Cour d’appel administrative de Paris, le 13 mars 2025, n°22PA02097

Un arrêt rendu par une cour administrative d’appel le 13 mars 2025 vient préciser les modalités d’interprétation des règles de hauteur fixées par un plan local d’urbanisme. En l’espèce, une société de construction avait sollicité un permis de construire en vue de l’édification d’une résidence étudiante, en lieu et place de deux maisons individuelles existantes. Le maire de la commune concernée s’était opposé à ce projet par un arrêté de refus en date du 4 mars 2021. Le pétitionnaire a alors saisi le tribunal administratif de Montreuil, qui a fait droit à sa demande par un jugement du 10 mars 2022, annulant le refus et enjoignant à l’autorité administrative de délivrer l’autorisation d’urbanisme. La commune a interjeté appel de ce jugement. Le litige porté devant la cour administrative d’appel soulevait la question de savoir si la hauteur maximale des constructions, telle que définie par le règlement d’urbanisme local, devait s’appliquer à l’ensemble des façades d’un bâtiment ou uniquement à sa façade principale sur rue. En réponse, la cour administrative d’appel a infirmé le jugement de première instance. Elle a jugé que des dispositions du plan local d’urbanisme il résultait que la limite de hauteur devait être respectée par chacune des façades de la construction, et non seulement par la façade avant.

La solution retenue par la cour, fondée sur une lecture rigoureuse des textes applicables, invite à examiner la méthode d’interprétation des règles d’urbanisme (I), avant d’analyser les conséquences procédurales qu’elle emporte pour le contentieux de la légalité des autorisations d’urbanisme (II).

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I. L’affirmation d’une interprétation stricte des règles de hauteur

La cour administrative d’appel fonde sa décision sur une lecture combinée et littérale des dispositions du plan local d’urbanisme (A), écartant ainsi une approche qui aurait pu se vouloir plus souple ou finaliste (B).

A. La lecture littérale des dispositions combinées du plan local d’urbanisme

Le juge d’appel procède à une analyse textuelle précise des articles du règlement local pour en dégager une règle de portée générale. Il confronte plusieurs articles et définitions relatifs à la hauteur des constructions, au gabarit de couronnement et à la notion de façade. De cette combinaison, il déduit que la contrainte de hauteur maximale s’applique sans distinction à toutes les faces d’un bâtiment. La cour énonce ainsi qu’il « résulte de la combinaison des dispositions précitées que, dans la zone considérée, chacune des façades, et non point seulement la façade avant, ne peut dépasser un niveau correspondant à R + 3 + C, soit quatre niveaux et un couronnement, ni une hauteur correspondant à 12 mètres à l’égout du toit ou à l’acrotère ». Cette méthode d’interprétation prévient toute dissociation entre les différentes règles de hauteur. Elle assure la cohérence du règlement en considérant que la limitation de hauteur constitue un principe général, tandis que le gabarit de couronnement n’est qu’une contrainte spécifique additionnelle applicable à la seule façade sur voie. En conséquence, la hauteur des façades arrière et latérales ne pouvait légalement excéder la limite fixée, quand bien même elles n’étaient pas soumises au gabarit de couronnement.

B. Le rejet d’une interprétation finaliste au profit de la lettre du règlement

En adoptant cette solution, la cour fait prévaloir la lettre du règlement sur une éventuelle appréciation de l’insertion architecturale globale du projet. Le tribunal administratif avait sans doute estimé que le respect du gabarit sur la façade principale suffisait à assurer une intégration harmonieuse de la construction dans son environnement urbain. La cour d’appel censure implicitement ce raisonnement en se tenant à une application stricte de la norme écrite. Cette approche renforce la sécurité juridique et le caractère impératif des documents d’urbanisme. Elle rappelle que les règles qu’ils contiennent ne sont pas de simples orientations mais des prescriptions que les constructeurs doivent respecter dans leur intégralité. La valeur de cet arrêt réside dans sa portée pédagogique : il signifie aux opérateurs qu’une lecture inventive ou fragmentée d’un règlement, même si elle pouvait se justifier par des considérations esthétiques ou fonctionnelles, ne saurait prévaloir sur le sens clair qui se dégage de la combinaison de ses articles. La décision empêche ainsi un contournement de la règle de hauteur par un jeu sur les façades les moins visibles depuis l’espace public.

II. La conséquence procédurale de la validation d’un unique motif de refus

Après avoir établi la méconnaissance du plan local d’urbanisme, la cour en tire une conséquence procédurale radicale en faisant l’économie de l’examen des autres moyens (A), ce qui renforce la position de l’administration dans le cadre du contentieux (B).

A. L’application en appel de l’économie des moyens

Le juge d’appel, ayant constaté que le projet méconnaissait une des prescriptions du règlement d’urbanisme, estime ce seul motif suffisant pour justifier légalement le refus de permis de construire opposé par le maire. Il applique alors un principe bien établi de procédure contentieuse, qui lui permet de ne pas se prononcer sur la légalité des autres motifs de refus initialement invoqués par l’administration. La cour précise qu’elle peut « rejeter la demande d’annulation de cette décision et infirmer en conséquence le jugement attaqué devant lui, sans être tenu de statuer sur la légalité des autres motifs retenus par l’autorité administrative ». Cette technique, dite de l’économie des moyens, est ici appliquée de manière particulière. Il ne s’agit pas pour le juge de choisir le moyen le plus opérant pour annuler un acte, mais au contraire de « sauver » un acte en ne retenant qu’un seul de ses fondements comme étant légal et suffisant, à la condition que l’administration aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif. Le juge constate qu’en l’espèce, cette condition est remplie.

B. La portée de la solution : un renforcement de la position de l’administration en cas de contentieux

La mise en œuvre de cette faculté par le juge d’appel a une portée significative pour l’équilibre des parties au procès administratif. Elle confère une position avantageuse à l’administration, dont la décision initiale est validée même si elle reposait sur des motifs multiples dont certains étaient potentiellement erronés en droit ou en fait. Cette solution garantit une bonne administration de la justice en évitant des examens superflus et en clôturant définitivement le litige, sans nécessiter que l’autorité administrative reprenne une nouvelle décision. Pour le pétitionnaire, la conséquence est sévère puisque sa demande est rejetée et l’annulation obtenue en première instance est privée d’effet. Cet arrêt illustre donc la plénitude de l’office du juge d’appel, qui ne se contente pas de vérifier la régularité du jugement qui lui est déféré, mais rejuge l’affaire dans son ensemble. En validant un refus d’urbanisme sur un seul motif dirimant, il confirme que la solidité d’un seul pilier suffit à maintenir debout l’édifice de la décision administrative.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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