Cour d’appel administrative de Toulouse, le 20 février 2025, n°23TL00322

Un arrêt rendu par une cour administrative d’appel le 20 février 2025 offre un éclairage sur les modalités de contrôle par l’administration fiscale des avantages fiscaux et des charges déductibles. En l’espèce, des contribuables ayant réalisé un investissement immobilier locatif portant sur plusieurs lots acquis pour un prix global avaient imputé une réduction d’impôt sur la totalité du coût d’acquisition. Ces mêmes contribuables avaient également déduit de leur revenu imposable des sommes versées à leur fille majeure au titre d’une pension alimentaire. À la suite d’un contrôle, l’administration fiscale a remis en cause le montant de la réduction d’impôt en la limitant au prix d’un seul logement, et a réintégré les pensions alimentaires dans le revenu imposable. Les contribuables ont contesté ces rectifications. Le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande par un jugement en date du 5 décembre 2022. Saisie en appel par les contribuables, la cour devait se prononcer sur deux questions distinctes. D’une part, elle devait déterminer si la méthode d’évaluation employée par l’administration pour isoler le coût d’acquisition du seul logement éligible à la réduction d’impôt était fondée. D’autre part, il lui appartenait de vérifier si les conditions de déduction d’une pension alimentaire, notamment l’état de besoin du bénéficiaire, étaient remplies et si la procédure de rectification était régulière. La cour administrative d’appel rejette la requête, confirmant ainsi la position de l’administration et des premiers juges. Elle valide la méthode de ventilation du prix au prorata des surfaces en l’absence de justification par les contribuables d’une méthode alternative plus pertinente. Elle juge également que la condition de l’état de besoin de l’enfant majeur n’était pas satisfaite et que la charge de la preuve de cet état incombe entièrement au contribuable.

Cette décision permet de rappeler la rigueur avec laquelle le juge de l’impôt apprécie les avantages fiscaux, en validant une méthode administrative d’évaluation pragmatique face à l’inertie probatoire du contribuable (I). Elle réaffirme par ailleurs avec fermeté les conditions de fond et de preuve exigées pour la déduction des pensions alimentaires (II).

I. La validation de la méthode d’évaluation administrative du coût d’un investissement locatif

La cour administrative d’appel confirme le bien-fondé du redressement opéré sur la réduction d’impôt en rappelant d’abord le champ d’application matériel du dispositif (A), avant de valider la méthode de ventilation du prix retenue par le service en l’absence de preuve contraire apportée par les requérants (B).

A. Le rappel du principe de l’unicité du logement éligible

Le régime de la réduction d’impôt « Scellier », codifié à l’article 199 septvicies du code général des impôts, limite explicitement son bénéfice à l’acquisition d’un seul logement par année d’imposition. La cour constate que les contribuables ont méconnu cette règle fondamentale en appliquant l’avantage fiscal sur le coût global d’une opération incluant deux appartements, un palier et un garage. Cette première erreur justifiait à elle seule la nécessité pour l’administration fiscale de corriger la base de calcul de la réduction d’impôt. Le litige ne portait donc pas sur le principe de la rectification, mais bien sur ses modalités de calcul. Le raisonnement de la cour souligne que le respect strict des conditions textuelles d’un avantage fiscal constitue un préalable non négociable, et que toute application extensive de la part du contribuable l’expose à un redressement. L’enjeu se déplace alors logiquement vers la justification du quantum de la rectification opérée.

Une fois le principe de la rectification acquis, il revenait à l’administration de reconstituer la base correcte de la réduction d’impôt, à savoir le prix de revient du seul logement éligible, soulevant la difficulté de l’évaluation d’un bien acquis au sein d’un ensemble hétérogène pour un prix global non ventilé.

