Cour d’appel de Paris, le 3 juillet 2025, n°25/05692
Cour d’appel de Paris, 3 juillet 2025. La formation était saisie d’un déféré dirigé contre une ordonnance de caducité rendue le 13 mars 2025 par le conseiller de la mise en état. L’appel avait été interjeté le 10 décembre 2024 contre un jugement du tribunal de proximité de Longjumeau du 17 octobre 2024 relatif à un bail d’habitation, ayant prononcé la résiliation pour clause résolutoire, l’expulsion et diverses condamnations.
Les appelants, n’ayant conclu qu’après l’expiration du délai de trois mois, invoquaient un dysfonctionnement du réseau professionnel de transmission le 10 mars 2025. À titre subsidiaire, ils sollicitaient l’écartement de la sanction au regard du droit d’accès au juge et, à titre infiniment subsidiaire, la nullité de l’ordonnance pour irrégularité formelle. L’intimée sollicitait la confirmation de la caducité et la condamnation aux dépens.
La requête en déféré, introduite dans les quinze jours de l’ordonnance mettant fin à l’instance, a été jugée recevable. La question de droit portait d’abord sur les conditions d’écartement de la caducité au titre de la force majeure telle que visée par l’article 911 du code de procédure civile. Elle portait ensuite sur la proportionnalité de la sanction au regard de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi que sur la portée des articles 454 et 458 du code de procédure civile en matière d’ordonnances du conseiller de la mise en état.
La cour rejette le moyen tiré de la force majeure, écarte l’argument de disproportion, refuse la nullité et confirme la caducité. Elle retient notamment: «Aucun cas de force majeure n’est démontré.» Elle rappelle encore que «Les délais prescrits aux parties pour les effectuer ne les privent pas de leur droit d’accès au juge et à un procès équitable ou à un recours effectif garantis par l’article 6 de la CEDH (Civ 2, 26 juin 2014, n° 13-22.011).» Enfin, elle conclut: «Il convient dès lors de confirmer l’ordonnance entreprise ayant prononcé la caducité de la déclaration d’appel.»
I — Les conditions de la caducité et le régime de la force majeure
A — Le cadre normatif des articles 908 et 911 du code de procédure civile
La motivation s’ouvre par le rappel du mécanisme de caducité: l’article 908 impose, à peine de caducité relevée d’office, la remise des conclusions au greffe dans les trois mois de la déclaration d’appel. La cour cite ensuite le texte applicable de l’article 911, dans sa version issue du décret du 29 décembre 2023, qui articule notification et signification dans le même délai que la remise au greffe. Elle reproduit surtout la clause d’exception: «En cas de force majeure, constituée par une circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêt pour elle un caractère insurmontable, le conseiller de la mise en état peut, à la demande d’une partie, écarter l’application des sanctions prévues aux articles 908 à 910 et au premier alinéa du présent article.»
Ce rappel structure l’analyse autour de deux axes indissociables. D’une part, la charge de l’accomplissement des diligences pèse sur l’appelant, qui doit conclure et notifier dans le délai impératif. D’autre part, l’exception suppose une circonstance extérieure, non imputable et insurmontable, dont la preuve doit être rapportée avec précision. La cour constate que les conclusions ont été transmises le 11 mars 2025 à 14 h 44, soit après l’expiration du délai, ce qui déclenche la sanction sans autre formalité.
B — L’appréciation probatoire et l’exigence d’insurmontabilité de l’aléa technique
La discussion s’est concentrée sur l’allégation d’un incident technique affectant l’outil de communication électronique le dernier jour du délai. La cour retient l’insuffisance des pièces produites, composées d’un rapport d’incidents couvrant d’autres dates, d’une capture d’écran non datée et d’un avis de maintenance antérieur. Elle énonce, de manière nette: «Aucune des pièces […] n’établit un dysfonctionnement […] le 10 mars 2025», puis tranche: «Aucun cas de force majeure n’est démontré.»
L’enseignement dépasse l’espèce. L’aléa informatique n’est pas présumé; il doit être daté, circonstancié et rattaché au temps utile. L’exigence d’insurmontabilité implique l’absence de solution alternative raisonnable, comme un dépôt anticipé, un envoi par un autre canal régulier ou une diligence au greffe dûment établie. En l’absence d’éléments probants, la stricte application de la caducité s’impose, conformément à la lettre du texte et à la finalité d’ordonnancement de l’instance d’appel.
