Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 19 juin 2025, n°21/17113
Par un arrêt du 19 juin 2025, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence statue sur la responsabilité d’un syndic sortant à raison d’une perte de chance imputée à des carences procédurales. L’enjeu porte sur l’existence d’une chance sérieuse d’obtenir un résultat différent quant à une servitude de passage et à son indemnisation.
Une action en 2017, initiée par un propriétaire d’un volume, a conduit à un jugement par défaut en 2018. Celui-ci a reconnu une servitude de passage et a fixé une participation de 11 %.
Le syndicat a ensuite recherché la responsabilité contractuelle du syndic sortant pour n’avoir ni informé les copropriétaires, ni constitué avocat, ni transmis la décision dans les délais d’appel. Le tribunal judiciaire, le 16 novembre 2021, a alloué 500 euros pour la perte de chance. Il a rejeté l’essentiel des autres demandes, tout en retenant une faute de gestion.
L’appelant a demandé une expertise préalable ou, subsidiairement, une indemnisation substantielle fondée sur l’intégration des entresols dans la copropriété et la réévaluation corrélative des charges générales. L’intimé a sollicité la confirmation, soutenant que la servitude et son assiette financière résultaient d’instruments constitutifs de 2006 et 2013, de sorte qu’aucune chance sérieuse n’était démontrée.
La cour encadre d’abord l’office du juge d’appel: « L’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile énonce que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion ». Elle rappelle ensuite le standard probatoire applicable: « La perte de chance réparable est la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable, laquelle est distincte de l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée ». Elle confirme la réparation limitée et refuse toute mesure d’instruction, retenant l’absence de chance sérieuse et l’antériorité textuelle des servitudes.
I. Le sens de la décision: qualification et méthode d’appréciation de la perte de chance
A. Cadre procédural et normatif de l’examen
La cour limite sa saisine aux seules prétentions, rattachant strictement les moyens aux demandes recevables. Cette rigueur écarte les formulations de type constatation, dépourvues d’effet utile au regard de l’article 954.
Sur le fond, elle vise l’ancien article 1147 et les articles 1231 et suivants, pour rappeler la responsabilité contractuelle du débiteur qui n’exécute pas son obligation. Elle ajoute, dans la continuité, que le mandataire répond des fautes commises dans sa gestion.
Dans ce cadre, la définition opératoire est rappelée sans ambages: « La perte de chance réparable est la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable, laquelle est distincte de l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée ». L’évaluation se fait proportionnellement à l’intensité de la chance, non à l’avantage final espéré.
B. Appréciation in concreto des faits et de la causalité
L’argumentation décisive tient à l’antériorité conventionnelle des servitudes entre volumes, résultant des instruments de 2006 et du modificatif de 2013. Ces textes prévoyaient le passage par les parties communes du volume d’habitation au profit des volumes issus du premier ensemble.
L’arrêt relève que l’état descriptif mentionnait déjà que le « volume 1000 “bénéficie d’une servitude de passage (existante ou à créer) sur les volumes 2000, 3000, 4000, 5000 et 6000” » et que « le volume 2000 est “grevé d’une servitude de passage (existante ou à créer) au profit du volume 1000” ». Le modificatif fixait, en outre, que « La participation aux frais d’entretien du hall d’entrée, du premier niveau de la cage d’escalier et de l’ascenseur, s’il est utilisé, est fixée à 11 % ».
Sur cette base, la cour constate l’absence de démonstration d’une voie d’accès alternative concrète ou d’un fondement propre à écarter la clause. Elle note expressément: « Il n’est d’ailleurs produit aucune pièce de nature à démontrer que le passage pourrait se faire ailleurs ».
Dès lors, la faute de gestion n’ouvre droit qu’à une indemnisation réduite, calibrée sur l’ampleur réelle de la chance perdue. L’expertise sollicitée est écartée, la preuve du préjudice allégué restant à la charge du demandeur.
II. Valeur et portée de la solution retenue
A. Une exigence probatoire élevée, conforme au droit positif
La décision applique strictement la logique de la perte de chance, qui exige une probabilité sérieuse, appréciée in concreto. Cette position s’accorde avec l’idée que le juge indemnise l’aléa perdu, non le résultat hypothétique.
En présence de servitudes conventionnelles claires, la probabilité d’un rejet total apparaissait très faible. L’indemnité limitée reflète cette appréciation, la cour soulignant l’absence de preuve d’un tracé alternatif ou d’un quantum supérieur.
Le refus d’une expertise vise à ne pas substituer l’instruction au défaut d’éléments objectifs, conformément à une pratique constante. L’évaluation d’une perte de chance demeure une opération de proportion, fondée sur les pièces déjà produites.
B. Enseignements pratiques pour la copropriété en volumes et la responsabilité du syndic
L’arrêt consacre la force normative des états descriptifs et de leurs servitudes dans les ensembles en volumes. Il rappelle que leur économie commande l’accès, les charges, et l’articulation avec les règlements de copropriété postérieurs.
Les demandes tendant à l’intégration d’unités supplémentaires et au recalcul général des charges ne peuvent prospérer qu’à l’appui de stipulations contraires ou d’une fraude caractérisée. À défaut, l’assiette conventionnelle s’impose et limite l’aléa indemnisable.
Pour le syndic, la faute de suivi procédural demeure indiscutable, notamment lorsqu’un jugement intervient par défaut. Cependant, l’indemnisation dépendra strictement de la chance perdue et de la preuve d’un scénario judiciaire réellement plausible.
Deux enseignements s’en dégagent, utiles aux praticiens et aux conseils. D’une part, la traçabilité des notifications et des diligences précontentieuses s’impose ; d’autre part, la constitution d’un dossier probatoire solide conditionne toute évaluation crédible du préjudice.
