Par un arrêt en date du 4 février 2025, la cour administrative d’appel s’est prononcée sur la légalité d’une déclaration d’utilité publique concernant un projet d’aménagement portuaire. En l’espèce, un préfet avait, par un arrêté du 27 janvier 2020, déclaré d’utilité publique le projet de création et d’extension du port de plaisance d’une commune littorale, emportant mise en compatibilité du plan local d’urbanisme. Saisi par une association de propriétaires, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté le recours en annulation formé contre cet arrêté. L’association a interjeté appel de ce jugement, contestant la compétence de la commune pour porter le projet ainsi que l’utilité publique de l’opération. La question soumise à la cour était double : d’une part, il s’agissait de déterminer si la création d’un port de plaisance relevait de la compétence de la commune ou de celle de l’établissement public de coopération intercommunale au titre des zones d’activité portuaire. D’autre part, les juges devaient apprécier si les atteintes et le coût du projet n’étaient pas excessifs au regard de ses avantages, remettant en cause son caractère d’utilité publique. La cour administrative d’appel a rejeté la requête, confirmant la compétence de la commune au motif que le projet concernait un port de plaisance et non une zone d’activité portuaire. Elle a également validé l’utilité publique du projet en jugeant que ses avantages excédaient ses inconvénients, malgré les contestations relatives à son coût et à son efficacité technique.
I. La confirmation de la compétence communale en matière de port de plaisance
La cour administrative d’appel a d’abord écarté le moyen tiré de l’incompétence de la commune en opérant une distinction claire entre les différentes catégories d’infrastructures portuaires, fondée sur la nature de l’activité exercée. Cette clarification réaffirme que la compétence intercommunale pour les zones d’activité portuaire ne s’applique pas de manière automatique aux ports dont l’activité principale est la plaisance.
A. Une distinction fondée sur la nature de l’activité portuaire
Pour déterminer l’autorité compétente, le juge s’est attaché à la qualification juridique du projet. L’association requérante soutenait que l’ampleur économique du projet le faisait relever de la compétence de la communauté urbaine au titre des « zones d’activité portuaire ». La cour a cependant privilégié une lecture stricte des textes en vigueur, notamment l’article L. 5314-4 du code des transports qui attribue aux communes la compétence pour « créer, aménager et exploiter les ports maritimes dont l’activité principale est la plaisance ».
Le juge a constaté qu’il « ressort des pièces du dossier et il n’est d’ailleurs pas contesté que le projet […] relève des ports de plaisance et ne comprend pas d’aménagement destinés à accueillir des entreprises proposant une activité économique spécifiquement portuaire ». En l’absence de telles activités, la qualification de zone d’activité portuaire au sens du code général des collectivités territoriales est écartée, peu importent les retombées économiques attendues. L’arrêt rappelle ainsi que la compétence se détermine par la nature intrinsèque des aménagements et non par leur impact économique extrinsèque.
B. Une application subsidiaire de la compétence intercommunale
L’analyse de la cour confirme que la compétence de l’établissement de coopération intercommunale en la matière n’est pas une compétence de principe pour tous les types de ports. Si les communautés d’agglomération sont bien compétentes pour la gestion des zones d’activité économique, y compris portuaires, les communes conservent une compétence spécifique pour les ports de plaisance.
La décision précise que ce transfert de compétence de la commune vers la structure intercommunale n’est pas automatique pour les ports de plaisance. Il est subordonné à un acte de volonté de l’établissement public, comme le prévoit l’article L. 5314-4 du code des transports. Faute pour la communauté urbaine « d’avoir manifesté sa volonté d’exercer cette compétence au lieu et place de la commune », cette dernière demeurait pleinement compétente pour assurer la maîtrise d’ouvrage du projet. Cette solution a le mérite de la sécurité juridique en s’en tenant à une répartition claire des pouvoirs, où la compétence générale n’absorbe pas la compétence spéciale en l’absence de démarche expresse.
II. La validation de l’utilité publique du projet par un bilan coût-avantages positif
Après avoir confirmé la compétence de la commune, la cour s’est livrée à un contrôle approfondi de l’utilité publique de l’opération, en application de la jurisprudence classique du bilan coût-avantages. Elle a reconnu l’existence d’un intérêt général suffisant malgré les doutes techniques soulevés, et a procédé à une appréciation concrète du bilan financier qui a conforté la validité de la déclaration d’utilité publique.
A. La reconnaissance d’un intérêt général suffisant malgré les incertitudes techniques
Le juge administratif a d’abord validé la finalité d’intérêt général du projet, qui vise à la fois la redynamisation touristique, l’amélioration de l’aménagement urbain et la préservation de l’environnement. L’association requérante contestait l’efficacité des solutions techniques retenues pour lutter contre l’ensablement chronique du port. Sur ce point, la cour adopte une position pragmatique. Elle relève que le projet « tente d’enrayer, de façon pérenne, le phénomène d’ensablement récurrent », notamment par un système de « by-pass » mécanique.
Elle estime que l’intérêt général n’est pas remis en cause par la circonstance que le projet « ne met pas totalement fin à l’ensablement ». Cette approche démontre que le contrôle du juge ne porte pas sur l’opportunité ou la perfection technique absolue des solutions choisies par l’administration, mais sur leur caractère sérieux et proportionné au regard de l’objectif poursuivi. L’existence d’une tentative crédible pour résoudre un problème suffit à ne pas vicier l’utilité publique de l’ensemble de l’opération.
B. Une appréciation concrète du bilan financier de l’opération
Le contrôle du bilan s’est ensuite porté sur l’argument du coût prétendument excessif de l’opération. La cour s’est livrée à une analyse détaillée des pièces financières du dossier, rectifiant le coût global du projet et examinant sa soutenabilité budgétaire. Elle a notamment écarté les critiques de la requérante en relevant que l’estimation des dépenses n’était pas sous-évaluée et que les projections de recettes permettaient d’envisager un équilibre financier à terme.
De plus, la cour a jugé sans incidence la circonstance, postérieure à l’arrêté attaqué, que le maire de la commune ait évoqué publiquement une réduction du budget du projet, car cette déclaration ne saurait « en démontrer le caractère disproportionné » à la date de la décision. En conclusion de son analyse, le juge estime que « eu égard à l’intérêt public que présente le projet », les inconvénients, « notamment en termes de coût financier, ne présentent pas un caractère excessif de nature à retirer au projet son caractère d’utilité publique ». Cet arrêt illustre un contrôle concret et non purement abstrait du bilan, où le juge vérifie la plausibilité des estimations de l’administration sans pour autant substituer sa propre appréciation économique.