Cour d’appel administrative de Lyon, le 20 janvier 2025, n°22LY01221

L’octroi d’un permis d’aménager est subordonné au respect scrupuleux des règles d’urbanisme édictées par les documents de planification locaux, notamment en matière de desserte et d’accès des nouvelles parcelles. Par un arrêt en date du 20 janvier 2025, la cour administrative d’appel de Lyon s’est prononcée sur la légalité d’une autorisation de lotir contestée par des voisins immédiats. En l’espèce, une propriétaire a obtenu un permis d’aménager pour la création de deux lots à bâtir sur son terrain. Ce projet prévoyait une nouvelle voie d’accès en impasse, l’accès existant étant désormais obstrué par un garage précédemment autorisé. Des requérants ont saisi le tribunal administratif de Lyon, lequel a annulé partiellement l’arrêté au motif de sa non-conformité avec les règles de collecte des ordures ménagères. Insatisfaits de cette annulation partielle, les voisins ont interjeté appel, soutenant que le projet méconnaissait plus largement les dispositions du plan local d’urbanisme relatives aux accès et à la voirie, aux réseaux, et qu’il était entaché de fraude. Ils estimaient que la création d’un garage avait été une manœuvre visant à contourner l’obligation de créer un accès commun. Il revenait donc aux juges d’appel de déterminer si la création d’un accès distinct en impasse, rendue nécessaire par une construction antérieure, et l’omission de certaines informations dans le dossier de demande, suffisaient à rendre le permis d’aménager illégal. La cour a rejeté la requête, considérant que l’impossibilité de fait de créer un accès commun justifiait la création d’une voie en impasse et que les éléments avancés ne permettaient pas de caractériser une fraude de la part de la pétitionnaire.

La solution retenue par la cour administrative d’appel met en lumière la confrontation entre les prescriptions réglementaires d’un plan local d’urbanisme et la réalité matérielle d’un terrain. Elle conduit à s’interroger sur la manière dont le juge administratif apprécie la conformité d’un projet d’aménagement au regard de la configuration des lieux. Ainsi, il convient d’analyser l’interprétation pragmatique des règles de desserte par la cour (I), avant d’examiner le rejet rigoureux de l’allégation de fraude (II).

I. Une interprétation pragmatique des règles de desserte

La cour administrative d’appel a validé la solution d’accès proposée par la pétitionnaire en s’appuyant sur une lecture concrète des contraintes du site, ce qui l’a conduite à écarter l’application littérale de la règle de l’accès commun (A) et à admettre la justification d’une desserte en impasse (B).

A. La mise à l’épreuve du principe de l’accès commun

Le plan local d’urbanisme de la commune imposait, en cas de division parcellaire, la création d’un accès commun aux nouvelles unités foncières, tout en privilégiant la conservation de l’accès existant. Cette disposition vise à rationaliser la voirie et à limiter la multiplication des accès sur la voie publique. Or, dans le cas présent, une construction de garage autorisée antérieurement faisait matériellement obstacle à un tel accès commun pour les trois lots. La cour a estimé que, dans ces conditions, l’exigence du plan local d’urbanisme ne pouvait plus être satisfaite. Elle juge que dès lors qu’« un accès commun entre les trois unités foncières issues de la division n’étant plus possible à la date de la décision en litige, la création d’une voie d’accès distincte de l’accès au lot supportant la maison d’habitation (…) et commune aux deux autres lots à créer, ne méconnaît pas les dispositions de l’article UB 3 du règlement du PLU ». Cette approche révèle une appréciation de la légalité au moment de la délivrance de l’autorisation, en prenant acte de l’état de fait existant, sans remettre en cause les autorisations antérieures qui ont conduit à cette situation. La cour se refuse à lier le sort des autorisations d’urbanisme successives, sauf à ce qu’une fraude soit démontrée.

B. La validation de la desserte en impasse par la nécessité

Le même article du règlement interdisait par principe la création d’impasses dans les nouvelles opérations, sauf impossibilité dûment justifiée. Le projet créait précisément un tel aménagement pour desservir les deux nouveaux lots. La cour a estimé que cette exception était applicable en l’espèce. Elle relève que la configuration particulière du tènement, combinée à l’impossibilité de réaliser un accès commun, rendait la création de l’impasse inévitable. En considérant que « la réalisation de l’accès sous forme d’impasse, qui est la seule solution possible, est ainsi dûment justifiée », la cour lie la justification de l’impasse à l’impossibilité de satisfaire à la règle de l’accès commun. Cette interprétation finaliste des textes permet de ne pas paralyser un projet de division pour des motifs de desserte lorsque aucune autre solution technique n’est envisageable. Le juge administratif fait ici prévaloir le droit de construire découlant du droit de propriété sur une application dogmatique d’une règle d’urbanisme, dès lors que le texte lui-même ménage une possibilité de dérogation fondée sur une impossibilité avérée.

Cette approche souple dans l’appréciation des règles techniques contraste avec l’examen bien plus strict auquel la cour a soumis les allégations de manœuvres frauduleuses.

II. Le rejet rigoureux de l’allégation de fraude

Les requérants soutenaient que le permis d’aménager avait été obtenu par fraude, arguant d’une part de la chronologie des demandes d’autorisation (A) et d’autre part d’informations erronées dans le formulaire de demande (B), arguments que la cour a écartés l’un après l’autre.

A. L’insuffisance de la chronologie des autorisations pour caractériser l’intention frauduleuse

Les appelants voyaient une manœuvre frauduleuse dans le fait que la propriétaire avait obtenu une autorisation pour un garage faisant obstacle à l’accès commun avant de déposer sa demande de permis d’aménager. Pour eux, il s’agissait d’une stratégie visant à contourner les exigences du plan local d’urbanisme. La cour a refusé de suivre ce raisonnement, en affirmant que la succession de ces deux autorisations ne suffisait pas à elle seule à prouver une intention de tromper l’administration. Elle précise en effet que « ni la circonstance suivant laquelle cette déclaration préalable a été déposée postérieurement au refus de permis d’aménager du 17 avril 2018, ni l’implantation du garage (…) ne sont de nature à établir l’existence d’une manœuvre de la pétitionnaire ». Cette position rappelle que la fraude, en droit administratif comme en droit pénal, ne se présume pas. Elle doit être établie par un faisceau d’indices graves, précis et concordants démontrant l’élément intentionnel, c’est-à-dire la volonté délibérée de tromper l’autorité administrative pour obtenir un avantage indu. Une simple chronologie, même si elle peut paraître suspecte, n’est pas une preuve suffisante de cette intention.

B. La portée neutralisée de l’inexactitude des déclarations

Le dernier argument des requérants portait sur le fait que la pétitionnaire avait omis de mentionner dans sa demande que le terrain était situé dans le périmètre d’un ancien lotissement. Le juge a écarté ce moyen en se fondant sur l’absence d’incidence concrète de cette omission sur la décision de l’administration. La cour a constaté d’une part que seule une partie du terrain était concernée et d’autre part que les règles de ce lotissement étaient devenues caduques depuis longtemps. Elle en conclut qu’il « n’est pas établi (…) que cette mention ait induit en erreur la commune de Cessy (…) ni ait eu une quelconque influence sur l’instruction menée par l’autorité administrative ». Cette analyse s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence selon laquelle une inexactitude ou une omission dans un dossier de demande n’entache d’illégalité l’autorisation que si elle a été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision. En l’absence d’une telle influence, l’irrégularité est considérée comme n’étant pas substantielle et ne peut donc justifier l’annulation de l’acte. La cour confirme ainsi que le vice doit être opérant pour être sanctionné.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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