Par un arrêt du 19 juin 2025, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence statue sur la responsabilité d’un syndic sortant à raison d’une perte de chance imputée à des carences procédurales. L’enjeu porte sur l’existence d’une chance sérieuse d’obtenir un résultat différent quant à une servitude de passage et à son indemnisation.
Une action en 2017, initiée par un propriétaire d’un volume, a conduit à un jugement par défaut en 2018. Celui-ci a reconnu une servitude de passage et a fixé une participation de 11 %.
Le syndicat a ensuite recherché la responsabilité contractuelle du syndic sortant pour n’avoir ni informé les copropriétaires, ni constitué avocat, ni transmis la décision dans les délais d’appel. Le tribunal judiciaire, le 16 novembre 2021, a alloué 500 euros pour la perte de chance. Il a rejeté l’essentiel des autres demandes, tout en retenant une faute de gestion.
L’appelant a demandé une expertise préalable ou, subsidiairement, une indemnisation substantielle fondée sur l’intégration des entresols dans la copropriété et la réévaluation corrélative des charges générales. L’intimé a sollicité la confirmation, soutenant que la servitude et son assiette financière résultaient d’instruments constitutifs de 2006 et 2013, de sorte qu’aucune chance sérieuse n’était démontrée.
La cour encadre d’abord l’office du juge d’appel: « L’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile énonce que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion ». Elle rappelle ensuite le standard probatoire applicable: « La perte de chance réparable est la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable, laquelle est distincte de l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée ». Elle confirme la réparation limitée et refuse toute mesure d’instruction, retenant l’absence de chance sérieuse et l’antériorité textuelle des servitudes.
I. Le sens de la décision: qualification et méthode d’appréciation de la perte de chance
A. Cadre procédural et normatif de l’examen
La cour limite sa saisine aux seules prétentions, rattachant strictement les moyens aux demandes recevables. Cette rigueur écarte les formulations de type constatation, dépourvues d’effet utile au regard de l’article 954.
Sur le fond, elle vise l’ancien article 1147 et les articles 1231 et suivants, pour rappeler la responsabilité contractuelle du débiteur qui n’exécute pas son obligation. Elle ajoute, dans la continuité, que le mandataire répond des fautes commises dans sa gestion.
Dans ce cadre, la définition opératoire est rappelée sans ambages: « La perte de chance réparable est la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable, laquelle est distincte de l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée ». L’évaluation se fait proportionnellement à l’intensité de la chance, non à l’avantage final espéré.
B. Appréciation in concreto des faits et de la causalité
L’argumentation décisive tient à l’antériorité conventionnelle des servitudes entre volumes, résultant des instruments de 2006 et du modificatif de 2013. Ces textes prévoyaient le passage par les parties communes du volume d’habitation au profit des volumes issus du premier ensemble.
L’arrêt relève que l’état descriptif mentionnait déjà que le « volume 1000 “bénéficie d’une servitude de passage (existante ou à créer) sur les volumes 2000, 3000, 4000, 5000 et 6000” » et que « le volume 2000 est “grevé d’une servitude de passage (existante ou à créer) au profit du volume 1000” ». Le modificatif fixait, en outre, que « La participation aux frais d’entretien du hall d’entrée, du premier niveau de la cage d’escalier et de l’ascenseur, s’il est utilisé, est fixée à 11 % ».
Sur cette base, la cour constate l’absence de démonstration d’une voie d’accès alternative concrète ou d’un fondement propre à écarter la clause. Elle note expressément: « Il n’est d’ailleurs produit aucune pièce de nature à démontrer que le passage pourrait se faire ailleurs ».
Dès lors, la faute de gestion n’ouvre droit qu’à une indemnisation réduite, calibrée sur l’ampleur réelle de la chance perdue. L’expertise sollicitée est écartée, la preuve du préjudice allégué restant à la charge du demandeur.
II. Valeur et portée de la solution retenue
A. Une exigence probatoire élevée, conforme au droit positif
La décision applique strictement la logique de la perte de chance, qui exige une probabilité sérieuse, appréciée in concreto. Cette position s’accorde avec l’idée que le juge indemnise l’aléa perdu, non le résultat hypothétique.
En présence de servitudes conventionnelles claires, la probabilité d’un rejet total apparaissait très faible. L’indemnité limitée reflète cette appréciation, la cour soulignant l’absence de preuve d’un tracé alternatif ou d’un quantum supérieur.
Le refus d’une expertise vise à ne pas substituer l’instruction au défaut d’éléments objectifs, conformément à une pratique constante. L’évaluation d’une perte de chance demeure une opération de proportion, fondée sur les pièces déjà produites.
B. Enseignements pratiques pour la copropriété en volumes et la responsabilité du syndic
L’arrêt consacre la force normative des états descriptifs et de leurs servitudes dans les ensembles en volumes. Il rappelle que leur économie commande l’accès, les charges, et l’articulation avec les règlements de copropriété postérieurs.
Les demandes tendant à l’intégration d’unités supplémentaires et au recalcul général des charges ne peuvent prospérer qu’à l’appui de stipulations contraires ou d’une fraude caractérisée. À défaut, l’assiette conventionnelle s’impose et limite l’aléa indemnisable.
Pour le syndic, la faute de suivi procédural demeure indiscutable, notamment lorsqu’un jugement intervient par défaut. Cependant, l’indemnisation dépendra strictement de la chance perdue et de la preuve d’un scénario judiciaire réellement plausible.
Deux enseignements s’en dégagent, utiles aux praticiens et aux conseils. D’une part, la traçabilité des notifications et des diligences précontentieuses s’impose ; d’autre part, la constitution d’un dossier probatoire solide conditionne toute évaluation crédible du préjudice.