Cour d’appel de Dijon, le 21 août 2025, n°22/00925

Cour d’appel de Dijon, 21 août 2025, 2e chambre civile. À la suite de l’achat d’un véhicule d’occasion assorti d’une garantie de vingt-quatre mois, plusieurs désordres ont été signalés dans les semaines suivant la livraison. La juridiction devait préciser l’étendue des garanties invoquées et l’obligation de délivrance du carnet d’entretien.

Les acquéreurs ont rapporté des fuites d’huile, un verrouillage défectueux d’une porte, l’usure des barres stabilisatrices et des disques voilés, après une première panne prise en charge. Le vendeur n’a proposé qu’une prise en charge partielle au titre de la garantie contractuelle, excluant la plupart des interventions. Le carnet d’entretien n’a pas été remis après la vente.

Le tribunal judiciaire de Dijon a accueilli partiellement les demandes, allouant le coût de réparations et un préjudice de jouissance, tout en rejetant la délivrance du carnet. Le vendeur a relevé appel pour réduire sa charge. Les acquéreurs ont sollicité la confirmation et des compléments, dont la remise du carnet sous astreinte.

La question tenait à l’articulation entre garantie contractuelle minimale et garantie complémentaire, aux conditions d’opposabilité des exclusions, à la mobilisation de la garantie des vices cachés, et à la charge de la preuve de la délivrance des accessoires. La cour retient une garantie unique quant à la durée mais duale quant au régime, admet la mise en jeu de la garantie légale pour certains désordres et ordonne la remise du carnet sous astreinte.

I. L’articulation des garanties contractuelles

A. Une durée unifiée, des régimes distincts
La cour constate d’abord que le bon de commande fait état d’un ensemble contractuel composant une durée globale. Elle relève que « la durée totale de la garantie contractuelle ainsi accordée, (garantie minimale + garantie contractuelle complémentaire) est mentionnée au recto du bon de commande ». L’économie de la clause conduit à joindre la durée, mais non l’étendue matérielle, des garanties. La juridiction souligne ainsi l’unité de l’engagement du vendeur, tout en réservant la portée propre de chaque bloc de garantie.

Sur ce point, la motivation est nette : « Il s’en déduit que les deux garanties contractuelles pour être complémentaires, n’obéissent cependant pas au même régime. » La garantie complémentaire demeure régie par ses conditions particulières, opposables en raison de l’adhésion de l’acquéreur, tandis que la garantie minimale, assumée par le vendeur, conserve son périmètre autonome. La solution, sobre, tient ensemble la force obligatoire du contrat et la distinction des risques couverts, sans confondre extension de durée et extension d’objets.

B. La portée de la garantie minimale sur les organes de sécurité
La cour précise ensuite le champ utile de la garantie minimale, centrée sur la sécurité. Elle énonce que « cependant, la garantie minimale consentie par le vendeur est mobilisable, en ce qu’elle porte sur le système de freinage et que la défectuosité de ces éléments a été relevée dans le délai de trois mois à compter de la vente dans le diagnostic et le devis du 16 septembre 2021 ». Les disques et plaquettes, identifiés dans le délai, entrent donc dans le périmètre d’intervention du vendeur, sans égard pour les exclusions attachées à la garantie complémentaire.

La distinction opérée conduit à une prise en charge duale et cohérente. Les barres stabilisatrices, expressément admises au titre de la garantie contractuelle, et les éléments de freinage, couverts par la garantie minimale, sont imputables au vendeur. Les opérations relatives à des pièces expressément exclues par la garantie complémentaire demeurent hors de son champ. La cour ménage ainsi l’équilibre des stipulations, en refusant une couverture illimitée, mais en assurant la protection attendue des organes de sécurité.

II. La mobilisation de la garantie légale et des obligations de délivrance

A. La reconnaissance de la garantie des vices cachés par la prise en charge volontaire
Au-delà du contrat, la cour retient la garantie légale. Elle refuse que l’absence d’expertise neutralise les droits de l’acquéreur, au vu des engagements écrits du vendeur et de la nature des désordres. La motivation écarte toute fin de non-recevoir liée aux réparations déjà exécutées : « Elle ne peut pas non plus prétendre à voir écarter sa garantie motif pris de la réalisation des travaux par les acquéreurs, alors que ces derniers n’ont fait qu’exercer librement le choix offert par l’article 1644 du code civil, dont ils n’ont pas à rendre compte à leur vendeur. » La démarche des acquéreurs est légitime dès lors que la défectuosité est établie et que la prise en charge a été envisagée.

La cour souligne aussi la gravité fonctionnelle des désordres, décisive en matière de vices cachés : « Au demeurant, il sera observé que les fuites d’huile relevées affectent des pièces du moteur, organe essentiel au fonctionnement d’un véhicule. » Cette appréciation, jointe à l’initiative de prise en charge, rend opérante la garantie légale pour les joints et la serrure défectueuse. La solution articule ainsi consentement du vendeur, preuve des dysfonctionnements et adéquation du remède, sans alourdir la charge probatoire des acquéreurs.

B. La délivrance du carnet d’entretien et la charge de la preuve
La cour rappelle enfin la portée de l’obligation de délivrance et la règle probatoire. Elle affirme que « s’agissant d’une obligation dont l’exécution pèse sur le vendeur, c’est bien à lui, contrairement à ses affirmations, de supporter la charge de la preuve de sa complète exécution ». Faute de preuve de remise du carnet après la vente, la condamnation à délivrance s’impose, assortie d’une astreinte proportionnée.

L’utilité du document est rappelée avec clarté : « Ainsi que l’a justement repris à son compte le premier juge, le carnet d’entretien permet de justifier de l’entretien du véhicule conformément aux prescriptions du constructeur et de préserver ainsi les éventuels droits de l’acquéreur à son encontre, comme à celle de vendeurs intermédiaires. » La cour protège, par ce relais probatoire, la valeur de revente et la continuité des droits, sans se satisfaire d’un argument de numérisation des données par le constructeur.

Par cette décision, la juridiction d’appel conjugue rigueur contractuelle et effectivité des garanties légales. Le recalibrage des montants, la confirmation du préjudice de jouissance et l’astreinte attachée au carnet rendent la solution opératoire et mesurée, dans le respect des textes et des engagements souscrits.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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