II — Proportionnalité de la sanction et portée procédurale des irrégularités invoquées
A — Le contrôle de proportionnalité et le droit d’accès au juge
Les appelants invoquaient une atteinte excessive au droit d’accès au juge au regard de l’article 6 de la Convention. La cour rappelle l’orthodoxie des solutions rendues en matière de délais impératifs, citant la jurisprudence de la deuxième chambre civile: «Les délais prescrits aux parties pour les effectuer ne les privent pas de leur droit d’accès au juge… (Civ 2, 26 juin 2014, n° 13-22.011).» Elle en déduit l’absence de disproportion, compte tenu du délai de trois mois laissé à la partie pour conclure.
La démarche est classique et cohérente. Le contrôle de proportionnalité ne neutralise pas une sanction essentielle à la bonne administration de la justice, lorsque la partie a bénéficié d’un délai suffisant et n’établit aucun obstacle insurmontable. L’argument tiré de l’absence de préjudice de l’intimée est justement écarté, la caducité répondant à une logique d’ordre public de direction, indifférente à la démonstration d’un grief adversarial.
B — Les effets des vices de forme allégués sur l’ordonnance du conseiller de la mise en état
Restait l’argument de nullité formelle, fondé sur l’article 454 du code de procédure civile. La cour constate, en fait, que l’ordonnance mentionnait l’identification de l’intimée sans risque de confusion. Elle ajoute un rappel utile de l’article 458, selon lequel seule l’omission du nom des juges est sanctionnée par la nullité en tant que mention substantielle. Elle conclut ainsi: «La nullité soulevée est dénuée de fondement et doit être rejetée.»
La portée de cette solution est double. D’abord, l’office du conseiller de la mise en état n’est pas fragilisé par des griefs formels qui ne touchent ni aux mentions substantielles ni aux droits de la défense. Ensuite, l’économie des textes commande une lecture stricte des nullités relatives à la structure de la décision, qui ne saurait devenir un substitut au fond en cas de défaillance des diligences de l’appelant. L’ordonnance de caducité demeure donc protégée contre des contestations purement formelles.
La confirmation intégrale du dispositif s’inscrit ainsi dans une ligne jurisprudentielle stable. Le rappel des textes, l’exigence probatoire quant à l’aléa technique et le contrôle mesuré de proportionnalité convergent vers une même finalité. La cour résume la solution en une formule dépourvue d’équivoque: «Il convient dès lors de confirmer l’ordonnance entreprise ayant prononcé la caducité de la déclaration d’appel.»
Cour d’appel de Paris, 3 juillet 2025. La formation était saisie d’un déféré dirigé contre une ordonnance de caducité rendue le 13 mars 2025 par le conseiller de la mise en état. L’appel avait été interjeté le 10 décembre 2024 contre un jugement du tribunal de proximité de Longjumeau du 17 octobre 2024 relatif à un bail d’habitation, ayant prononcé la résiliation pour clause résolutoire, l’expulsion et diverses condamnations.
Les appelants, n’ayant conclu qu’après l’expiration du délai de trois mois, invoquaient un dysfonctionnement du réseau professionnel de transmission le 10 mars 2025. À titre subsidiaire, ils sollicitaient l’écartement de la sanction au regard du droit d’accès au juge et, à titre infiniment subsidiaire, la nullité de l’ordonnance pour irrégularité formelle. L’intimée sollicitait la confirmation de la caducité et la condamnation aux dépens.
La requête en déféré, introduite dans les quinze jours de l’ordonnance mettant fin à l’instance, a été jugée recevable. La question de droit portait d’abord sur les conditions d’écartement de la caducité au titre de la force majeure telle que visée par l’article 911 du code de procédure civile. Elle portait ensuite sur la proportionnalité de la sanction au regard de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi que sur la portée des articles 454 et 458 du code de procédure civile en matière d’ordonnances du conseiller de la mise en état.
La cour rejette le moyen tiré de la force majeure, écarte l’argument de disproportion, refuse la nullité et confirme la caducité. Elle retient notamment: «Aucun cas de force majeure n’est démontré.» Elle rappelle encore que «Les délais prescrits aux parties pour les effectuer ne les privent pas de leur droit d’accès au juge et à un procès équitable ou à un recours effectif garantis par l’article 6 de la CEDH (Civ 2, 26 juin 2014, n° 13-22.011).» Enfin, elle conclut: «Il convient dès lors de confirmer l’ordonnance entreprise ayant prononcé la caducité de la déclaration d’appel.»
