Tribunal judiciaire de Thionville, le 16 juin 2025, n°25/00371

Tribunal judiciaire de Thionville, 16 juin 2025, ordonnance de médiation rendue par le juge de la mise en état dans un litige civil en cours. La décision intervient alors que les parties acceptent une tentative de règlement amiable sous contrôle judiciaire. La juridiction relève expressément que « Il convient, vu l’accord des parties, d’ordonner une mesure médiation entre elles », en référence aux articles 22 et suivants de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 et aux articles 131-1 et suivants du code de procédure civile.

Les faits utiles tiennent à l’existence d’un différend opposant un demandeur à une société et à un organe de procédure collective, sans précision sur l’objet du fond. Au stade de la mise en état, le juge propose une médiation et recueille l’accord des parties. La mesure organise la mission du tiers, la durée, la provision et la charge financière, tout en rappelant l’office du juge pendant le processus. La juridiction précise que « la médiation ne dessaisit pas le juge qui, dans le cadre du contrôle de la mesure, peut être saisi de toute difficulté et mettre fin à la mission du médiateur (…) s’il estime que les circonstances l’imposent ».

La question de droit porte sur les conditions d’ordonnance d’une médiation judiciaire par le juge de la mise en état avec l’accord des parties, sur ses effets procéduraux (maintien de la saisine, contrôle du déroulement et éventuelle fin anticipée de la mission), et sur les modalités pratiques de mise en œuvre (durée, provision, sanction, information du juge et homologation d’un éventuel accord). La solution ordonne la médiation, fixe une provision de 800 euros partagée, détermine une durée de trois mois renouvelable une fois, encadre l’information du juge en cas d’accord ou d’échec et renvoie l’affaire à une audience ultérieure. Le dispositif énonce notamment « ORDONNONS une mesure de médiation » et « FIXONS la provision (…) à la somme de 800 euros, qui sera versée à concurrence de 400 euros par le demandeur et de 400 euros par le défendeur », avant de « RENVOYONS l’affaire à l’audience de mise en état du lundi 15 décembre 2025 ».

I – Le cadre juridique et l’office du juge

A – L’accord des parties comme déclencheur de la médiation

Le juge fonde la mesure sur les textes relatifs à la médiation judiciaire et, surtout, sur la volonté concordante des plaideurs. La motivation retient sans ambiguïté que « Il convient, vu l’accord des parties, d’ordonner une mesure médiation entre elles ». Cette formule rejoint l’économie de l’article 131-1 du code de procédure civile, qui permet au juge, après avoir recueilli l’accord des parties, d’ordonner une médiation pour favoriser la résolution amiable du différend. La décision s’inscrit ainsi dans une logique de coproduction procédurale, où l’initiative juridictionnelle s’appuie sur le consentement et préserve l’égalité des armes.

Le choix de la médiation, plutôt qu’une simple invitation à négocier, se traduit par l’édiction d’un cadre précis, opposable et contrôlé. En ce sens, la décision articule la finalité de la mission autour d’un tiers impartial chargé « d’entendre les parties et confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose ». En fixant l’objet et les modalités premières de la démarche, l’ordonnance donne une portée régulatrice au consentement, tout en maintenant le litige dans le giron juridictionnel.

B – Le non-dessaisissement et le contrôle de la mesure

La juridiction rappelle de manière classique que « la médiation ne dessaisit pas le juge », lequel « peut être saisi de toute difficulté et mettre fin à la mission du médiateur (…) s’il estime que les circonstances l’imposent ». Cette précision garantit la sécurité procédurale, en évitant toute paralysie du procès et en préservant la faculté d’arbitrer les incidents. Le contrôle juridictionnel porte à la fois sur l’ouverture, le suivi et la clôture de la mission, et il s’exerce à la demande du médiateur ou des parties.

L’ordonnance organise en outre les obligations d’information à l’issue de la mission: « il est tenu d’informer le juge de l’accord intervenu entre les parties ou de l’échec de la mesure ». Ce schéma, conforme à l’article 131-10, permet d’articuler la temporalité amiable et la temporalité contentieuse, sans confusion des rôles. Le renvoi de l’affaire à une audience ultérieure assure le continuum de la mise en état, tandis que l’éventuelle demande d’homologation est réservée au juge saisi, garant de l’autorité attachée à l’accord constaté.

II – La mise en œuvre pratique et la portée de la décision

A – Durée, provision et sanction de caducité

La mission est bornée dans le temps: « Le médiateur est désigné pour trois mois (…) durée qui peut être renouvelée une fois à la demande du médiateur ». Cette limitation sert la célérité et évite l’enlisement des discussions, tout en laissant une marge d’adaptation encadrée. S’agissant du financement, la motivation fixe « La provision (…) à 800 euros, dont 400 euros à la charge du demandeur et 400 euros à la charge du défendeur (…) délai d’un mois (…) à peine de caducité de la décision de désignation », tandis que le dispositif retient un « délai de six semaines à compter du prononcé de la présente décision ». La divergence entre un mois et six semaines interroge la lisibilité de l’ensemble et invite, par prudence, à se référer à la teneur du dispositif.

La sanction envisagée est mesurée et proportionnée, puisqu’elle affecte la désignation en cas de non-versement, sans écarter la reprise d’une démarche amiable ultérieure. La répartition par moitié respecte l’équilibre des contributions, en cohérence avec l’esprit de la médiation judiciaire. Enfin, la convocation « dans les meilleurs délais, dès réception de la provision » vise à réduire la latence entre la décision et l’ouverture des échanges, ce qui sert l’effectivité du mécanisme.

B – Issue de la médiation, homologation et cohérence rédactionnelle

Le texte précise que le médiateur devra « informer par écrit le juge de ce que les parties sont ou non parvenues à trouver une solution au différend ». En cas d’accord, « les parties pourront saisir le juge d’une demande d’homologation de cet accord », perspective qui confère force exécutoire et sécurise les effets de la convention. À défaut d’accord, le renvoi programmé « à l’audience de mise en état du lundi 15 décembre 2025 » garantit la reprise ordonnée du circuit contentieux, à distance de la période maximale de médiation et de son éventuel renouvellement.

Cette ordonnance illustre une mise en œuvre standardisée et rigoureuse de la médiation judiciaire, assortie des rappels nécessaires sur l’assistance possible des parties et l’office de contrôle du juge. Elle révèle néanmoins une tension rédactionnelle sur le délai de versement de la provision, entre motifs et dispositif, qui mérite vigilance quant à l’exécution. Pour le reste, la décision favorise une articulation lisible entre tentative sérieuse d’apaisement et maintien des garanties procédurales, conformément à l’économie des articles 131-1 à 131-15 du code de procédure civile.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Avocats en droit immobilier et droit des affaires - Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture