Troisième chambre civile de la Cour de cassation, le 10 juillet 2025, n°24-11.513

La Cour de cassation, troisième chambre civile, a rendu le 10 juillet 2025 une décision de rejet non spécialement motivé dans un litige d’expropriation. Le pourvoi, dirigé contre l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes du 18 décembre 2023, contestait la décision de la chambre de l’expropriation. Le litige opposait un propriétaire exproprié et son mandataire à la personne publique chargée de l’opération, quant à l’évaluation des droits et aux modalités judiciaires retenues. La cour d’appel de Nîmes a rejeté l’essentiel des prétentions, après avoir apprécié les éléments de valorisation, puis fixé les conséquences financières de l’expropriation selon ses motifs propres. Les demandeurs au pourvoi ont soulevé plusieurs moyens, tirés d’erreurs de droit et d’insuffisances de motivation, appelant un contrôle de légalité au regard de l’article 1014 du code de procédure civile. Les défendeurs au pourvoi concluaient à la confirmation, invoquant l’absence d’erreur de droit et la souveraineté des appréciations opérées par les juges du fond. La Cour de cassation a d’abord énoncé : « Les moyens de cassation, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ». Elle a ajouté : « En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi ». Le dispositif précise enfin : « REJETTE le pourvoi ».

I. Le cadre et le sens du rejet non spécialement motivé

A. Les exigences de l’article 1014 du code de procédure civile
L’article 1014, alinéa 1er, autorise un rejet non spécialement motivé lorsque les moyens sont manifestement inopérants, irrecevables ou dénués de portée propre sur la solution de droit. La formule citée signifie que la haute juridiction n’aperçoit aucune brèche plausible, au regard des textes invoqués, susceptible d’emporter la censure de l’arrêt attaqué. La mention expresse de l’article 1014 rappelle que la Cour a examiné les moyens, puis a considéré inutile une motivation développée, dès lors que la solution se déduisait immédiatement du droit applicable.

B. Un contrôle de légalité circonscrit mais effectif
Le rejet non spécialement motivé n’implique pas une absence de contrôle, mais l’exercice d’un contrôle de conformité limité aux erreurs évidentes ou aux moyens dépourvus de portée réelle. La Cour se contente ainsi d’écarter des griefs qui ne franchissent pas le seuil d’admission, sans trancher de question nouvelle ni préciser davantage l’interprétation des textes applicables. La brièveté assumée de la motivation s’accorde avec la finalité de filtrage, qui vise à garantir la célérité et l’égalité devant la Cour dans le traitement des pourvois.

II. Valeur et portée de la décision dans le contentieux d’expropriation

A. Les garanties du droit au juge et de la motivation
La technique retenue demeure compatible avec l’exigence d’une motivation suffisante, dès lors que la juridiction indique la base légale et le motif précis de l’absence d’examen développé. La jurisprudence européenne admet un tel format pour les juridictions suprêmes, si le recours a été examiné, que le critère est clair, et que la décision reste accessible. L’énoncé « En application de l’article 1014… il n’y a donc pas lieu… » satisfait à cette exigence minimale, en signalant le fondement légal et l’évidence retenue par la Cour.

B. Effets pratiques pour les plaideurs et pour la sécurité juridique
Pour les demandeurs au pourvoi, l’issue rappelle l’impératif de cibler des moyens décisifs, articulés sur des violations identifiables, appuyées par des textes précis et un grief déterminant. Le dispositif condamne aux dépens et rejette les demandes fondées sur l’article 700, ce qui souligne le risque financier d’un pourvoi voué d’emblée à l’échec. En matière d’expropriation, la clarification est utile : les débats d’évaluation nécessitent un ancrage normatif solide, faute de quoi l’argumentation se heurte au filtre de l’article 1014.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Avocats en droit immobilier et droit des affaires - Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture