ne pouvait être retenue, la signification ayant été régulièrement réalisée dans le mois, tout en laissant les dépens du déféré à la charge de l’appelante.
I – Les exigences de l’article 902 du code de procédure civile et leur mise en œuvre chronologique
A – Le nouveau cadre textuel de la signification de la déclaration d’appel
La Cour rappelle d’abord la lettre de l’article 902, dans sa version applicable à l’instance. Le texte prévoit que le greffe avise l’appelant de signifier la déclaration d’appel à l’intimé qui n’a pas constitué avocat à l’expiration d’un mois à compter de l’envoi de la notification. Il précise surtout que, « à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office, la signification doit être effectuée dans le mois suivant la réception de cet avis ». La décision cite encore les mentions obligatoires de l’acte et la bascule, en cas de constitution intervenue avant signification, vers la notification à l’avocat.
Ce rappel souligne le caractère légal, automatique et objectif de la sanction. Le délai d’un mois court de la réception de l’avis par l’avocat de l’appelant, et non de son émission. La structure de l’article dissocie nettement l’office du greffe, l’obligation de diligence de l’appelant et la sanction attachée à l’inexécution. En s’alignant sur la lettre du texte, l’arrêt circonscrit l’examen à la seule condition utile à la caducité: la réalisation ou non de la signification dans le mois.
B – La computation des délais et la preuve de la diligence dans l’espèce
La Cour opère une computation précise des délais. Elle énonce que l’avis a été réceptionné le 31 décembre 2024 à 9 h 41, si bien que le mois expirait « le vendredi 31 janvier 2025 à vingt-quatre heures », « par application des articles 640, 641 et 642 du code de procédure civile ». La diligence exigée par l’article 902 ayant été accomplie le 17 janvier 2025, la condition de la caducité n’était pas remplie.
Le cœur du raisonnement est formulé sans équivoque. La Cour relève: « Si cette appelante a ainsi été défaillante dans le délai de dix jours -et non pas quinze- fixé par le magistrat de la mise en état pour écarter la caducité encourue, cette caducité ne peut in fine pas être confirmée puisque la signification exigée par l’article 902 du code de procédure civile a bien été effectuée dans le mois suivant la réception de l’avis du 31 décembre 2024. » Le manquement à l’invitation à produire des observations ne crée pas une cause autonome de caducité, laquelle demeure strictement gouvernée par l’article 902. La caducité n’est pas attachée à la communication de la preuve dans un délai de gestion, mais à l’inexécution de la signification dans le délai légal.
II – La portée contentieuse de l’infirmation au regard de l’office du juge de la mise en état
A – L’avis de caducité comme instrument de gestion et la délimitation de la sanction
L’arrêt opère une distinction nette entre l’outil procédural de gestion des instances et la sanction textuelle. L’avis de caducité incite l’appelant à régulariser ou à justifier rapidement, mais il n’élargit pas les causes légales de caducité. En contrôlant in concreto la date de la signification, la Cour réaffirme que l’office du conseiller de la mise en état consiste à constater la réunion des conditions légales, non à ériger en cause de caducité l’inexécution d’une invitation probatoire interne.
La solution s’inscrit dans une lecture littérale et finaliste du texte. Le mécanisme de l’article 902 vise à assurer, dans un tempo resserré, la mise en état contradictoire de l’instance d’appel. Il sanctionne l’inaction sur l’acte de signification, non l’inertie relative à la transmission de la preuve dans un délai court. La censure est logique: « L’ordonnance déférée est en conséquence infirmée. » La valeur de la décision tient à la protection du principe de légalité des sanctions procédurales et à la sécurité des diligences accomplies dans les temps.
B – Conséquences pratiques: vigilance sur les délais légaux et discipline probatoire
La décision appelle une double vigilance pratique. D’une part, l’exigence cardinale demeure la réalisation de l’acte dans le mois à compter de la réception de l’avis. Les praticiens doivent anticiper les aléas de remise et conserver une preuve datée, immédiatement exploitable. D’autre part, la transmission rapide de cette preuve au greffe reste opportune, sans constituer un préalable à l’existence de la diligence légalement efficace. Le défaut de communication peut générer une ordonnance infondée qu’il faudra déférer, avec un coût procédural.
