Troisième chambre civile de la Cour de cassation, le 10 juillet 2025, n°23-23.698

La troisième chambre civile, par un arrêt du 10 juillet 2025 (n° J 23-23.698), censure partiellement une décision de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 24 novembre 2023. Le litige naît d’un mandat exclusif d’assistance et de conseil à la vente d’un bien, comportant un honoraire fixe et un honoraire de résultat. Le mandat est résilié le 28 janvier 2019, puis la vente intervient le 7 mai 2019 par l’intermédiaire d’un autre professionnel immobilier. Le mandataire agit en responsabilité contractuelle et sollicite des dommages-intérêts pour manquements au mandat devant le tribunal judiciaire de Grasse. En appel, l’appelant limite le dispositif de ses dernières conclusions à l’infirmation du jugement, tandis que les intimés requièrent la confirmation intégrale. La cour d’appel d’Aix-en-Provence infirme et déboute ensuite le mandataire de ses demandes indemnitaires tirées des manquements allégués au mandat. Le pourvoi critique cette démarche, au regard de l’article 954 du code de procédure civile, relatif aux prétentions devant la juridiction d’appel. La Cour de cassation écarte toutefois le grief, en relevant que la thèse soutenue au pourvoi contredisait la position prise par les mêmes devant les juges du fond. Le sens de la décision commande d’examiner la portée du dispositif d’appel, puis de mesurer l’autorité de l’irrecevabilité prononcée et ses effets concrets.

I. La délimitation de la saisine de l’appel par le dispositif

A. Le rappel du cadre de l’article 954

En représentation obligatoire, la règle est constante: « dans les procédures avec représentation obligatoire, la cour d’appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ». Le dispositif des écritures borne l’objet du litige en appel, fixe les prétentions sur lesquelles la juridiction peut statuer et interdit toute décision ultra petita. La discipline des écritures conditionne ainsi l’étendue de la saisine et la légitimité du contrôle opéré par le juge d’appel.

B. L’espèce et les conclusions d’appel

En l’espèce, le dispositif des dernières conclusions se bornait à solliciter l’infirmation du jugement, tandis que la partie intimée demandait la confirmation en toutes ses dispositions. Ce cadre délimite la saisine de la juridiction d’appel, laquelle ne peut statuer que sur des prétentions formulées clairement au dispositif desdites conclusions. La censure ne portera pourtant pas sur ce terrain, en raison d’une irrecevabilité procédurale déterminante.

II. L’irrecevabilité d’un moyen contraire à la thèse soutenue

A. Une exigence de loyauté des débats

La Cour retient que les demandeurs au pourvoi « ne sont pas recevables à développer un moyen contraire à la position adoptée devant les juges du fond ». Elle ajoute enfin: « Le moyen est donc irrecevable. » Cette motivation privilégie la cohérence des écritures et la loyauté des débats devant les juridictions successives. L’office de la Cour de cassation se trouve recentré sur la légalité, sans permettre à une partie de renier, au stade du contrôle normatif, la ligne procédurale assumée devant le juge d’appel.

B. Portée de la cassation partielle et effets pratiques

La censure partielle et le renvoi structurent la suite du litige, en isolant les points préservés et ceux devant être rejugés. Le dispositif est explicite: « Remet, sauf sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ; » Il ajoute encore: « En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; » ce qui laisse inchangée la charge des frais irrépétibles. Restent acquis, selon les termes du dispositif non censuré, l’appréciation relative à la recevabilité de nouvelles prétentions en appel et de certaines demandes indemnitaires, tandis que le reste devra être réexaminé par la cour de renvoi.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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