Cour d’appel de Nîmes, le 3 juillet 2025, n°23/03036
Par un arrêt de la Cour d’appel de Nîmes du 3 juillet 2025, la juridiction tranche une action paulienne consécutive à une vente immobilière. Un époux débiteur cède une propriété cévenole, tandis que son épouse créancière, bénéficiaire d’une prestation compensatoire importante, soutient la fraude. Elle inscrit, après la vente, une hypothèque légale et demande l’inopposabilité de l’acte, ainsi que la validation de la sûreté.
Le tribunal judiciaire d’Alès, le 20 juillet 2023, rejette l’action, ordonne la mainlevée de l’hypothèque et déboute les parties de leurs prétentions accessoires. L’épouse créancière interjette appel. Les acquéreurs contestent toute fraude et appellent en garantie le notaire et l’assureur. L’inscription hypothécaire est ultérieurement radiée en exécution provisoire. La Cour d’appel de Nîmes confirme la décision, après avoir rappelé que « L’action paulienne suppose la réunion d’un élément matériel et d’un élément moral » et que « La charge de la preuve incombe au créancier ». Elle juge le prix non dérisoire, écarte toute preuve d’intention frauduleuse et de connaissance du tiers, déclare sans objet la demande de validation de l’hypothèque, et confirme le rejet de l’allégation d’abus de procédure.
I. Le cadre normatif de l’action paulienne et sa mise en œuvre concrète
A. L’élément matériel: atteinte au gage et appréciation du prix
La cour énonce, par référence à l’article 1341-2 du code civil, la faculté du créancier d’« agir en son nom personnel pour faire déclarer inopposables à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits ». Elle précise la structure de l’action: « Le premier consiste dans un acte du débiteur portant atteinte au droit du créancier, ce qui nécessite que ce droit soit né avant l’acte frauduleux et que l’acte compromette la réalisation de ce droit. »
Le droit de l’épouse était certain et antérieur, assorti d’un défaut persistant de paiement et d’une caution non versée. Restait à établir la compromission effective du gage par la vente alléguée sous-évaluée. La cour rappelle un critère utile: « La vente d’un bien immobilier à un prix inférieur à sa valeur vénale caractérise une fraude. » L’affirmation guide l’examen, sans toutefois préjuger du résultat, la sous-évaluation devant être appréciée in concreto.
Les juges relèvent un long délai de commercialisation, l’isolement du bien et l’écart temporel entre des estimations anciennes et l’évaluation contemporaine. Ils retiennent qu’« Dans ce contexte, le prix de vente de 1 300 000 euros n’est nullement dérisoire, mais correspond au prix du marché », compte tenu des caractéristiques et de la conjoncture. L’élément matériel n’est donc pas caractérisé par un prix lésionnaire, ce qui affaiblit l’allégation de fraude au gage.
B. L’élément moral: intention frauduleuse du débiteur et connaissance du tiers
L’élément moral comporte, d’une part, l’intention du débiteur, et, d’autre part, pour l’acte onéreux, la connaissance par le tiers des conséquences pour le créancier. La cour rappelle l’exigence: « L’intention frauduleuse du débiteur est établie dès qu’il a eu conscience du préjudice causé à son créancier par la diminution de son patrimoine. » L’absence de prix dérisoire réduit ici la portée des indices matériels.
S’agissant de la connaissance du tiers, la juridiction refuse de déduire la collusion d’un lien professionnel ancien ou d’une notoriété médiatique. Elle relève surtout que « il ne pesait sur les acheteurs aucune obligation de se renseigner sur ce point avant de faire l’acquisition d’un bien immobilier », les articles de presse ne créant aucune présomption de connaissance. La connivence perçue dans une vente conclue sans intermédiaire ne suffit pas, faute de lien établi avec une volonté de nuire au créancier.
La conclusion est nette et écrite en des termes dépourvus d’ambiguïté: « Par conséquent, l’appelante ne rapporte pas plus qu’en première instance la preuve d’une intention frauduleuse de son époux », ce qui emporte confirmation du rejet de l’inopposabilité. La réunion cumulative des deux éléments fait défaut, en l’absence de preuve probante apportée par le créancier, auquel incombe la charge.
II. Appréciation de la solution et portée contentieuse de l’arrêt
A. Une exigence probatoire élevée, protectrice des tiers de bonne foi
La motivation articule clairement la méthode: qualification de l’atteinte au gage, puis vérification concertée de l’intention et de la connaissance. La clause de principe « La charge de la preuve incombe au créancier » irrigue l’ensemble et explique l’issue. L’arrêt privilégie des indices objectifs et contemporains pour apprécier la valeur vénale, évitant les extrapolations à partir d’estimations anciennes.