La portée est opérationnelle. La Cour admet que l’absence de réponse à un avis de dix jours ne transforme pas une signification régulière en cause de caducité. Elle rétablit l’économie du texte, en réservant la sanction aux seuls cas d’inexécution dans le délai légal. Le dispositif en témoigne, qui énonce: « Dit n’y avoir lieu à prononcé de caducité. » L’équilibre est toutefois maintenu par la mise à la charge de l’appelante des dépens du déféré, la carence de justification ayant provoqué l’ordonnance erronée. La solution concilie la rigueur des délais légaux avec une discipline procédurale minimale, propre à prévenir les dérives dilatoires sans créer de sanctions sans texte.
Ainsi, l’arrêt précise le sens de l’article 902 dans sa version récente et en fixe la mesure. Il protège l’efficacité des diligences réellement accomplies et borne l’office du juge de la mise en état à la vérification des conditions textuelles de la caducité. Cette clarification, attendue, sécurise la pratique et renforce la prévisibilité des conséquences procédurales attachées aux avis du greffe.
Par un arrêt sur déféré du 19 juin 2025, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a infirmé une ordonnance de caducité partielle prononcée par le conseiller de la mise en état. Le litige tenait à la portée de l’article 902 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du 1er septembre 2024, appliqué à une signification de déclaration d’appel intervenue dans le délai légal.
Une société commerciale a interjeté appel le 26 novembre 2024 contre un jugement du tribunal de commerce de Toulon du 16 octobre 2024 impliquant plusieurs intimés. Le greffe a, le 31 décembre 2024, adressé un avis d’avoir à signifier la déclaration d’appel à l’intimé demeuré non constitué. La signification a été effectuée par acte du 17 janvier 2025, dans le mois de l’avis.
Le 3 février 2025, un avis de caducité a invité l’appelante à présenter des observations dans un délai de dix jours. Faute de réponse, le 18 février 2025, la caducité partielle a été prononcée à l’égard de l’intimé non constitué. L’appelante a saisi la Cour d’un déféré le 20 février 2025, signifié à l’intimé concerné le 11 mars 2025. Les autres intimés constitués n’ont pas conclu sur le déféré.
L’appelante soutenait avoir respecté l’article 902 du code de procédure civile, la signification étant intervenue dans le délai d’un mois suivant l’avis. La question posée était dès lors de savoir si l’absence de justification dans le délai imparti par l’avis de caducité pouvait, malgré la diligence accomplie en temps utile, fonder la caducité. La Cour a jugé que la sanction de l’article 902 ne pouvait être retenue, la signification ayant été régulièrement réalisée dans le mois, tout en laissant les dépens du déféré à la charge de l’appelante.
I – Les exigences de l’article 902 du code de procédure civile et leur mise en œuvre chronologique
A – Le nouveau cadre textuel de la signification de la déclaration d’appel
La Cour rappelle d’abord la lettre de l’article 902, dans sa version applicable à l’instance. Le texte prévoit que le greffe avise l’appelant de signifier la déclaration d’appel à l’intimé qui n’a pas constitué avocat à l’expiration d’un mois à compter de l’envoi de la notification. Il précise surtout que, « à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office, la signification doit être effectuée dans le mois suivant la réception de cet avis ». La décision cite encore les mentions obligatoires de l’acte et la bascule, en cas de constitution intervenue avant signification, vers la notification à l’avocat.
Ce rappel souligne le caractère légal, automatique et objectif de la sanction. Le délai d’un mois court de la réception de l’avis par l’avocat de l’appelant, et non de son émission. La structure de l’article dissocie nettement l’office du greffe, l’obligation de diligence de l’appelant et la sanction attachée à l’inexécution. En s’alignant sur la lettre du texte, l’arrêt circonscrit l’examen à la seule condition utile à la caducité: la réalisation ou non de la signification dans le mois.