I — Les conditions de la caducité et le régime de la force majeure
A — Le cadre normatif des articles 908 et 911 du code de procédure civile
La motivation s’ouvre par le rappel du mécanisme de caducité: l’article 908 impose, à peine de caducité relevée d’office, la remise des conclusions au greffe dans les trois mois de la déclaration d’appel. La cour cite ensuite le texte applicable de l’article 911, dans sa version issue du décret du 29 décembre 2023, qui articule notification et signification dans le même délai que la remise au greffe. Elle reproduit surtout la clause d’exception: «En cas de force majeure, constituée par une circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêt pour elle un caractère insurmontable, le conseiller de la mise en état peut, à la demande d’une partie, écarter l’application des sanctions prévues aux articles 908 à 910 et au premier alinéa du présent article.»
Ce rappel structure l’analyse autour de deux axes indissociables. D’une part, la charge de l’accomplissement des diligences pèse sur l’appelant, qui doit conclure et notifier dans le délai impératif. D’autre part, l’exception suppose une circonstance extérieure, non imputable et insurmontable, dont la preuve doit être rapportée avec précision. La cour constate que les conclusions ont été transmises le 11 mars 2025 à 14 h 44, soit après l’expiration du délai, ce qui déclenche la sanction sans autre formalité.
B — L’appréciation probatoire et l’exigence d’insurmontabilité de l’aléa technique
La discussion s’est concentrée sur l’allégation d’un incident technique affectant l’outil de communication électronique le dernier jour du délai. La cour retient l’insuffisance des pièces produites, composées d’un rapport d’incidents couvrant d’autres dates, d’une capture d’écran non datée et d’un avis de maintenance antérieur. Elle énonce, de manière nette: «Aucune des pièces […] n’établit un dysfonctionnement […] le 10 mars 2025», puis tranche: «Aucun cas de force majeure n’est démontré.»
L’enseignement dépasse l’espèce. L’aléa informatique n’est pas présumé; il doit être daté, circonstancié et rattaché au temps utile. L’exigence d’insurmontabilité implique l’absence de solution alternative raisonnable, comme un dépôt anticipé, un envoi par un autre canal régulier ou une diligence au greffe dûment établie. En l’absence d’éléments probants, la stricte application de la caducité s’impose, conformément à la lettre du texte et à la finalité d’ordonnancement de l’instance d’appel.
II — Proportionnalité de la sanction et portée procédurale des irrégularités invoquées
A — Le contrôle de proportionnalité et le droit d’accès au juge
Les appelants invoquaient une atteinte excessive au droit d’accès au juge au regard de l’article 6 de la Convention. La cour rappelle l’orthodoxie des solutions rendues en matière de délais impératifs, citant la jurisprudence de la deuxième chambre civile: «Les délais prescrits aux parties pour les effectuer ne les privent pas de leur droit d’accès au juge… (Civ 2, 26 juin 2014, n° 13-22.011).» Elle en déduit l’absence de disproportion, compte tenu du délai de trois mois laissé à la partie pour conclure.
La démarche est classique et cohérente. Le contrôle de proportionnalité ne neutralise pas une sanction essentielle à la bonne administration de la justice, lorsque la partie a bénéficié d’un délai suffisant et n’établit aucun obstacle insurmontable. L’argument tiré de l’absence de préjudice de l’intimée est justement écarté, la caducité répondant à une logique d’ordre public de direction, indifférente à la démonstration d’un grief adversarial.
B — Les effets des vices de forme allégués sur l’ordonnance du conseiller de la mise en état
Restait l’argument de nullité formelle, fondé sur l’article 454 du code de procédure civile. La cour constate, en fait, que l’ordonnance mentionnait l’identification de l’intimée sans risque de confusion. Elle ajoute un rappel utile de l’article 458, selon lequel seule l’omission du nom des juges est sanctionnée par la nullité en tant que mention substantielle. Elle conclut ainsi: «La nullité soulevée est dénuée de fondement et doit être rejetée.»
La portée de cette solution est double. D’abord, l’office du conseiller de la mise en état n’est pas fragilisé par des griefs formels qui ne touchent ni aux mentions substantielles ni aux droits de la défense. Ensuite, l’économie des textes commande une lecture stricte des nullités relatives à la structure de la décision, qui ne saurait devenir un substitut au fond en cas de défaillance des diligences de l’appelant. L’ordonnance de caducité demeure donc protégée contre des contestations purement formelles.
La confirmation intégrale du dispositif s’inscrit ainsi dans une ligne jurisprudentielle stable. Le rappel des textes, l’exigence probatoire quant à l’aléa technique et le contrôle mesuré de proportionnalité convergent vers une même finalité. La cour résume la solution en une formule dépourvue d’équivoque: «Il convient dès lors de confirmer l’ordonnance entreprise ayant prononcé la caducité de la déclaration d’appel.»