La formule selon laquelle « La vente d’un bien immobilier à un prix inférieur à sa valeur vénale caractérise une fraude » pourrait paraître abrupte si elle était isolée. Elle est ici immédiatement tempérée par un contrôle serré de la valeur réelle, tenant compte de la durée de mise en vente, de la localisation et du marché. La solution protège la sécurité des transactions, en refusant de présumer la fraude de la seule notoriété d’un divorce ou de relations professionnelles non caractérisées.
La décision confirme enfin qu’une connaissance présumée de la situation du débiteur ne se déduit ni d’une visibilité médiatique, ni d’une simple proximité d’affaires. En exigeant la preuve d’une conscience effective du préjudice, elle consolide la frontière entre soupçon et certitude, au bénéfice des tiers réputés de bonne foi.
B. Effets accessoires: perte d’objet de la sûreté et rejet de l’abus de procédure
La radiatio de l’inscription hypothécaire en exécution provisoire entraîne une conséquence procédurale immédiate. La cour le dit sans détour: « Dès lors, la demande de l’appelante tendant à sa validation est sans objet. » Cette articulation rappelle l’autonomie de l’action paulienne par rapport aux mesures de garantie, dont l’extinction prive d’intérêt les prétentions purement confirmatives.
S’agissant de l’abus de procédure, la juridiction admet la légitimité de l’exercice des voies de recours, au regard de la difficulté et de l’enjeu. Elle retient expressément qu’« En interjetant appel du jugement, elle n’a fait qu’user d’une voie de droit sans qu’aucun abus ne soit caractérisé. » Le rejet de la demande indemnitaire forme un équilibre convenable avec l’allocation modérée de frais irrépétibles aux acquéreurs, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
On notera enfin que le visa textuel du fondement de l’abus, mentionné comme relevant du code civil, n’affecte pas la solution, conforme à l’économie du contentieux. L’arrêt consacre, sur l’ensemble, une ligne de continuité: contrôle concret de la valeur, rigueur sur la preuve de la connivence, et prudence sur la sanction de l’initiative contentieuse.
Ainsi, la Cour d’appel de Nîmes, 3 juillet 2025, confirme une exigence élevée pour renverser l’opposabilité d’une vente onéreuse. La décision illustre une protection substantielle du tiers acquéreur et rappelle au créancier l’impératif d’apporter des éléments contemporains et concordants, tant sur l’atteinte au gage que sur la conscience du préjudice. Par sa sobriété et son ancrage dans les faits, la motivation offre un guide opératoire fiable pour la mise en œuvre de l’article 1341-2 du code civil.
Par un arrêt de la Cour d’appel de Nîmes du 3 juillet 2025, la juridiction tranche une action paulienne consécutive à une vente immobilière. Un époux débiteur cède une propriété cévenole, tandis que son épouse créancière, bénéficiaire d’une prestation compensatoire importante, soutient la fraude. Elle inscrit, après la vente, une hypothèque légale et demande l’inopposabilité de l’acte, ainsi que la validation de la sûreté.
Le tribunal judiciaire d’Alès, le 20 juillet 2023, rejette l’action, ordonne la mainlevée de l’hypothèque et déboute les parties de leurs prétentions accessoires. L’épouse créancière interjette appel. Les acquéreurs contestent toute fraude et appellent en garantie le notaire et l’assureur. L’inscription hypothécaire est ultérieurement radiée en exécution provisoire. La Cour d’appel de Nîmes confirme la décision, après avoir rappelé que « L’action paulienne suppose la réunion d’un élément matériel et d’un élément moral » et que « La charge de la preuve incombe au créancier ». Elle juge le prix non dérisoire, écarte toute preuve d’intention frauduleuse et de connaissance du tiers, déclare sans objet la demande de validation de l’hypothèque, et confirme le rejet de l’allégation d’abus de procédure.
I. Le cadre normatif de l’action paulienne et sa mise en œuvre concrète
A. L’élément matériel: atteinte au gage et appréciation du prix
La cour énonce, par référence à l’article 1341-2 du code civil, la faculté du créancier d’« agir en son nom personnel pour faire déclarer inopposables à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits ». Elle précise la structure de l’action: « Le premier consiste dans un acte du débiteur portant atteinte au droit du créancier, ce qui nécessite que ce droit soit né avant l’acte frauduleux et que l’acte compromette la réalisation de ce droit. »
Le droit de l’épouse était certain et antérieur, assorti d’un défaut persistant de paiement et d’une caution non versée. Restait à établir la compromission effective du gage par la vente alléguée sous-évaluée. La cour rappelle un critère utile: « La vente d’un bien immobilier à un prix inférieur à sa valeur vénale caractérise une fraude. » L’affirmation guide l’examen, sans toutefois préjuger du résultat, la sous-évaluation devant être appréciée in concreto.