B – La computation des délais et la preuve de la diligence dans l’espèce
La Cour opère une computation précise des délais. Elle énonce que l’avis a été réceptionné le 31 décembre 2024 à 9 h 41, si bien que le mois expirait « le vendredi 31 janvier 2025 à vingt-quatre heures », « par application des articles 640, 641 et 642 du code de procédure civile ». La diligence exigée par l’article 902 ayant été accomplie le 17 janvier 2025, la condition de la caducité n’était pas remplie.
Le cœur du raisonnement est formulé sans équivoque. La Cour relève: « Si cette appelante a ainsi été défaillante dans le délai de dix jours -et non pas quinze- fixé par le magistrat de la mise en état pour écarter la caducité encourue, cette caducité ne peut in fine pas être confirmée puisque la signification exigée par l’article 902 du code de procédure civile a bien été effectuée dans le mois suivant la réception de l’avis du 31 décembre 2024. » Le manquement à l’invitation à produire des observations ne crée pas une cause autonome de caducité, laquelle demeure strictement gouvernée par l’article 902. La caducité n’est pas attachée à la communication de la preuve dans un délai de gestion, mais à l’inexécution de la signification dans le délai légal.
II – La portée contentieuse de l’infirmation au regard de l’office du juge de la mise en état
A – L’avis de caducité comme instrument de gestion et la délimitation de la sanction
L’arrêt opère une distinction nette entre l’outil procédural de gestion des instances et la sanction textuelle. L’avis de caducité incite l’appelant à régulariser ou à justifier rapidement, mais il n’élargit pas les causes légales de caducité. En contrôlant in concreto la date de la signification, la Cour réaffirme que l’office du conseiller de la mise en état consiste à constater la réunion des conditions légales, non à ériger en cause de caducité l’inexécution d’une invitation probatoire interne.
La solution s’inscrit dans une lecture littérale et finaliste du texte. Le mécanisme de l’article 902 vise à assurer, dans un tempo resserré, la mise en état contradictoire de l’instance d’appel. Il sanctionne l’inaction sur l’acte de signification, non l’inertie relative à la transmission de la preuve dans un délai court. La censure est logique: « L’ordonnance déférée est en conséquence infirmée. » La valeur de la décision tient à la protection du principe de légalité des sanctions procédurales et à la sécurité des diligences accomplies dans les temps.
B – Conséquences pratiques: vigilance sur les délais légaux et discipline probatoire
La décision appelle une double vigilance pratique. D’une part, l’exigence cardinale demeure la réalisation de l’acte dans le mois à compter de la réception de l’avis. Les praticiens doivent anticiper les aléas de remise et conserver une preuve datée, immédiatement exploitable. D’autre part, la transmission rapide de cette preuve au greffe reste opportune, sans constituer un préalable à l’existence de la diligence légalement efficace. Le défaut de communication peut générer une ordonnance infondée qu’il faudra déférer, avec un coût procédural.
La portée est opérationnelle. La Cour admet que l’absence de réponse à un avis de dix jours ne transforme pas une signification régulière en cause de caducité. Elle rétablit l’économie du texte, en réservant la sanction aux seuls cas d’inexécution dans le délai légal. Le dispositif en témoigne, qui énonce: « Dit n’y avoir lieu à prononcé de caducité. » L’équilibre est toutefois maintenu par la mise à la charge de l’appelante des dépens du déféré, la carence de justification ayant provoqué l’ordonnance erronée. La solution concilie la rigueur des délais légaux avec une discipline procédurale minimale, propre à prévenir les dérives dilatoires sans créer de sanctions sans texte.
Ainsi, l’arrêt précise le sens de l’article 902 dans sa version récente et en fixe la mesure. Il protège l’efficacité des diligences réellement accomplies et borne l’office du juge de la mise en état à la vérification des conditions textuelles de la caducité. Cette clarification, attendue, sécurise la pratique et renforce la prévisibilité des conséquences procédurales attachées aux avis du greffe.