Par un arrêt en date du 27 juin 2025, la cour administrative d’appel de Bordeaux s’est prononcée sur la légalité d’un permis de construire accordé par un préfet pour l’implantation d’un parc photovoltaïque de grande ampleur. Cette décision illustre le contrôle approfondi exercé par le juge administratif sur les projets d’énergies renouvelables, en particulier au regard des exigences environnementales et des règles d’urbanisme.
Des riverains avaient saisi le tribunal administratif de Limoges d’une demande d’annulation de l’arrêté préfectoral autorisant la construction d’une centrale solaire sur le territoire d’une commune rurale. En raison du dépassement du délai de jugement de dix mois, l’affaire a été renvoyée devant la cour administrative d’appel de Bordeaux. Les requérants soulevaient de nombreux moyens, tant de légalité externe, tenant notamment à l’insuffisance de l’étude d’impact et à l’incomplétude du dossier d’enquête publique, que de légalité interne, alléguant la méconnaissance des documents d’urbanisme et l’incompatibilité du projet avec le maintien d’une activité agricole. Le préfet ainsi que la société bénéficiaire de l’autorisation ont conclu au rejet de la requête. Il appartenait donc à la cour de déterminer si les lacunes alléguées de l’étude d’impact étaient de nature à vicier la procédure et si le projet respectait les contraintes d’urbanisme applicables à une zone naturelle, notamment au regard de son caractère agrivoltaïque. La cour a finalement rejeté l’ensemble des moyens et validé l’autorisation de construire, considérant que l’évaluation environnementale était suffisante et que le projet était conforme aux diverses réglementations applicables.
L’analyse de la décision révèle un contrôle pragmatique des obligations procédurales liées à l’évaluation environnementale du projet (I), qui se double d’une appréciation substantielle de sa conformité aux règles de fond encadrant l’urbanisme et l’activité agricole (II).
I. Le contrôle pragmatique des obligations procédurales environnementales
La cour administrative d’appel procède à une vérification rigoureuse du contenu de l’étude d’impact, tout en faisant preuve d’une approche mesurée quant à la portée des critiques formulées par les requérants. Elle valide ainsi les choix méthodologiques opérés pour l’évaluation (A) avant de confirmer la pertinence des analyses menées sur les incidences spécifiques du projet (B).
A. La validation des choix méthodologiques de l’étude d’impact
Les requérants contestaient le périmètre et les méthodes de l’étude d’impact, estimant qu’ils ne prenaient pas suffisamment en compte la sensibilité écologique du site. La cour écarte ces arguments en relevant que les différentes aires d’étude définies, notamment une aire éloignée de cinq kilomètres, permettaient une prise en compte adéquate des écosystèmes environnants. Elle juge également que le choix de la variante d’implantation retenue était suffisamment justifié, celle-ci permettant « d’éviter les zones à enjeux écologiques et d’assurer une meilleure intégration paysagère du projet ». Concernant l’inventaire des chiroptères, la cour refuse de remettre en cause la méthodologie employée au seul motif que des études scientifiques alternatives en préconiseraient d’autres, estimant qu’une simple référence à une autre étude « ne saurait suffire à remettre en cause la méthodologie suivie par les auteurs de l’étude d’impact ». Cette approche montre que le juge n’exige pas que l’étude d’impact soit parfaite ou irréfutable, mais qu’elle repose sur une démarche sérieuse et proportionnée aux enjeux du projet. L’insuffisance d’une étude ne peut résulter que de la démonstration d’une carence avérée ayant nui à l’information du public ou influencé la décision de l’administration.
B. La confirmation de la suffisance des analyses d’incidences
La cour examine point par point les critiques portant sur l’analyse des impacts spécifiques du projet. S’agissant de la gestion des eaux pluviales, elle se fonde sur les conclusions de l’étude d’impact pour considérer que « l’aménagement ne modifiera pas de façon substantielle les conditions d’écoulement du site et qu’ainsi, les incidences quantitatives du projet sont considérées comme faibles ». Par conséquent, elle juge que le projet n’était pas soumis à la législation sur l’eau et que le dossier de permis n’avait pas à comporter de récépissé de déclaration ou d’autorisation à ce titre. De même, concernant les microclimats, la cour estime que l’étude a suffisamment analysé le phénomène, le qualifiant de « très localisés au niveau de la surface des panneaux » et de « faible envergure ». Elle écarte l’argumentaire des requérants fondé sur une étude réalisée dans un contexte climatique non transposable. Cette démarche illustre la règle selon laquelle les inexactitudes ou omissions d’une étude d’impact ne vicient la procédure que si elles ont exercé une influence sur la décision de l’autorité administrative. En validant une étude qui, sans nier les impacts, les qualifie de faibles ou négligeables sur la base d’analyses contextualisées, la cour adopte une position réaliste et refuse de céder à une critique systématique.
II. L’appréciation substantielle de la conformité du projet aux règles de fond
Au-delà du contrôle formel, la cour se livre à une analyse approfondie de la légalité interne de l’autorisation. Elle consacre ainsi des développements significatifs à l’interprétation des règles du plan local d’urbanisme (A) et à la vérification de la réalité du caractère agrivoltaïque du projet (B).
A. L’interprétation fonctionnelle des règles du plan local d’urbanisme
Le projet était situé dans un secteur « Ny », défini par le plan local d’urbanisme (PLU) comme correspondant à l’emprise d’une ancienne carrière au sein d’une zone naturelle « N ». Les requérants soutenaient que seules les installations liées à l’exploitation de la carrière y étaient autorisées. La cour rejette cette lecture restrictive. Elle juge que « le secteur Ny, contrairement au secteur Nh, est une composante de la zone N qui se voit appliquer des dispositions supplémentaires aux dispositions applicables à la zone N et non exclusives de celles applicables à cette zone ». En conséquence, les constructions d’intérêt collectif, autorisées de manière générale en zone N, l’étaient également dans le secteur Ny. Cette interprétation finaliste et globale du règlement du PLU, qui s’oppose à une lecture littérale et isolée d’une disposition, permet d’éviter une stérilisation des terrains concernés. Elle confirme que les projets d’intérêt collectif, tels que les centrales photovoltaïques, peuvent trouver leur place en zone naturelle dès lors que les conditions posées par le règlement, notamment le respect de l’environnement, sont remplies.
B. La vérification matérielle de la compatibilité avec l’activité agricole
La question du caractère agrivoltaïque du projet était centrale, l’article L. 151-11 du code de l’urbanisme subordonnant l’autorisation d’équipements collectifs en zone agricole à leur compatibilité avec l’exercice d’une activité agricole significative. La cour ne se contente pas d’une simple déclaration d’intention. Elle procède à une analyse détaillée de l’étude préalable agricole jointe au dossier, qui décrivait un projet d’élevage d’ovins-lait. La cour relève la précision de ce projet, son modèle économique, sa viabilité et son ancrage local. Elle souligne que les prescriptions de l’arrêté attaqué, en particulier son article 4, garantissent le maintien durable de cette activité. La décision conclut ainsi que « le projet en litige, qui s’accompagne de la création d’un élevage ovin-lait, permet l’exercice d’une activité agricole significative sur le terrain d’implantation ». Cet examen approfondi démontre que le contrôle du juge de l’excès de pouvoir ne se limite pas à la seule compatibilité théorique, mais s’étend à la crédibilité et à la consistance du projet agricole associé à l’installation photovoltaïque, s’assurant ainsi que la dimension agricole ne constitue pas un simple habillage juridique.