Par un arrêt en date du 31 décembre 2024, la cour administrative d’appel de Toulouse s’est prononcée sur la légalité d’un permis de construire à la suite d’une mesure de régularisation. En l’espèce, une autorisation d’urbanisme avait été délivrée par un maire pour la construction d’un ensemble immobilier. Des riverains ont contesté ce permis devant le tribunal administratif, qui a rejeté leur demande. Saisie en appel, la cour administrative d’appel a, par une première décision avant-dire-droit, constaté que le projet méconnaissait une disposition du plan local d’urbanisme relative à la largeur des trottoirs. Faisant application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, elle a alors sursis à statuer et imparti un délai au pétitionnaire pour régulariser ce vice. Un permis de construire modificatif a été délivré, portant la largeur d’un unique trottoir à la dimension réglementaire, tout en supprimant le second trottoir initialement prévu. Les requérants ont alors contesté cette mesure de régularisation, soutenant qu’elle créait une nouvelle illégalité en matière d’accessibilité. Il revenait ainsi au juge d’appel de déterminer si une mesure de régularisation, qui corrige le vice expressément relevé, suffit à valider l’autorisation d’urbanisme initiale, malgré les nouvelles critiques formulées à l’encontre des modifications apportées. La cour administrative d’appel a rejeté la requête, considérant que le permis modificatif avait bien remédié à l’illégalité identifiée, sans qu’aucune autre règle n’ait été méconnue par la nouvelle configuration.
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I. La consécration de l’efficacité du mécanisme de régularisation en contentieux de l’urbanisme
La décision de la cour administrative d’appel de Toulouse illustre de manière pragmatique le recours au sursis à statuer en vue de purger un vice affectant une autorisation d’urbanisme. Cette approche permet de valider une opération de construction dès lors que la correction apportée par le pétitionnaire répond de manière ciblée à l’illégalité spécifiquement identifiée par le juge.
A. L’identification d’un vice régularisable : une application pragmatique du sursis à statuer
Dans un premier temps, le juge d’appel a fait le tri entre les différents moyens soulevés par les requérants pour n’en retenir qu’un seul. Il a ainsi estimé que le permis de construire initial était entaché d’un vice tenant à la méconnaissance des dispositions du plan local d’urbanisme, qui imposaient une largeur minimale pour les trottoirs afin de garantir l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite. Plutôt que de prononcer une annulation totale de l’autorisation, qui aurait eu des conséquences manifestement excessives, la cour a privilégié une voie moins radicale.
En application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, elle a décidé de surseoir à statuer, offrant ainsi au bénéficiaire du permis la possibilité de corriger l’illégalité constatée. Cette démarche témoigne de la volonté du législateur, et du juge qui en fait application, de ne pas sanctionner de manière disproportionnée des projets de construction pour des motifs de légalité externe ou interne pouvant être aisément rectifiés. L’office du juge ne se limite donc pas à une censure, mais s’étend à une forme d’accompagnement procédural visant à la consolidation des autorisations d’urbanisme.
B. L’appréciation ciblée de la mesure de régularisation par le juge administratif
Une fois le permis de construire modificatif délivré, le contrôle exercé par la cour s’est concentré sur la portée et l’effectivité de la correction. Le projet initial prévoyait deux trottoirs d’une largeur insuffisante. La modification a consisté à supprimer l’un d’eux et à porter le trottoir conservé à la largeur réglementaire. La cour a constaté que cette nouvelle configuration était conforme à l’article 12 du règlement du plan local d’urbanisme, qui avait fondé la censure initiale.
Le raisonnement du juge se révèle ici particulièrement ciblé. Il vérifie que la solution apportée par le pétitionnaire et validée par l’administration remédie directement au vice qu’il avait lui-même relevé. La régularisation est jugée opérante car la nouvelle version du projet respecte la lettre de la norme méconnue. Cette appréciation stricte du périmètre de la régularisation assure une prévisibilité pour les constructeurs et limite l’examen du juge à la seule question qui avait justifié le sursis à statuer, sans rouvrir l’ensemble du débat contentieux sur de nouvelles bases à ce stade.
II. Le renforcement de la sécurité juridique des autorisations d’urbanisme
En validant la régularisation opérée, la cour administrative d’appel de Toulouse limite la possibilité pour les requérants d’invoquer de nouveaux moyens à l’encontre du permis modificatif. Cette solution, qui peut apparaître rigoureuse, participe en réalité à la stabilité des projets de construction et à la sécurisation juridique des autorisations délivrées.
A. Le rejet des moyens nouveaux dirigés contre le permis de construire modificatif
Les requérants soutenaient que la suppression d’un des deux trottoirs, bien que permettant de respecter la largeur minimale pour celui qui subsistait, créait une nouvelle illégalité en rendant l’accès plus difficile pour les personnes à mobilité réduite du côté de la voie qui en était désormais dépourvu. La cour écarte cet argument de manière concise et définitive. Elle relève que les appelants « n’invoquent aucune autre règle d’urbanisme prévoyant une telle exigence ».
Ce faisant, le juge signifie que la régularisation n’a pas à atteindre un idéal d’aménagement mais seulement à respecter les prescriptions réglementaires applicables. Dès lors que le plan local d’urbanisme, dans son article 12, « n’impose nullement l’aménagement de trottoirs de part et d’autre des voies en impasse », la modification ne saurait être considérée comme illégale. La cour refuse ainsi d’examiner l’opportunité de la solution choisie par le constructeur ou d’exercer un contrôle qui dépasserait la simple vérification de la conformité à la règle de droit écrite. Le champ du débat contentieux se trouve ainsi strictement encadré.
B. Une solution au service de la stabilité des projets de construction
Au-delà du cas d’espèce, la portée de cet arrêt réside dans sa contribution à la sécurité juridique des opérations de construction. En validant un permis de construire après régularisation d’un vice mineur, la cour applique l’esprit des dispositions du code de l’urbanisme visant à limiter les annulations contentieuses. Cette approche pragmatique évite que des projets d’envergure ne soient remis en cause pour des irrégularités qui n’affectent pas l’économie générale du projet.
La solution retenue a également pour effet de décourager les recours dilatoires. En fermant la porte à de nouveaux moyens qui ne se rattacheraient pas directement à une illégalité introduite par le permis modificatif lui-même, le juge met fin à une contestation qui a déjà fait l’objet d’un examen approfondi. Cette jurisprudence renforce la prévisibilité pour les porteurs de projets et les collectivités, en assurant que, sauf vice substantiel et non régularisable, une autorisation d’urbanisme a vocation à être consolidée plutôt qu’annulée.