B. L’admission d’une méthode de ventilation du prix en l’absence de justification contraire

Pour isoler la valeur du lot principal, l’administration a appliqué une méthode de répartition au prorata de la surface. La cour juge cette approche acceptable, balayant les critiques des contribuables. Ces derniers arguaient notamment que cette méthode ignorait les différences de valeur au mètre carré et les caractéristiques spécifiques des biens. La cour rejette cet argument en notant que les requérants ne fournissent aucun élément probant pour étayer leurs dires, comme des photographies ou des descriptifs précis. De plus, elle relève que certains facteurs qu’ils invoquent, tel le prix au mètre carré plus élevé des petites surfaces, leur seraient en réalité défavorables. L’argument relatif au rattachement d’un garage au lot principal est également écarté, l’acte d’acquisition n’établissant aucun lien juridique formel entre les deux lots. La décision se fonde sur une considération essentielle, selon laquelle la méthode de l’administration « peut être admise, en l’absence de méthode alternative permettant d’apprécier avec une plus grande précision le prix d’achat du bien en cause ». Ce faisant, la cour consacre une solution pragmatique qui place la charge de la preuve d’une évaluation plus juste sur les épaules du contribuable, qui seul détient les informations précises sur son bien.

Au-delà de l’évaluation de l’investissement locatif, l’arrêt se prononce également de manière très classique sur la question de la déduction des pensions alimentaires, réaffirmant la rigueur de ses conditions.

II. La confirmation des conditions strictes de déduction des pensions alimentaires

La cour rejette également le second moyen des requérants relatif à la déduction des pensions alimentaires versées à leur fille majeure. Elle confirme que cette déduction est subordonnée à un état de besoin effectif du bénéficiaire (A) et rappelle que la charge de prouver cet état pèse exclusivement sur le contribuable (B).

A. L’exigence d’un état de besoin effectif de l’enfant majeur

Aux termes des articles 205 et suivants du code civil, auxquels renvoie l’article 156 du code général des impôts, l’obligation alimentaire et la déduction fiscale qui en découle sont conditionnées à l’état de besoin de celui qui la réclame. Dans cette affaire, la cour examine la situation financière de la fille des contribuables. Elle constate que celle-ci disposait de revenus propres supérieurs au salaire minimum, composés de pensions versées par son ex-conjoint et de revenus de capitaux mobiliers. L’arrêt énonce clairement que, dans ces conditions, l’enfant majeure « ne se trouvait pas, en 2016 et en 2017, en état de besoin ». Cette appréciation factuelle, souveraine des juges du fond, illustre une conception stricte de l’état de besoin, qui ne se confond pas avec le simple maintien d’un certain niveau de vie. Dès lors que les ressources propres suffisent à couvrir les besoins essentiels, la condition n’est pas remplie, et ce, quand bien même les parents justifieraient de dépenses engagées pour leur enfant.

Le rejet de la déduction repose ainsi sur une analyse concrète de la situation du bénéficiaire, qui prime sur l’intention des débiteurs de l’aide et la réalité même des versements.

B. La charge de la preuve incombant exclusivement au contribuable

Les requérants soulevaient également un vice de procédure, tiré du fait que l’administration ne leur avait pas communiqué les documents internes ayant permis d’établir les revenus de leur fille. La cour écarte cet argument en jugeant la proposition de rectification suffisamment motivée au sens de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales, dès lors qu’elle indiquait le fondement juridique et les motifs de fait du redressement, à savoir que « les ressources et le capital dont disposait leur fille permettaient de couvrir ses besoins alimentaires ». Cette motivation était suffisante pour permettre aux contribuables de présenter leurs observations. La cour rappelle ainsi une solution constante selon laquelle l’administration n’est pas tenue de joindre à sa proposition de rectification les pièces qui ont fondé sa conviction, dès lors que la motivation est claire. Surtout, l’arrêt souligne qu’il « incombe à cet égard au contribuable de justifier, devant le juge de l’impôt, de la réalité et de l’importance des aliments dont le paiement a été rendu nécessaire par le défaut de ressources suffisantes du bénéficiaire ». En se montrant incapables de démontrer l’état de besoin de leur fille, les contribuables ont failli à leur obligation probatoire, ce qui scelle le sort de leur demande.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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