Les juges relèvent un long délai de commercialisation, l’isolement du bien et l’écart temporel entre des estimations anciennes et l’évaluation contemporaine. Ils retiennent qu’« Dans ce contexte, le prix de vente de 1 300 000 euros n’est nullement dérisoire, mais correspond au prix du marché », compte tenu des caractéristiques et de la conjoncture. L’élément matériel n’est donc pas caractérisé par un prix lésionnaire, ce qui affaiblit l’allégation de fraude au gage.
B. L’élément moral: intention frauduleuse du débiteur et connaissance du tiers
L’élément moral comporte, d’une part, l’intention du débiteur, et, d’autre part, pour l’acte onéreux, la connaissance par le tiers des conséquences pour le créancier. La cour rappelle l’exigence: « L’intention frauduleuse du débiteur est établie dès qu’il a eu conscience du préjudice causé à son créancier par la diminution de son patrimoine. » L’absence de prix dérisoire réduit ici la portée des indices matériels.
S’agissant de la connaissance du tiers, la juridiction refuse de déduire la collusion d’un lien professionnel ancien ou d’une notoriété médiatique. Elle relève surtout que « il ne pesait sur les acheteurs aucune obligation de se renseigner sur ce point avant de faire l’acquisition d’un bien immobilier », les articles de presse ne créant aucune présomption de connaissance. La connivence perçue dans une vente conclue sans intermédiaire ne suffit pas, faute de lien établi avec une volonté de nuire au créancier.
La conclusion est nette et écrite en des termes dépourvus d’ambiguïté: « Par conséquent, l’appelante ne rapporte pas plus qu’en première instance la preuve d’une intention frauduleuse de son époux », ce qui emporte confirmation du rejet de l’inopposabilité. La réunion cumulative des deux éléments fait défaut, en l’absence de preuve probante apportée par le créancier, auquel incombe la charge.
II. Appréciation de la solution et portée contentieuse de l’arrêt
A. Une exigence probatoire élevée, protectrice des tiers de bonne foi
La motivation articule clairement la méthode: qualification de l’atteinte au gage, puis vérification concertée de l’intention et de la connaissance. La clause de principe « La charge de la preuve incombe au créancier » irrigue l’ensemble et explique l’issue. L’arrêt privilégie des indices objectifs et contemporains pour apprécier la valeur vénale, évitant les extrapolations à partir d’estimations anciennes.
La formule selon laquelle « La vente d’un bien immobilier à un prix inférieur à sa valeur vénale caractérise une fraude » pourrait paraître abrupte si elle était isolée. Elle est ici immédiatement tempérée par un contrôle serré de la valeur réelle, tenant compte de la durée de mise en vente, de la localisation et du marché. La solution protège la sécurité des transactions, en refusant de présumer la fraude de la seule notoriété d’un divorce ou de relations professionnelles non caractérisées.
La décision confirme enfin qu’une connaissance présumée de la situation du débiteur ne se déduit ni d’une visibilité médiatique, ni d’une simple proximité d’affaires. En exigeant la preuve d’une conscience effective du préjudice, elle consolide la frontière entre soupçon et certitude, au bénéfice des tiers réputés de bonne foi.
B. Effets accessoires: perte d’objet de la sûreté et rejet de l’abus de procédure
La radiatio de l’inscription hypothécaire en exécution provisoire entraîne une conséquence procédurale immédiate. La cour le dit sans détour: « Dès lors, la demande de l’appelante tendant à sa validation est sans objet. » Cette articulation rappelle l’autonomie de l’action paulienne par rapport aux mesures de garantie, dont l’extinction prive d’intérêt les prétentions purement confirmatives.
S’agissant de l’abus de procédure, la juridiction admet la légitimité de l’exercice des voies de recours, au regard de la difficulté et de l’enjeu. Elle retient expressément qu’« En interjetant appel du jugement, elle n’a fait qu’user d’une voie de droit sans qu’aucun abus ne soit caractérisé. » Le rejet de la demande indemnitaire forme un équilibre convenable avec l’allocation modérée de frais irrépétibles aux acquéreurs, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
On notera enfin que le visa textuel du fondement de l’abus, mentionné comme relevant du code civil, n’affecte pas la solution, conforme à l’économie du contentieux. L’arrêt consacre, sur l’ensemble, une ligne de continuité: contrôle concret de la valeur, rigueur sur la preuve de la connivence, et prudence sur la sanction de l’initiative contentieuse.
Ainsi, la Cour d’appel de Nîmes, 3 juillet 2025, confirme une exigence élevée pour renverser l’opposabilité d’une vente onéreuse. La décision illustre une protection substantielle du tiers acquéreur et rappelle au créancier l’impératif d’apporter des éléments contemporains et concordants, tant sur l’atteinte au gage que sur la conscience du préjudice. Par sa sobriété et son ancrage dans les faits, la motivation offre un guide opératoire fiable pour la mise en œuvre de l’article 1341-2 du code civil.