Par un arrêt en date du 30 janvier 2025, une cour administrative d’appel se prononce sur la légalité d’un permis de construire délivré par une collectivité d’outre-mer. En l’espèce, le président du conseil territorial d’une collectivité avait autorisé, par un arrêté, la construction d’une nouvelle maison individuelle sur une parcelle où se trouvait déjà une villa. Le représentant de l’État dans la collectivité a formé un recours gracieux contre cette décision, lequel fut implicitement rejeté, avant de saisir le tribunal administratif. Par un jugement du 24 novembre 2022, le tribunal administratif a annulé l’arrêté portant permis de construire. La collectivité a alors interjeté appel de ce jugement, soutenant que le projet respectait les dispositions du plan d’occupation des sols local, notamment en ce qui concerne la notion de second logement et les règles de hauteur des constructions. Se posait alors la question de savoir si un projet de construction d’une résidence de grande dimension pouvait être qualifié de simple dépendance d’un logement principal au sens du plan d’occupation des sols, et si une dérogation aux règles de hauteur pouvait être accordée en l’absence de justifications techniques spécifiques. La cour administrative d’appel a rejeté la requête de la collectivité, confirmant ainsi l’annulation du permis de construire. Elle a estimé que le projet, par ses caractéristiques et ses dimensions, ne pouvait être considéré comme une dépendance et qu’il méconnaissait de surcroît les règles de hauteur, ce vice n’étant au demeurant pas régularisable.
Il convient d’analyser la double censure opérée par la cour, qui s’attache d’une part à une interprétation stricte des conditions de construction en zone protégée (I), et d’autre part à la sanction d’un formalisme procédural dirimant (II).
I. L’interprétation stricte de la notion de dépendance comme limite à la densification
La cour administrative d’appel valide le raisonnement des premiers juges en retenant une définition restrictive de la notion de dépendance, s’opposant ainsi à une densification contraire à l’esprit du plan d’occupation des sols. Elle rejette une lecture finaliste des dispositions applicables (A) pour mieux réaffirmer la vocation protectrice de la zone concernée (B).
A. Le rejet d’une qualification extensive de la construction nouvelle
Le plan d’occupation des sols applicable prévoyait la possibilité d’autoriser un second logement, mais précisait que dans la zone concernée, celui-ci « ne pourra consister qu’en une simple dépendance du logement principal (de type » logement de gardien « ) ». La collectivité requérante soutenait que la construction nouvelle, bien que substantielle, pouvait être autorisée. La cour écarte cet argument en se fondant sur une analyse matérielle du projet. Elle constate que le terrain accueille déjà une villa et que le projet porte sur une maison de cinq chambres avec piscine et jacuzzi, d’une surface de plancher totale de 356,9 mètres carrés. La cour relève que la construction projetée ne peut « eu égard à son implantation, ses aménagements, et à ses dimensions, plus de deux fois supérieures à la maison existante, être regardée comme une dépendance du logement principal ». En procédant à cette appréciation factuelle détaillée, le juge refuse de considérer que la nouvelle et imposante construction pourrait devenir la résidence principale et l’ancienne, une simple dépendance. Cette approche s’oppose à une interprétation qui viderait la règle d’urbanisme de sa substance en permettant, par un simple jeu de qualification, de contourner l’interdiction de principe.
B. La préservation de la vocation restrictive de la zone d’urbanisme
En refusant de qualifier le projet de dépendance, la cour fait prévaloir la finalité de la règle d’urbanisme, qui vise à limiter la constructibilité dans une zone à caractère rural dominant. Le secteur NBa, où s’implante le projet, est défini comme une zone à caractère rural, avec des constructions dispersées et dépourvue d’équipements communs. La limitation de la construction d’un second logement à une « simple dépendance du logement principal (de type » logement de gardien « ) » traduit la volonté de préserver ce caractère en n’autorisant que des constructions annexes, de taille modeste, et fonctionnellement liées à l’habitation principale. Admettre le projet litigieux aurait créé un précédent permettant une urbanisation dense par l’ajout de nouvelles villas sous le couvert de la notion de dépendance. La décision de la cour réaffirme donc que les exceptions aux règles d’urbanisme, surtout dans les zones protégées, doivent être interprétées strictement. La solution confirme ainsi la primauté de l’objectif de préservation des espaces naturels ou ruraux sur les intérêts particuliers des constructeurs.
Au-delà de cette violation des règles de fond, la cour relève également une seconde illégalité, qui, par sa nature, va définitivement sceller le sort du projet.
II. La sanction du défaut de justification formelle et l’impossibilité de régularisation
La cour administrative d’appel confirme l’annulation du permis sur un second motif, tenant à une règle de hauteur, et en tire les conséquences sur l’absence de possibilité de régularisation. Elle souligne ainsi l’importance du respect des exigences formelles (A), ce qui la conduit à constater l’existence d’un vice non régularisable (B).
A. L’exigence impérative d’une justification technique pour toute adaptation
Le plan d’occupation des sols fixait une hauteur maximale des constructions tout en prévoyant que des « adaptations rendues nécessaires par la configuration du terrain (…) seront autorisées sur justifications techniques ». Le projet dépassait la hauteur autorisée, mais la collectivité soutenait que la déclivité du terrain justifiait une telle adaptation. Cependant, la cour note que ces adaptations ne sont possibles que « sur justifications techniques ». Or, elle constate qu’il ne ressort « d’aucune des pièces du dossier de demande de permis de construire que la société pétitionnaire ait apporté de telles justifications techniques ». Le juge administratif rappelle ici que la charge de la preuve incombe au pétitionnaire. Il ne suffit pas d’invoquer une disposition dérogatoire ; il faut en démontrer l’applicabilité par des éléments concrets et techniques versés au dossier de demande. L’absence de ces justifications constitue une illégalité formelle qui vicie la décision de l’administration, cette dernière ne pouvant légalement accorder une dérogation non étayée.
B. L’obstacle dirimant à la régularisation en raison de la nature du projet
Face à ces deux illégalités, la question de la régularisation du permis se posait au titre de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme. La cour admet que le vice tiré de la méconnaissance des règles de hauteur aurait pu être régularisable, par exemple par une modification du projet ou l’apport des justifications manquantes. En revanche, elle considère que le premier vice, relatif à la nature même de la construction, ne l’est pas. La régularisation du non-respect de l’article NB1 aurait imposé de transformer un projet de villa de luxe en une modeste « maison de gardien ». Une telle modification, selon la cour, « impliquerait d’y apporter un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même ». Ce faisant, le juge applique la jurisprudence constante selon laquelle la régularisation n’est possible que si elle n’aboutit pas à dénaturer le projet initial. La décision illustre parfaitement la limite de ce mécanisme de sauvetage des autorisations d’urbanisme : il peut corriger des erreurs techniques ou des oublis procéduraux, mais ne peut servir à valider un projet fondamentalement incompatible avec les règles d’urbanisme qui lui sont applicables.